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23 mars 2006

Un hymne à la cohésion

Ces derniers jours, une nouvelle initiative visant à remplacer l'hymne national helvétique - cette fois-ci sur le plan parlementaire - a échoué ; voilà des années que le cantique suisse est contesté pour diverses raisons, notamment artistiques et idéologiques, mais ses contempteurs ne sont pas encore parvenus à le détrôner. Il est vrai que cet hymne reste fragilisé par le fait qu'il n'a été intronisé qu'en 1961, lorsqu'il a remplacé le « O Monts indépendants », dont la mélodie était identique au célèbre « God Save The Queen » britannique. Par ailleurs, le caractère très solennel du cantique suisse, son air mélancolique, son manque d'entrain et sa ferveur religieuse ne le rendent pas très populaire, et les citoyens suisses capables de le chanter ne forment qu'une petite minorité. Il n'est guère surprenant que le Conseiller fédéral Pascal Couchepin, au Parlement, se soit précisément déclaré incapable de le faire. Ce qui ne justifie en rien, à mes yeux, l'abandon de cet hymne.

Il se trouve en effet que j'ai une relation particulière avec celui-ci. Ayant grandi dans le Jura, sachant par cœur la Rauracienne avant même d'entrer à l'école, je n'ai vraiment appris l'hymne national qu'à l'armée, lors de mon école de recrues à l'été 1995, parce que mon commandant de compagnie avait judicieusement ordonné qu'il soit chanté à chaque appel du matin. Cette habitude de l'infanterie classique, sise alors à Colombier, n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd - si j'ose écrire ; je l'ai donc reprise (toujours en français) dès le printemps 1998 lorsque je commandais une compagnie à Bière en tant que lieutenant (demandez à Sisyphe si vous en doutez !), bien que l'unité fut en grande majorité alémanique, puis à l'hiver 1999, également à Bière, avec une compagnie d'aspirants sous-officiers exclusivement alémaniques, et enfin à l'été 2000, à Fribourg, avec une compagnie de transmissions / renseignements. Chanter l'hymne national dans une ville, précisément à 0700, m'a d'ailleurs valu de solides résistances à l'interne !

Pourquoi faire ainsi chanter tous les matins le cantique suisse à des jeunes gens qui, pour la plupart, s'en passeraient bien ? Plusieurs raisons expliquent mon choix. Premièrement, le chant est une méthode classique pour favoriser l'expression, l'affirmation, la synchronisation et la cohésion ; n'importe quel morceau adapté à la vie militaire y contribue. Deuxièmement, cette pratique quotidienne étant exceptionnelle, et parfois tolérée de très mauvaise grâce, elle contribuait à renforcer l'identité spécifique de ma compagnie, et donc son esprit de corps (tout en satisfaisant l'esprit de contradiction propre à son commandant !). Troisièmement, le chant a capella du cantique suisse, avec de jeunes adultes vigoureux, lui donne une énergie et un allant inédits, qui contribue largement à corriger les a priori négatifs à son endroit. Enfin, il s'agit bien entendu d'une mesure éducative qui renforce le civisme, le lien intergénérationnel et l'identité nationale.

Au final, l'hymne national suisse a des vertus que ses critiques ignorent. Et il est rare que je l'entende sans ressentir un frisson, lorsqu'au ciel montent plus joyeux les accents d'un cœur pieux!

Publié par Ludovic Monnerat le 23 mars 2006 à 23:31

Commentaires

Tout à fait convaincu par les arguments avancés pour le chant quotidien d'un hymne national par une compagnie. Mais cet hymne-là provoque des sentiments contradictoires dans mon coeur pieux. D'un côté, je suis touché par la musique et les paroles quand je l'entends ou le chante, et ça va jusqu'au frisson ou à la larme furtive, suivant les circonstances. De l'autre côté, le fait d'imposer le chant de paroles religieuses va à l'encontre de mes convictions... religieuses, justement. La religion chrétienne est, par définition, une religion qui ne s'impose pas. Pire: susciter aversion ou moquerie ne devrait pas être l'objectif d'un hymne national.

Publié par Guillaume Barry le 24 mars 2006 à 0:16

Tiens tiens, tu la tenais de ta propre école de recrues, cette idée? Et le maître-chanteur à l'époque, il était bon aussi, mhmm?

