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24 mai 2006

La dimension maritime des guerres de Vendée

La cinquième communication de la journée a été présentée par Paul Roger, docteur en histoire de l'Université de Nantes. Elle aborde une composante méconnue du conflit : les actions en mer des différents acteurs, entre républicains, Vendéens, royalistes immigrés et Anglais.

L'absence d'un véritable affrontement naval au cours des guerres de Vendée fait que leur dimension maritime est peu connue. Il peut paraître étonnant que les Vendéens n'aient pas songé à se doter de navires de guerre ; ils n'ont pas non plus cherché à conquérir et à tenir fermement un port permettant la réception de troupes et de munitions. Les Vendéens sont coupés du reste du monde par la Loire, et les ports de Nantes, Painboeuf, St-Gilles et Sables d'Olonne restent en mains des républicains.

Le 1er février 1793, la Convention déclare la guerre à l'Angleterre et à la Hollande. La marine reçoit comme mission majeure et ambitieuse l'invasion de l'Angleterre, soit en faisant directement voile sur les côtes anglaises, soit en s'attaquant indirectement aux colonies anglaises, ce qui rend nécessaire l'armement rapide d'une flotte de haute mer. Le soulèvement de la Vendée a un effet immédiat sur l'organisation militaire républicaine : les troupes basées à Brest en vue de l'invasion sont chargées de réprimer l'insurrection, et une flotte est formée pour croiser aux larges des côtes et empêcher tout débarquement et renfort possible par mer. Des opérations amphibies sont montées pour reprendre des ports, dont Noirmoutier. De ce fait, l'insurrection vendéenne a eu une influence considérable sur l'emploi de la marine, et sur la mobilisation navale exigée pour la lutte contre l'Angleterre. Les localités de Vendée menacées par les insurgés demandent ainsi l'appui de la marine républicaine, sous forme de canons, munitions, vivres et hommes.

En 1794, l'anéantissement de l'armée catholique et royale à Savenay modifie la nature des opérations militaires, et le danger pour la république réside toujours dans les difficultés d'approvisionnement pour ses ports. Les Vendéens engagent un blocus intérieur qui vient se superposer au blocus extérieur, et toujours plus dur, mis en place par l'Angleterre contre les ports de l'Atlantique.

Les préparatifs d'un débarquement d'immigrés royalistes au sud de la Bretagne, avec une centaine de transports escortés par des navires anglais, est un autre événement maritime majeur ; il se produit le 25 juin 1795. La marine de la république, la Royal Navy et l'ancienne marine royale sont mobilisées par cette opération et les mesures prises pour s'y opposer. Finalement, la bataille de Quiberon a été un désastre, et de nombreux officiers royalistes ont été tués.

L'expédition de l'île d'Yeu découle du désastre de Quiberon. Le gouvernement britannique, décu par son expédition en Bretagne, se tourne vers les Vendéens pour trouver un port permettant de débarquer en sûreté. Le comte d'Artois participe à l'expédition et espère joindre rapidement Charette ; il perd néanmoins 12 jours pour entraînement les manœuvres de débarquement. Les républicains en profitent pour se renforcer. Le 30 septembre, le comte d'Artois débarque à l'île d'Yeu en ignorant que Charette a été battu 2 jours plus tôt et son armée dispersée. Le 18 novembre 1795, le comte d'Artois s'en retourne en Angleterre, faute d'avoir pu débarquer afin de venir en aide aux Vendéens ; il met sur le compte des Anglais cette décision. La résistance vendéenne avait toutefois fléchi, et le pouvoir républicain contrôlait mieux la situation ; les Anglais avaient 6000 hommes et 50 canons sur l'île d'Yeu, mais ne se sentaient pas en sécurité parmi les 1500 immigrés débarqués. Cet épisode a en fait empêché de constituer sur l'île d'Yeu une base d'attaque pour les troupes anglaises et royalistes.

De ce fait, la dimension maritime des guerres de Vendées a pris une forme particulière d'intervention, apparentées au blocus des ports de l'Atlantique, conséquence des relations entre la France et l'Angleterre. Le soulèvement vendéen semble une manière pour les Anglais de contrecarrer les excès de la révolution, d'où l'engagement massif - 5 escadres - pour l'expédition de Quiberon. Le cours de la Loire est resté libre, mais le blocus anglais a contribué à l'impréparation de la marine de la République aux affrontements subséquents et réels avec l'Angleterre.

Commentaire du scribe : bien que Charette fut officier de marine, les Vendéens n'ont pas cerné la dimension stratégique du conflit ; il est vrai que les Anglais n'étaient pour eux que des alliés de circonstance. Cette cécité s'est pourtant avérée fatale, parce que les Vendéens n'ont jamais eu de sanctuaire, de bastion inexpugnable et de refuge hors de portée, pour assurer la pérennité de leurs entreprises - alors qu'il s'agit d'une condition pour le succès de toute insurrection.

Publié par Ludovic Monnerat le 24 mai 2006 à 21:31