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20 mars 2005

Irak: la guérilla aux abois

Deux ans après le début de l'opération Iraqi Freedom, les militaires américains sont unanimes à en tirer un bilan positif. Au-delà des aspects politiques ou économiques, la situation sécuritaire semble s'améliorer si l'on en croit les déclarations du commandant des Marines, reproduites dans le New York Times, sur les activités de la guérilla :

"The officer, Lt. Gen. John F. Sattler, head of the First Marine Expeditionary Force, said that insurgents were averaging about 10 attacks a day, and that fewer than two of those attacks killed or wounded American forces or damaged equipment. That compared with 25 attacks a day, five of them with casualties or damage, in the weeks leading up to the pivotal battle of Falluja in November, he said."

Ainsi, le nombre d'attaques sur tout le territoire irakien oscille désormais entre 40 et 50 par jour, le niveau le plus bas depuis une année. Les pertes en soldats américains sont également les plus basses depuis février 2004, et situent juste au-dessus d'un mort par jour si l'on écarte les causes de décès accidentelles. Ces chiffres restent par conséquent des indicateurs valables, et montrent que la guérilla sunnite ne réussit pas à augmenter le nombre et l'efficacité de ses actions. Qu'elle soit en perte de vitesse près d'une année après la première bataille de Falloujah - unique et éphémère succès à son actif - relève de l'évidence.

Cette évolution s'explique essentiellement par trois phénomènes. Premièrement, les offensives lancées par la coalition depuis septembre dernier dans le triangle sunnite ont sensiblement réduit les capacités de la guérilla (pertes d'hommes, d'équipements et de redoutes) tout en provoquant une récolte exceptionnelle de renseignements sur sa structure et son fonctionnement. Deuxièmement, le succès des élections et le processus politique en cours ont brusquement sapé la légitimité des violences dirigées contre les tenants du Nouvel Irak. Troisièmement, le renforcement constant des forces de sécurité irakiennes et l'officialisation de la lutte islamiste menée par des combattants étrangers ont diminué la volonté de combattre dans la communauté sunnite, en raison du sentiment nationaliste que partagent la plupart des Irakiens.

Si la guérilla antidémocratique est aujourd'hui aux abois, toutefois, cela s'explique également par le fait que les 2 principaux Etats qui la soutenenaient - l'Iran et la Syrie - subissent une pression croissante et sont contraints de réduire leurs activités en Irak. La position de force qui caractérise les Etats-Unis au Moyen-Orient, notamment grâce à leur forte présence militaire en Irak, leur permet d'isoler progressivement les insurgents et de les empêcher d'interrompre la transformation du pays. C'est donc une campagne de contre-insurrection réussie, pas encore gagnée mais en bonne voie de l'être, qu'ils mènent actuellement.

Je vois mal comment la guérilla sunnite est en mesure de renverser la tendance. Son caractère ultraminoritaire et sa localisation géographique précise l'empêchaient déjà de jouer un rôle majeur sur le plan national ; depuis les élections américaines, son principal espoir - influencer les populations occidentales pour provoquer le retrait de la coalition, et notamment des divisions US - est caduc pour quelques années au moins, alors que les élections irakiennes ont sanctionné l'absence de perspective derrière ses actions. L'hypothèse la plus probable, pour la suite du conflit, reste ainsi une lente agonie ponctuée de violences aussi ponctuelles qu'exacerbées. Une sorte de suicide hyperactif, largement dû à l'euthanasie stratégique exécutée par les Etats-Unis.

COMPLEMENT I (21.3 1630) : Cet article du New York Times, qui décrit la situation dans un quartier de Bagdad, fournit une perspective intéressante sur l'affaiblissement de la guérilla et le renforcement des forces de sécurité irakiennes.

Publié par Ludovic Monnerat le 20 mars 2005 à 11:56

Commentaires

Il y a toujours des attaques et des pertes humaines, méme avec un seul attentat par semaine, vous entendriez parlez de "massacre".

Et avec les élections à venir en Italie et en Grande Bretagne, il faut s'attendre à des "coups d'éclat" contre les contingents et/ou intérets de ces 2 nations ou l'opinion publique est majoritairement contre l'implication de leurs pays en Irak.

Publié par Frédéric le 20 mars 2005 à 14:09

Un jour il faudra peut-être se pencher sur la stratégie adoptée par la guérilla islamiste. Du point de vue purement tactique, j'ai souvent été frappé par les objectifs visés (souvent des objectifs civils). Dans ce contexte, la guérilla a également contribué à se couper de la population irakienne et à donner d'elle-même une image peu glorieuse!

Alex

Publié par Alex le 21 mars 2005 à 15:22

Du point de vue du djihadiste, le vrai courage, c'est de s'attaquer aux civils, justement.

