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26 mars 2005

Irak : combat à sens unique

Je recommande vivement de lire le rapport après action de l'accrochage qui a eu lieu le 20 mars dernier au sud de Bagdad, avec les éléments additionnels comme la vidéo tournée par les insurgents au début de leur embuscade et l'interview des militaires américains qui ont vaincu ceux-ci (trouvé via Instapundit). L'action qui a permis à 7 soldats de la police militaire - dont 2 femmes - d'abattre 26 insurgents et d'en capturer 7 sur un groupe qui en comptait initialement 40 à 50 est en effet typique, quoique avec un volume inhabituellement élevé, des attaques subies en Irak par les troupes US.

A priori, les insurgents avaient un avantage décisif : prendre en embuscade un convoi de 30 véhicules civils uniquement protégé par 3 Humvees des troupes logistiques, avec donc un avantage de 4 à 5 contre 1, aurait dû permettre une victoire facile. La caméra qui accompagnait leur équipe, grâce à une bande diffusée par Al-Jazeera, aurait ensuite transformé en succès majeur leur action. Mais l'intervention rapide de la police militaire, chargée de la sécurité des axes, a totalement changé la donne : pris sous un feu précis et dense, à la fois d'armes automatiques et de lance-roquettes, les insurgents ont été incapables de réagir - c'est-à -dire de corriger leur plan - et ont été anéantis.

C'est un aspect qui n'a pas changé depuis presque 2 ans : la plupart des attaques contre les troupes américaines sont des échecs. La guérilla sunnite doit sacrifier entre 20 et 40 hommes pour tuer un seul GI. Les chiffres du mois de mars sont révélateurs de leur insuccès : en 26 jours, 23 militaires américains sont morts et au moins 82 ont été sérieusement blessés (évacuation hors du théâtre d'opération ou retour dans leur unité au-delà d'un délai de 72 heures) suite à un nombre d'attaques qui doit osciller entre 1000 et 1300. Par un calcul linéaire, on peut donc estimer que le 90% environ des attaques est totalement inefficace. Une telle impuissance militaire provoque nécessairement des combats à sens unique, et confirme que le domaine politique est bel et bien décisif.

En lisant en détail le récit du combat mené le 20 mars, on mesure à quel point l'efficacité tactique dépend de petits détails minutieusement soignés et entraînés - l'emplacement uniforme des munitions dans les véhicules, l'instruction aux techniques sanitaires d'urgence ou encore la capacité d'employer tout l'éventail des armes légères. Bien entendu, rien de tout cela ne suffirait si l'esprit de corps, le courage et la motivation des soldats n'atteignait pas un niveau élevé. Mais c'est surtout la démultiplication par l'image d'un tel accrochage - avec notamment le rôle-clef joué par le chef de groupe féminin - qui montre l'importance de cette supériorité.

Publié par Ludovic Monnerat le 26 mars 2005 à 8:43

Commentaires

Juste une remarque et une demande:
- il ne me semble pas que les médias (français) aient rendu compte de cet événement, ce qui est révélateur du parti pris américanophobe...
- pourriez vous nous faire un topo éclaircissant les divers grades des unités US (marines, terre, air et mer) en fonction de nos habitudes françaises ou suisses...

je suis en effet perplexe devant les lance corporal et autres dénominations de la troupe, des sous officiers et (moins) des officiers

merci d'avance

Publié par ano le 26 mars 2005 à 13:45

Et encore 131 suspects arrêtés ce matin lors d'un raid et des tonnes d'explosifs saisies !

Mais où sont nos journalistes d'hôtel ! ?


Publié par jc durbant le 26 mars 2005 à 15:55

Pour votre remarque, il semblerait que cet événement n'ait pas été complètement ignoré dans les médias francophones, selon une recherche sous Google News :

http://news.google.fr/news?hl=fr&ned=fr&ie=UTF-8&q=salman+pak+irak

Concernant la demande, je vous conseille en premier lieu de consulter le lien ci-dessous, qui explique les grades de la troupe et des sous-officiers :

http://www.globalsecurity.org/military/intro/enlist.htm

Publié par Ludovic Monnerat le 26 mars 2005 à 16:42

J'ai lu le compte rendu.
La première chose qui m'a frappé est que dans telles conditions de surprise et supériorité numérique les "opposants" aient perdu l'affrontement.Sans doute faute de leadership et d'expérience, sauf l'appui à l'arrière par la présence dans la maison d'autres "militants" (si j'ai compris la disposition des choses, ce qui la dit longue sur la capacité de monter n'importe quelle action d'envergure. Falluja docet.

