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10 février 2007

Le prisme inégal des médias

D'un point de vue médiatique, les conflits armés peuvent grosso modo être divisés en trois catégories : ceux qui plaisent, ceux qui déplaisent et ceux qui indiffèrent. Les premiers doivent être mis en évidence, ramenés à leurs éléments les plus saillants, dépourvus de nuance pour mieux être exploités ; les seconds doivent être resitués et recadrés, entourés d'interprétations et d'explications, recouverts d'un voile relativisant pour ne pas être exploités. Enfin, les troisièmes ne revêtent aucun intérêt et doivent être traités comme des faits divers, comme des événements naturels et inévitables, indignes de toute implication émotionnelle ou morale.

La guerre en Irak fait naturellement partie de la première catégorie. Il suffit de consulter régulièrement la colonne de gauche de ce site pour voir de quoi est fait l'essentiel de l'information donnée au public concernant l'Irak : les attaques terroristes, les pertes en soldats américains ou coalisés et les luttes politiques à Washington. Occasionnellement, lorsqu'un aperçu positif parvient à passer le filtre, il apparaît comme une incroyable surprise, comme le montre l'exemple de la croissance économique irakienne ; et bien vite on en revient à la "normalité" biaisée d'une opération d'emblée combattue. Les dissonnances internes aux rédactions sont réprimées, et certaines données contradictoires - comme les pertes en combattants infligées par la coalition - sont systématiquement ignorées. Les faits sont sélectionnés d'après le sens recherché.

La guerre au Congo fait partie de la troisième catégorie. Les événements dramatiques vécus en RDC sont relatés comme des "incidents" ou présentés comme tels les rares fois où ils émergent dans l'actualité planétaire. La présence d'organisations internationales et non gouvernementales dans le pays assure pourtant une livraison régulière des informations, mais celles-ci ne convoient aucun enjeu à même de mobiliser les rédactions, pas de bons et de méchants, pas de victimes et de coupables. Le drame congolais se perd dans le marasme africain, dans les Etats échoués, dans les divisions locales, et le coût humain inouï du conflit depuis 1998 ne suffit pas à générer la moindre émotion durable. Les faits ne sont pas sélectionnés, ils sont minorés, dédramatisés, objectivés.

La guerre en Palestine fait partie de la deuxième catégorie. Voici plusieurs mois que les violences interpalestiniennes font rage, mais la brusque augmentation d'attaques depuis quelques semaines a poussé cette population au bord de la guerre civile. Pourtant, le nombre de victimes reste étonnamment tu, et on ne le trouve approximativement ça et qu'avec peine, alors que l'AFP a pour coutume d'établir un décompte précis des Palestiniens tués par Israël. De même, il est très rare de lire dans la presse grand public un reportage comme celui-ci, qui montre la réalité d'un massacre commis de sang froid par le Hamas sur des recrues du Fatah et brise le tabou de la guerre civile. Mais le redressement des esprits a tôt fait d'être entrepris pour noyer ces vérités insupportables dans une explication lénifiante. Les faits sont corrigés et remâchés dans le sens recherché.

Que faire face à ce traitement extraordinairement inégal des conflits armés dans le prisme des médias ? Rechercher obstinément les faits, démasquer les interprétations abusives, acquérir la vue d'ensemble, identifier les enjeux et les causes, accepter des perspectives différentes, considérer les sources d'un oeil critique, éviter les trous de mémoire, mesurer l'implication des médias eux-mêmes ? Probablement tout cela, et bien d'autres choses encore. A l'heure de l'information immanente, il est plus que jamais important d'apprendre à s'informer.

Publié par Ludovic Monnerat le 10 février 2007 à 10:28

Commentaires

Il me semble que vous suggérez là que les média américains et internationaux ont un parti-pris forcément contre l'Amérique et ses alliés.

Pourtant, il me semble toujours que la grande majorité des groupes de presse internationaux sont détenus par des milieux qui sont loin d'être hostiles à l'Amérique et à ses alliés.

