« Evacuations à Sumatra | Accueil | Une mine d'informations »

29 mars 2005

Irak : insurgents à confesse

Dans un conflit armé, la technologie offre généralement des possibilités égales aux différents belligérants ; à eux de l'exploiter au mieux. En Irak, la guérilla sunnite et notamment sa composante islamiste ont rapidement réussi à faire du terrorisme un spectacle capable de frapper les esprits, et les caméras vidéo sont devenues une arme essentielle de leur arsenal - au point d'essayer de filmer leurs attaques pour multiplier leur effet. Comme je l'ai déjà souvent écrit, les guerres modernes sont davantage liées à la conquête des esprits qu'à celle des territoires.

Toutefois, le Gouvernement irakien a récemment pris des initiatives pour contrer ces actions dans le domaine médiatique, et l'une d'entre elles semble très efficace : une émission de télévision trépidante qui intègre des séquences d'interrogatoire menées avec les insurgents capturés, lesquelles permettent d'identifier les poseurs de bombes, de montrer leur motivation avant tout pécuniaire, de souligner les transgressions des règles islamiques, et donc de saper la légitimité de la lutte armée contre les forces de sécurité irakiennes et contre la coalition. Et ceci sur un rythme quotidien :

Sometime after Iraq's January elections Al Iraqiya TV, a state-run television station, used U.S. start-up money to broadcast nightly taped interrogations with captured insurgents. The program, roughly translated as "Terrorism and the Hand of Justice," shows insurgents staring at a camera and answering questions posed by an off-screen interrogator.
"All over Iraq, 99 percent of the people are watching this show," said Majdy, a U.S. translator from Khanaqin, about the nearly hourlong program that airs nightly at 9:00 local time. "The other 1 percent are sleeping or working," said Ali, a translator from Baghdad.

Ce type d'offensive sémantique a l'immense avantage de combler les attentes d'une population avide à la fois de savoir et de distraction, de transformer en spectacle presque cathartique - donner le droit de haïr quelqu'un - les pulsions engendrées par le conflit de basse intensité et les fractures sociétales que connaît l'Irak. Encore une fois, on voit mal comment la guérilla sunnite serait en mesure de contrer de telles actions et de donner un sens aux violences souvent aveugles qu'elle déchaîne.

Publié par Ludovic Monnerat le 29 mars 2005 à 14:16

Commentaires

Enfin une réponse adéquate à la méthode millénaire du vieux de la montagne, réponse qui sous sa forme moderne va frapper plus sûrement les esprits et contrer efficacement la désinformation des Assassins et la complicité de médias complaisants. Félicitations au Gouvernement irakien qui ose prendre le risque de la visibilité assurant ainsi sa détermination à instruire et conduire son peuple sur le chemin de la démocratie la plus " directe " possible.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 29 mars 2005 à 17:00

Attention de ne pas sombrer dans un parodie des Procés de Moscou.

Publié par Frédéric le 29 mars 2005 à 22:27

Hier mardi, les parlementaires irakiens n'ont pas (encore) pu se mettre d'accord sur le choix d'un président, ont renvoyé la séance à dimanche prochain et ont prié! les Sunnites, notoirement minoritaires, de préparer des propositions. Les Sunnites à l'origine des violences. Les Sunnites qui monnaient leur participation au «processus démocratique» (apaisement) en exigeant des faveurs, des postes élevés au gouvernement.

Dès que les violences sont là , quotidiennes, peu de gens pensent encore à leur origine. Tous veulent les voir disparaître, quittes à négocier avec les malfaiteurs eux-mêmes. C'est ce qu'on pourrait appeler l'«effet Arafat».

Publié par ajm le 30 mars 2005 à 5:38

Ou, plus justement, l'«effet Allah».

Publié par ajm le 30 mars 2005 à 9:59

Pour Frédéric : c'est vrai que des images de confessions enregistrées rappellent des pratiques en vogue dans les pays communistes. Il y a certainement un risque important de dérive (certains pourraient même penser que cette dérive s'est déjà produite). Cependant, dès lors que la guerre se déroule autant à la télévision que dans la rue, je pense que c'est la notion même d'arme qui doit évoluer - et le droit qui va avec. Une offensive médiatique appelle une contre-offensive. C'est ce à quoi nous assistons probablement.

Publié par Ludovic Monnerat le 30 mars 2005 à 10:01

Ils ont diffusé un morceaux de cette émission Irakienne sur "Arrets sur Image " sur la 5, je trouve qu'il forcait beaucoup le trait sur la propagande, on voit une dame qui bénissait longuement un officier de la police Irakienne mais les journalistes sur le tableau on dit qu'elle avait beaucoup de succés parmi la population.

Publié par Frédéric le 3 avril 2005 à 22:43

Hier dimanche, les parlementaires irakiens ont élu le président de l'Assemblée. C'est un... Sunnite, membre du Parti Islamique irakien, proche des Frères musulmans.

Rendez-vous mercredi pour connaître, peut-être, l'identité des chefs du premier gouvernement «démocratique» irakien.

http://www.letemps.ch/template/international.asp?page=4&article=152987
vous

Publié par ajm le 4 avril 2005 à 7:13