La deuxième est l'impressionnat esprit en avant-agressif-pression des militaires USA, la capacité de comprendre le moment tactique, la coordination et l'initiative individuelle montrés par une unité de police militaire! Une action encore plus admirable si ont pense qu'il n'y avait aucun support de feux! Ce qui la dit longue sur l'état des troupes USA.

La troisième est la constation que le public USA est sorti de l'illusion de "war with no casualties", reveil qu'Hollywood a aidé avec des films comme "saving soldiers Ryan", "black hawk down" "soldiers"


Publié par mikhael le 26 mars 2005 à 19:28

Meci pour la référence,

Mais pourquoi ont-ils choisi comme titre :

" Les attaques contre la Force multinationale en hausse au sud de Bagdad"

Alors qu'on finit par découvrir plus loin dans l'article que:

"C'est le plus lourd bilan de pertes rebelles depuis les 25 morts dans des combats contre l'armée américaine le 29 décembre à Mossoul, dans le nord de l'Irak" ... ?

Publié par jc durbant le 26 mars 2005 à 21:04

Juste une petite question hors sujet:

étant tombé plusieurs fois dans mes lectures sur la notion de "logique jominienne" (qu'aurait choisie l'Armée américaine ?), je voulais savoir si vous avez déjà parlé quelque part de votre illustre compatriote (Antoine de Jomini) et de la particularité de son apport à la stratégie militaire, ainsi que ce qu'il en reste aujourd'hui ... ?

Publié par jc durbant le 27 mars 2005 à 9:08

Merci beaucoup pour le lien vers les grades et les pages alentours... Je connaissais le site (Where are the Gators?) mais celle-ci m'avaient échappé

En revanche, votre lien vers
http://news.google.fr/news?hl=fr&ned=fr&ie=UTF-8&q=salman+pak+irak
confirme ma remarque sur la partialité de la presse française : le compte rendu est maigre, et illustre l'attitude des médias qui scotomisent ce qui ne leur convient pas

PS
"Scotomisation, subst. fém. ,,En psychopathologie et en psychanalyse, refus inconscient de percevoir une réalité extérieure indépendante du sujet, mais sur laquelle il projette des désirs et des fantasmes subjectifs contre lesquels lui-même se défend`` (MAN.-MAN. Méd. 1980). "
http://atilf.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/displayp.exe?24;s=3593034150;i=ft-2-2.htm;;

Publié par ano le 27 mars 2005 à 12:15

Concernant la question de la logique jominienne, il est exact que je n'ai pas consacré d'article ou de réflexion à Jomini. Son "Précis de l'art de la guerre" fait partie de ma bibliothèque, et c'est un livre essentiel pour comprendre l'évolution de la pensée militaire (en revanche, je n'ai pas encore lu son livre sur les "Guerres de la révolution", qui trone dans ma pile d'ouvrages à lire).

La pensée de Jomini est très conventionnelle, avec des conceptions géométriques qui apparaissent toujours (la notion de base et de ligne d'opérations, par exemple, même si leur signification a été élargie). Il s'agit d'une recherche scientifique appliquée au domaine de la guerre, qui passe notamment par l'identification de principes-clefs.

Il est exact que le nom de Jomini est bien connu dans les armées US (le fait qu'il soit suisse l'est hélas bien moins), parce que sa pensée, reprise au XIXe siècle, s'est toujours accordée à la culture stratégique américaine, à sa rationalité parfois exacerbée. Son influence est en diminution depuis 40 ans, mais n'a pas disparu, loin s'en faut.

Publié par Ludovic Monnerat le 29 mars 2005 à 7:06