On peut penser par exemple à la France dont le 3/4 des titres de la presse écrite est contrôlé par deux groupes qui ne peuvent, de fait, être hostiles à Israël et à l'Amérique!

N'est-ce pas paradoxal, si l'on s'en tient au principe de "qui paie, commande"? ;-)

Publié par fass57 le 10 février 2007 à 12:36

Moi je n'avais pas compris cela. C'est vrai que des conflits sont suivis par les médias jusqu'à plus soif et que d'autres sont soit remâchés, soit ignoré. Le public aussi réclame de l'évènement : quoi, pas de massacre en tchétchénie ? alors sa situation ne l'intéresse pas. Je pense aussi que l'idée d'un conflit qui ne laisse pas imaginer de porte de sortie ne doit pas plaire

Publié par CrazyJane le 10 février 2007 à 13:52

@ Fass57 : oui, les médias sont détenus par des gens qui sont à l'opposé des idées des journaux mais 1-ils ne contrôlent pas les journalistes, comme le grand patron ne contrôle pas le syndicaliste, 2-ils vendent ce qui marche, ils s'adaptent au client, en bons vendeurs.

Publié par Stauffenberg le 10 février 2007 à 16:39

@fass57 & Stauffenberg

Vous êtes à côté de la plaque et vous continuez à véhiculer l'idée sans oser l'expliciter que ce sont les juifs qui contrôlent les médias. Je peux comprendre c'est dur de lutter contre un sentiment diffus, et infusé depuis l'enfance.

Ne vous offusquez pas, et lisez l'info suivante:
"
LGF Exclusive: How Much Does It Cost to Buy Global TV News?

An LGF reader who worked for Associated Press TV News sent me the following article explaining how APTN works, and suggesting a reason why their coverage of the Middle East is so overwhelmingly biased against Israel:

How Much Does It Cost to Buy Global TV News?

The vast majority of the TV news pictures you see are produced by two TV news companies. Presented here is a case for how a large amount of money has been used to inject a clear bias into the heart of the global TV news gathering system. That this happens is not at question, whether it is by accident or design is harder to tell.

You may not realize it, but if you watch any TV news broadcast on any station anywhere in the world, there is a better than even chance you will view pictures from APTN. BBC, Fox, Sky, CNN and every major broadcaster subscribes to and uses APTN pictures. While the method by which they operate is interesting, it is the extra service this US owned and UK based company offers to Arab states that is really interesting.
[¨¨¨]
While most of the world takes news pictures with minimal interpretation beyond editing, the Arab Gulf States have asked for and receive a different and far more expensive service. These states pay for a complete news report service including full editing and voice overs from known journalists. The news organizations in the Arab countries don't do anything (beyond verify that they are appropriate for local tastes) before broadcast.

What this means is that while there are around 50 people producing news pictures for the whole world working in Camden at any time, there are a further 50 Arabic speaking staff producing finished stories exclusively for the Arab states of the gulf. This has a tremendous effect on the whole feel of the building as these two teams feed pictures and people back and forth and sit in adjacent work areas. The slant of the stories required by the Gulf States has a definite effect on which footage is used and discarded. This affects both the Gulf newsroom and the main global newsroom.

This full service feed is much more expensive for the customers than the usual service, but it is also much higher margin for APTN. This is partly because there is great commonality in what they can send to most of the Gulf States taking this service: stories are made once and used in a number of countries.

Disproportionately Negative Coverage of Israel

Anything involving Israel is a favorite with Gulf Arab states for showing to their viewers. Could this be the reason why Israel receives such a disproportionate amount of particularly negative coverage especially and increasingly ever since the early 1970's? HonestReporting is usually unable to decide which is most biased: AP or BBC. As the BBC is often using APTN footage, the difference is minor. A significant twist to what is seen, concerns what is not seen. Footage such as the Palestinian mob joyfully lynching two Israeli reservists in Ramallah in October 2000 is held by APTN's library: any attempt to license this film for reshow is carefully vetted. Requests for the use of "sensitive clips" are referred directly to the Library director. This is not the case with clips that paint Israel in a bad light. Likewise, the re-showing of Palestinian celebrations on 9/11 is considered "sensitive".

