« Le confort de la sécurité | Accueil | David citoyen contre Goliath médiatique »

15 janvier 2007

Give war a chance ?

Et si la situation en Irak, avec ces attaques et ces attentats qui ensanglantent la capitale et divisent le pays, étaient en fait favorables aux intérêts américains à court terme, comme aux intérêts irakiens - entre autres - à long terme ? Plusieurs analyses récentes, jugeant l'Irak actuellement en proie à une guerre civile, contiennent des réflexions allant dans ce sens.

D'une part, Edward Luttwak affirme dans le Los Angeles Times que la nature artificielle de l'Etat irakien est la cause de ses violences internes et que la communauté internationale, avec un cynisme appuyé mais aussi un certain réalisme, devrait s'en écarter :

That is the mistake that the U.S. and its allies are now making by interfering with Iraq's civil war. They should disengage their troops from populated areas as much as possible, give up the intrusive checkpoints and patrols that are failing to contain the violence anyway and abandon the futile effort to build up military and police forces that are national only in name.
Some U.S. and allied forces still will be needed in remote desert bases to safeguard Iraq from foreign invasion, with some left to hold the Baghdad Green Zone. But for the rest, strict noninterference should be the rule. The sooner the Kurds, Sunni, Shiites, Turkmen and smaller minorities can define their own natural and stable boundaries within which they feel safe, the sooner the violence will come to an end.
Iraq's civil war is no different from the British, Swiss or American internal wars. It too should be allowed to bring peace.

Sîl est exact que les affrontements intercommunautaires et les déplacements de population qui s'ensuivent sont une manière de rendre possible la paix en supprimant une cause majeure de conflit, le raisonnement de Luttwak se heure au fait que l'Irak n'est pas le seul Etat artificiel issu des découpages coloniaux et que son reformatage impliquerait également celui du Moyen Orient.

Mais justement, pareil tumulte ne serait pas nécessairement contraire aux intérêts américains. Dans l'Asia Times, Spengler réfute toute idée de déclin américain et montre au contraire la position toujours centrale des Etats-Unis, notamment pour leur rôle déterminant dans la croissance économique mondiale et pour les convergences d'intérêts que cela entraîne :

For the past three years I have argued that the inner logic of ethnic decline would shape the United States' Iraq policy, rather than the messianic social engineering that temporarily turned the Bush administration's brains into pulled pork. Civil war and partition, de facto or de jure, would turn Iraq's potential for violence inward. Unpleasant as this might be for Iraq, it would be good for US interests, as I wrote on January 21, 2004:
A devilish thought is forming in the back of the American mind: which is better, to have Iraqis shooting at American soldiers, or at each other? During the Cold War, Moscow stood to gain from instability, and Washington sought to stabilize allied regimes (Iran being the exception that proved the rule). Now, with no strategic competitor, America can pick up the pieces at its leisure. As in finance, volatility favors the player with the most options.
Last week was not a good one for America's detractors. The price of oil fell to US$56 a barrel. The same financial markets that swooned in July while Israel fought Hezbollah have forgotten the meaning of risk. The question the world should ask George W Bush is, "If you so dumb, how come you ain't poor"? The US economy and US markets are looking more buoyant than ever.

Là aussi, l'analyse est à mon sens un peu trop centrée, et omet par exemple l'impact de l'Irak sur les opinions publiques en Occident comme aux Etats-Unis, sur l'influence des esprits qui se déroule au quotidien. Cependant, ces deux visions montrent la nécessité d'évaluer la préservation des intérêts pour juger le conflit global dont l'Irak est un élément, et donc le besoin pour les Etats-Unis d'avoir une démarche à long terme axée sur le maintien de la capacité d'action, que celle-ci soit coercitive, persuasive, dissuasive ou subversive. De sorte qu'en Irak, pour donner une chance à la guerre de faire son oeuvre et de permettre la paix, c'est une stratégie de maintien et non une stratégie de sortie qui devrait être adoptée.

Une perspective tracée par un autre article d'Edward Luttwak, cette fois dans le Wall Street Journal :

It was the hugely ambitious project of the Bush administration to transform the entire Middle East by remaking Iraq into an irresistible model of prosperous democracy. Having failed in that worthy purpose, another, more prosaic result has inadvertently been achieved: divide and rule, the classic formula for imperial power on the cheap. The ancient antipathy between Sunni and Shiite has become a dynamic conflict, not just within Iraq but across the Middle East, and key protagonists on each side seek the support of American power. Once the Bush administration realizes what it has wrought, it will cease to scramble for more troops that can be sent to Iraq, because it has become pointless to patrol and outpost a civil war, while a mere quarter or less of the troops already there are quite enough to control the outcome. And that is just the start of what can now be achieved across the region with very little force, and some competent diplomacy.

Un message adressé à la prochaine administration ? Ce serait oublier l'impact de l'idéal démocratique, son potentiel séducteur et belligène. Un conflit où les esprits forment le centre de gravité ne peut être gagné avec uniquement de la force et de la diplomatie, mais celles-ci doivent contribuer à l'objectif final.

Publié par Ludovic Monnerat le 15 janvier 2007 à 16:05

Commentaires

Sur ceci...

"Dans l'Asia Times, Spengler réfute toute idée de déclin américain..."

... assez amusant qu'un journaliste néo-conservateur ait pris comme pseudo le nom d'un grand philosophe européen (que nos "élites" devraient s'empresser de lire) qui ne l'était assurément pas. A fortiori quand Oswald Spengler était vraiment LE philosophe qui prédit, dès les années 20 du siècle passé, le déclin occidental auquel nous assistons aujourd'hui.

Publié par fass57 le 15 janvier 2007 à 19:33

Eh oui, même la Suisse a eu sa guerre civile - et même à la fois religieuse: protestants contre catholiques, 1 mois, 100 morts ...

http://jcdurbant.blog.lemonde.fr/2007/01/15/irakpalestine-meme-la-suisse-a-eu-sa-guerrre-civile-even-switzerland-had-a-civil-war/

Publié par jc durbant le 15 janvier 2007 à 22:45