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5 janvier 2005

Vers des soldats invisibles ?

L'un des problèmes liés aux opérations en milieu urbain réside dans la difficulté à se camoufler : les tenues adoptées par les armées modernes permettent au soldat de se fondre dans un décor forestier, désertique ou hivernal, mais pas citadin. Les recherches destinées à développer une technologie s'orientent aujourd'hui vers le camouflage adaptatif, qui vise à fournir une sorte d'invisibilité aux hommes comme aux véhicules en simulant leur transparence par la projection d'images, de couleurs et de textures semblables à celles se trouvant derrière l'objet à dissimuler. En évitant les mouvements trop rapides, une telle capacité promet d'être révolutionnaire.

Les troupes utilisent aujourd'hui deux méthodes pour se camoufler en ville : la normalité et l'obscurité. D'une part, un petit nombre d'unités - essentiellement des forces spéciales - sont capables d'opérer en habits civils et de remplir des missions délicates en adoptant l'habillement, le comportement et même le langage de leur environnement ; on peut ainsi citer l'exemple de quelques formations israéliennes, dont les membres déguisés en Palestiniens opèrent librement en Cisjordanie et tentent d'éliminer des chefs terroristes. D'autre part, la nuit crée des conditions que préfèrent désormais les soldats équipés d'appareils de vision nocturne, comme le démontrent quotidiennement les unités coalisées en Irak.

Ces méthodes demeurent insuffisantes, parce que les unités en civil ont une marge de manÅ“uvre restreinte au regard du droit, à l'exception de la sécurité intérieure, et parce que la nuit - sauf dans les régions polaires - n'a qu'une durée limitée. Un axe de réflexion que j'ai tenté de développer est l'adaptation graduelle de l'apparence à la situation, avec différents degrés de visibilité entre tenue militaire et civile, en indiquant la marque de l'autorité lorsqu'une action coercitive est entreprise. Il existe en effet de nombreuses situations hors des combats de haute intensité dans lesquelles les armées doivent être vues pour influencer leur environnement ; la sécurité n'est pas invisible.

Dans un premier temps, la technologie du camouflage adaptatif semble de ce fait réservée à des opérations ponctuelles en milieu non permissif ou semi-permissif, menées par des forces non conventionnelles, pour lesquelles l'aptitude à littéralement se fondre dans le décor peut fournir un avantage décisif. On peut imaginer une application à plus large échelle, mais un emploi généralisé en combat symétrique n'est concevable qu'à la condition d'ajouter le domaine infrarouge, la signature radar et la réduction des émissions sonores - voire olfactives - au camouflage visuel. Un défi pour le moins complexe et coûteux à relever.

Il reste bien plus simple et rentable de combattre en habits civils, en utilisant la population comme bouclier humain, ainsi que le font de nos jours nombre de groupes irréguliers et terroristes. Un avantage qui explique pourquoi le chaos et non la défaite sont la hantise des armées contemporaines.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 janvier 2005 à 10:02