The way in which raw footage such as APTN's is compiled into a news report and sent round the world has also been analyzed. The Second Draft gives a comprehensive view of how editing can make all the difference. APTN is the gatekeeper that sits between you and the actual event. You will never see what the editors at APTN see before they compile your evening news. What do you think is cut out?

The Wrap-Up

Was this organization set up with this in-built bias on purpose? Is there some way that the expensive payments made by Gulf state governments form part of a deliberate attempt to skew the media?

In "Islam and Dhimmitude" (2002) by Bat Ye'or on p294-296 she recounts how decisions were taken in the wake of the Arab-Israeli war of 1967 to try to put across an anti-Jewish, anti-Zionist message. Successive conferences resolved to contribute vast sums "to universities, centers for Islamic studies, international communications agencies, and private and governmental organizations in order to win over world opinion." (p296).

The messages from these conferences stressed an addition to the more familiar violent jihad: they also emphasized the importance of jihad by the written and spoken word-what we would recognize as classic propaganda. Without question APTN's interesting business model represents a concrete example of an ongoing financial "contribution" to an important communication agency promoting a pro-Arab bias."

L'article complet peut être lu à l'adresse
http://littlegreenfootballs.com/weblog/?entry=22055_LGF_Exclusive-_How_Much_Does_It_Cost_to_Buy_Global_TV_News&only

Publié par elf le 10 février 2007 à 23:54

RIYADH (Reuters) - Muslim tycoons should buy stakes in global media outlets to help change anti-Muslim attitudes around the world, ministers from Islamic countries heard at a conference in Saudi Arabia on Wednesday.

Information ministers and officials meeting under the auspices of the 57-nation Organisation of the Islamic Conference (OIC), the world's largest Islamic body, said Islam faced vilification after the September 11 attacks, when 19 Arabs killed nearly 3,000 people in U.S. cities in 2001.

"Muslim investors must invest in the large media institutions of the world, which generally make considerable profits, so that they have the ability to affect their policies via their administrative boards," OIC chief Ekmeleddin Ihsanoglu told the gathering in the Saudi city of Jeddah.

"This would benefit in terms of correcting the image of Islam worldwide," he said, calling on Muslim countries to set up more channels in widely-spoken foreign languages. ...

"The fierce attack on Islam in the five years since the September 11 attacks has forced us into a defensive position on our faith and understanding of our tolerant religion," Egyptian Information Minister Anas el-Feki said in a speech.

"Now more than ever we need a new Islamic media message that reaches all parts of the world," Feki said, citing Israel's recent 34-day war in Lebanon as one issue where Muslims needed to make their views and influence felt.

Publié par elf le 11 février 2007 à 0:35

Que pensez-vous de cette initiative d'un journaliste - qui à écrit des articles interressant sur les divers forces de sécurité occidentales - ?

Le Centre International de Recherches et d'Etudes sur le Terrorisme & l'Aide aux Victimes du Terrorisme (CIRET-AVT) a décidé de rendre publique une liste de 370 personnes ayant un rapport et des connexions claires avec les organisateurs des attentats du 11 septembre 2001. Cette liste provient d'un journaliste de Channel 4 news, Teuvo Arolainen et a été mise à jour régulièrement.

« Le terrorisme utilise Internet, ses membres communiquent avec, nous avons donc décidé d'en faire autant en rendant publique cette liste en France même si elle l'était déjà mais dans certains cercles restreints. Le droit à l'information pour tout citoyen est indéniable, à présent, n'importe qui peut consulter cette liste » a déclaré, Jean-Paul Ney, Directeur de Recherches au CIRET-AVT, auteur et grand reporter.

La liste contient des noms, alias utilisés, adresses, numéros de sécurité sociale, numéros de téléphone et lieux/dates de naissance.


http://www.jpney.com/article.php3?id_article=98

Je ne sais si les gens en question sont inculpés ou non, si oui, cela peut paraître comme des avis de recherche, mais si non, la présomption d'innocence en prend un coup.