;-))

Publié par Sisyphe le 24 mars 2006 à 1:21

j'ai appris à mes enfants ados ce chant... Un peu de rouspetage de leur part mais beaucoup d'amour est venu pour notre pays. C'est un tout. Dommage qu'à l'école il ne l'apprenne plus.
J'ai conservé mon petit cahier "chant de mon pays" de l'école et parfois il me prend de leur chanter le vigneron monte à sa vigne,
les lioba etc....Ils me regardent avec un sourire mais je vois que ça passe bien quand même.
J'aime cet hymne et je me battrai pour le garder. J'aime mieux chanter Dieu que ....

Publié par nain de jardin le 24 mars 2006 à 8:52

Et nous l'avons également entonné lors de notre promotion d'officiers...nostalgie..rire

Publié par zingg christophe le 24 mars 2006 à 9:28

D'accord avec l'auteur (et mon co-blogueur!) sur le frisson... A quand le podcast, ou MonneRadioBlog (du rap au cantique)?

Publié par François Brutsch le 24 mars 2006 à 10:49

A François : vous êtes décidément incorrigible ! :-)

A Zingg : exact ! Et on se rappelle les circonstances pittoresques des répétitions, à Chamblon ; notamment lorsque le maestro, l'adjudant Z., a vivement reproché à l'aspirant V. d'avoir toussé durant le chant, et lorsque ce dernier lui a rétorqué, "j'ai pas un bouton 'tousser / pas tousser' !" :-)

A part ça, content de te savoir de retour au pays...

Publié par Ludovic Monnerat le 25 mars 2006 à 0:20

Héhé, encore ce matin à l' appel, 0630 je le chantais ce cantique ! Je sens que je vais faire des jaloux ;-)

De notre côté je n' ai constaté aucune résistance de la troupe, j' ai l' impression que ça ne gène personne.

Question pour Ludovic : commander une compagnie en tant que "lieutenant" ? Réponse franco-compatible ou cruel manque de commandants à l' époque ?

Publié par Arnaud le 25 mars 2006 à 12:09

Réponse à Arnaud : Non, je suis prêt à aller très loin pour favoriser la compréhension et le dialogue avec nos ami(e)s gaulois(es), mais pas jusqu'à travestir mon grade ! :-) Il se trouve simplement que mon service pratique de chef de section a pris une orientation plutôt inhabituelle : à la fin de la 5e semaine, le nouveau commandant de compagnie n'a pas supporté la charge et a dû être licencié (à sa demande), de sorte que le chef de section le plus âgé - votre serviteur, qui avait 25 ans - a dû reprendre le commandement de l'unité. Tout s'est très bien passé, et j'ai donc commandé une compagnie ER de 120 types pendant 10 semaines, ce qui a nettement contribué à accélérer ma carrière (j'ai reçu 3 mois plus tard une proposition pour recevoir une compagnie, et 6 mois plus tard je recevais celle-ci).

Sinon, les jeunes gens à qui j'ai enseigné l'hymne national ont majoritairement exprimé leur satisfaction à la fin de l'école...

A Sisyphe : pour répondre - en retard - à ta question, le "maître-chanteur" de l'époque (drôle d'expression, mon cher !) avait une voix particulièrement puissante et entraînante !

Publié par Ludovic Monnerat le 25 mars 2006 à 12:44

Pourquoi incorrigible? Si c'est pour le jeu de mots, Monnerap' était de Guillaume, pas de moi... ;-) Mais pour la Radio-blog je suis sérieux, ce serait une bonne idée non?

Publié par François Brutsch le 26 mars 2006 à 0:38

C'est tout de même un hymne qui n'a pas d'hisoire profonde.

Publié par FrenchBoy le 29 mars 2006 à 20:52

"O monts indépendants" était nettement plus beau, plus guerrier, plus entraìnant, plus fier...

Publié par Gren le 15 janvier 2007 à 20:25

Bonjour, je suis de Poitiers mais mes arrières grands parents étaient Suisse,de Ballaigue " le moulin des doy qui est maintenant noyé. Une de mes grande tante avait une voix merveilleuse et chantait le vigneron monte à sa vigne et un autre chant montagnard avec Tyrolienne, je ne me souviens que de deux paroles, il était question de "sac au dos" mais j'ai encore l'air dans la tête il y a plus de 40 ans maintenant.......... Pouvez-vous me communiquer si c'est possible les paroles ou des reférences discographiques.

Merci

DOY Patrick

Publié par doy patrick le 24 novembre 2007 à 9:38