Le respect des populations civiles professé (et pratiqué) par les armées occidentales (et israéliennes) leur paraît une preuve de lâcheté: pour eux, si des combattants préservent des civils, c'est par crainte de représailles.

En tuant des civils, ils montrent leur détermination, leur virilité. Hélas.

Publié par ajm le 21 mars 2005 à 17:11

« Du point de vue du djihadiste, le vrai courage, c'est de s'attaquer aux civils, justement. »

Avez-vous des éléments qui permettent d'étayer ce point de vue ?

Dans ce cas, cela signifierait que les éléments idéologiques sont plus importants que les aspects stratégiques. Autrement dit, la guérilla part au combat avec un handicap certain.
Son pouvoir de nuisance aurait été certainement bien plus important, si elle était parvenue à convaincre une partie de la population civile.

Salutations

Alex

Publié par Alex le 22 mars 2005 à 9:24

Je ne peux pas vous indiquer une série d'hyperliens où vous verrez des terroristes déclarer qu'ils visent des civils pour prouver leur virilité.

Je me base ici sur ma connaissance du Coran, de la tradition islamique, de l'histoire et des Musulmans eux-mêmes. Je ne peux guère vous proposer qu'un raisonnement, et vous laisser juge de sa valeur.

La tactique islamique (aujourd'hui il faut dire islamiste ou radicale pour être politiquement correct) consiste à exiger une soumission absolue. L'ennemi a le choix entre se soumettre ou être soumis, ou mourir.

Écoutez le Coran, écoutez-le chanter:

La seule vérité est celle d'Allah. Tout appartient à Allah, tout lui revient. Le combattant d'Allah qui frappe l'ennemi ne frappe pas lui-même, c'est Allah qui guide son bras, c'est Allah qui frappe à sa place. La fureur d'Allah est terrible.

L'acte de violence en lui-même est acte divin. Plus son impact est puissant, plus sa valeur est grande. Ainsi, si, en tuant dix personnes apparemment innocentes (mais Allah sait mieux que quiconque ce qui habitent nos cœurs), l'on peut en gagner cent à la religion authentique, qu'est-ce que cela? Allah est grand, Allah est sage, Allah guide ses fidèles.

Si vous intégrez cet état d'esprit, le faites vôtre pour un moment, vous verrez que les combattants qui épargnent les civils paraissent manquer de foi en leur propre combat, car quoi de pire que d'exterminer l'autre simplement parce qu'il est autre?

Pure idéologie, en effet. Mais est-ce bien là un désavantage pour les islamistes? Devant la terreur, les hommes ont naturellement tendance à chercher une bonne raison, une motivation légitime, et à se mettre en quête d'une solution conciliante. C'est là tout le secret du succès de l'Islam.

Effrayés par cette détermination, les gens cherchent à habiller cette religion, ce mouvement, d'attributs vraiment divins. On a ainsi inventé les dires des compagnons du prophète, à l'époque, qui le décrivent comme un homme de bien. Et aujourd'hui, on parle de l'action sociale du Hezbollah (Parti d'Allah) et l'administration Bush veut croire que les terroristes affichés feront de bons politiciens.

Les terroristes ont de bonnes raisons de penser qu'ils utilisent la bonne tactique. Humainement, car ils sont dans la voie de leur dieu, et politiquement, car, devant des fous sanguinaires, les gens, en général, préfèrent l'apaisement. De fait, même si les terroristes sunnites n'ont pas bonne réputation, Allah reste le maître en Irak. Et c'est cela qui est grave. Le reste n'est que symptômes.

Publié par ajm le 22 mars 2005 à 13:38

"Tuez les tous, Dieu reconnaitras les siens", Croisade Albigoise, massacre de toute la population de Béziers dans le Languedoc...

Pour les fanatiques religieux ou politiques, la fin justifie les moyens.

Publié par Frédéric le 22 mars 2005 à 22:29

Merci pour cette réponse

Les passages cités sont tirés fidèlement du coran ou cité de mémoire ? Car j'ai copié plusieurs phrases au hasard et je les ai introduites dans un moteur de recherche. Et là surprise, aucun lien n'est apparu. C'est tout de même étonnant.

Alex

Publié par Alex le 23 mars 2005 à 9:57

De mémoire et pas des citations, des sentiments. J'ai étudié le Coran il y a plus de vingt ans (et j'ai cessé entre-temps). Je n'en ai plus de version française sous la main et n'en connais aucune de lisible sur Internet (la plupart des traductions françaises sont soit très mauvaises soit trop littéraires pour être honnêtes, voir plus bas).