A notez que cela est valable dans l'autre sens, on retrouve parfois des listes d'agents de la CIA/DEA/FBI dans les journaux, et cela à conduit à la mort de certaines des personnes nommées notamment en Grèce en 1975.

Publié par Frédéric le 11 février 2007 à 18:13

J'espère simplement qu'une telle initiative n'est pas contre-productive et n'entrave pas des actions policières en cours. En même temps, si elle contribue à doper la lutte antiterroriste, une telle initiative peut être positive... Même si les informations effectivement données dans le fichier PDF ne renseignent guère sur le rôle effectif des individus cités, et donc revient à une accusation publique générale (sans même parler de la présomption d'innocence).

Publié par Ludovic Monnerat le 11 février 2007 à 18:45

Plus grand chose ne passe par le prisme informatif. J'ai de plus en plus l'impression que les "informations" sont savament cuisinées, les pensées de plus en plus "cerclées" pour éviter toute "dérive".

J'ai aussi le sentiment que ce mouvement est assez récent, du moins dans ses extrémités, 10-15 ans environs.

Tout est faussé, même dans les commentaires, je ne compte plus les insinuations à sens unique, par exemple "selon tsahal, ou les amércicains...", alors que l'on emploie plus fréquement, "l'autorité palestinienne (ça en jette ça)"...

Tout est un peu du même style, comme l'emploi de la forme passive "une série d'attentats ont été par..." au lieu de "les terroristes ont ...", quand ce n'est pas l'emploi des mots qui lui même est sujet à problèmes, les militants ou activistes pour terroristes, ce qui fait que l'on met le simple colleur d'affiche militant d'un parti ou l'activiste qui déchire ces mêmes affiches sur le même plan que celui qui met une bombe dans un marché.

C'est en plus de "l'importance" de tel ou tel conflit, toute la gamme des oublis et perversions sémantiques qui est utilisée.

Pour répondre à "fass", je ne vois que les médias français soient pro israéliens ou américains, bien au contraire, ils suivent peu ou prou les orientations "gouvernementales", curieusement anti américaines et anti israéliennes depuis d enombreuses années déjà , c'en est presque devenu normal, quant à l'apparteneance religieuse que vous semblez suggérer de ceux qui tireraient les commandes, elle sent déjà bon, au moins le complot...

Publié par gerard le 15 février 2007 à 15:39

C'est une dérive assez récente me semble t'il, 10-15 ans tout au plus, du moins à ce point, mais cela correspond aux réorientations géopolitiques de la france (pas seulement d'ailleurs).

Cela s'accompagne également du détournement des mots, "activiste, militant" au lieu de terroriste, comme si le colleur d'affiche et celui qui les déchire était équivalent au terroriste qui met une bombe dans un marché ou un restaurant.

L'emploie de la forme passive pour relater "une chaine d'attentats" alors que les attentats ont bien des auteurs, précautions que les médias n'emploient pas en insistant sur "tsahal" ou l'armée américaine" "A" ici, l'acteur, l'auteur est désigné, sans détours, ou encore la mise entre parenthèses "selon des sources israéliennes ou américianes" alors que l'on prend pour argent comptant ce que dit "l'autorité palestinienne", par exemple, cette fois ci sans guillemets ni autres insinuations.

C'est sur cet ensemble, déséquilibre dans le traitement et de façon plus vicieuse, dans la sémantique même que les inégalités de traitement se font de plus en plus visibles.

Pour fass57, je crois que ce sous entendu est assez significatif du raisonnement erroné de pas mal de milieux, de plus, l'appartance religieuse ne conditionne pas l'opinion que l'on peut avoir, cela sent déjà un peu la fable du complot je trouve.

Publié par gerard le 15 février 2007 à 16:17

Rien à ajouter aux commentaires, toujours d'une grande qualité pour les suspects habituels, sinon ce lien concernant le traitement de la guerre en ex-Yougoslavie et d'autres conflits :

http://tinyurl.com/2nutyj

Publié par Kevin le 19 février 2007 à 20:12