Si vous lisez l'anglais, je vous recommande
http://www.prophetofdoom.net/toc.html
ou, pour retrouver des références précises sur le terrorisme,
http://www.prophetofdoom.net/quotes1.html#terrorism

Certes, l'auteur est extrêmement acerbe envers l'Islam dans ses commentaires, et l'on peut y relever des éléments critiquables (dans les deux sens, d'ailleurs, à mon avis), mais ses citations sont très solides, basées systématiquement sur les ouvrages qui font référence en la matière. Et il y pris la peine de retranscrire l'ensemble en un anglais moderne très lisible.

Voici un choix d'extraits qui illustrent mon propos (j'avoue recycler ici une sélection préparée à l'usage d'un autre forum, pour démontrer le soutien offert par le Coran au terrorisme):

8e sourate:
"O Prophet, urge the faithful to fight. If there are twenty among you with determination they will vanquish two hundred; if there are a hundred then they will kill a thousand Infidels, for they are a people devoid of understanding."

Et:
"Allah has sent you from your homes to fight for the Cause. Allah wished to confirm the truth by his words: wipe the Infidels out to the last. I shall fill the hearts of the Infidels with terror! So smite them on their necks and every joint, and incapacitate them, for they are opposed to Allah and His Apostle. Whoever opposes Us should know that Allah is severe in retribution. The Infidels will taste the torment of Hell. So when you meet them in battle do not retreat, for all who turn away from fighting will bring the wrath of Allah on themselves and their abode will be Hell. It was not you who killed them, but Allah who did so. You did not throw what you threw. Allah did to bring out the best in the faithful."

Il est intéressant de comparer cela, pendant que nous y sommes, avec une version française (dont je ne donne que l'URL), disons, pro-Islam (le ton, les chiffres, le choix des termes, les ajouts entre parenthèses):
http://www.islam.ch/francais/quran_f/8.cfm

Autre exemple, avec la 33e sourate:
"Allah made the Jews leave their homes by terrorizing them so that you killed some and made many captive. And He made you inherit their lands, their homes, and their wealth. He gave you a country you had not traversed before."

Et la même version française, où les Juifs sont des «gens du Livre», en fait l'expression correcte, ou, clin d'œil savoureux à l'actualité, des «coalisés»:
http://www.islam.ch/francais/quran_f/33.cfm

Publié par ajm le 23 mars 2005 à 14:07

Et ceux qui lisent l'allemand passeront un moment peut-être instructif et sûrement agréable et divertissant en lisant la critique «littéraire» du Coran signée Thomas Widmer dans la Weltwoche toute fraîche sortie des rotatives (et, ici, des serveurs d'html):
http://www.weltwoche.ch/artikel/?AssetID=10476&CategoryID=73

Publié par ajm le 24 mars 2005 à 12:16

" La seule vérité est celle d'Allah. Tout appartient à Allah, tout lui revient. Le combattant d'Allah qui frappe l'ennemi ne frappe pas lui-même, c'est Allah qui guide son bras, c'est Allah qui frappe à sa place. La fureur d'Allah est terrible."

Voici un texte qui explique comment des troupes musulmanes ont pu combattre sous commandement chrétien et montre combien la religion musulmane est indissociable de la vie et du fonctionnement de tout bon musulman. Mon père a fait 5 ans de guerre avec des troupes musulmanes et le respect de leur religion était ancré dans l'esprit de tous les officiers et sous officiers sachant très bien qu'elle était indissociable de leur allégeance et loyauté. J'ai eu l'honneur d'avoir été élevé par quelques-uns de ces guerriers arabo-berbère qui ont donné leur vie pour que l'on vive libre. Les officiers américains semblent avoir été très bien préparés pour respecter le plus possible en Irak cette relation étroite de la religion et de la vie et dans tous ses aspects.

" The corps of Spahis, organized by Yusuf, proved invaluable in keeping order in France's Asiatic colonies, for they were superb volunteer horsemen, descended from innumerable generations of fighting men, and were always ready to face death with the fatalistic courage of the Moslem. The recruits took an oath on the Koran to be faithful to France and, when it became necessary for them to subdue a tribe of rebellious fellow-Moslems, they salved their consciences with the idea that, when Moslems misbehave, Allah punished them by placing them under the domination of the Christians. So, the Spahis argued, in taking sides with the French, they became the instrument of Allah's punishment; and, in reality, merely aided their co-religionists on their road to Paradise by hastening the period of their expiation. This peculiar philosophy often made it necessary for the French officers to restrain the Spahis' zeal in punishing their fellow countrymen."

Centaurs of Many Lands by Edward Larocque Tinker

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 27 mars 2005 à 4:49

En effet les troupes d'AFN, quand elles furent bien commandé ont montré de quoi elles etait capables nottament en Italie.

Publié par Frédéric le 11 avril 2005 à 23:29