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25 janvier 2006

Torture : une révélation marquante

Or donc, si l'on en croit Dick Marty, les Américains ne pratiquent pas la torture. Sans preuve formelle, mais avec des « indices » suffisant à convaincre celles et ceux qui le sont déjà , la CIA se contenterait de livrer ses prisonniers à des Etats moins regardants sur le respect des droits de l'homme pour en tirer des renseignements utilisables avec des méthodes qualifiées de torture. Cette révélation marquante, qui balaie nombre d'accusations visant directement les Etats-Unis, devrait logiquement amener une nouvelle orientation aux préoccupations exprimées : dès lors que la collaboration avec un tortionnaire est certainement moins grave que la torture elle-même, le Conseil de l'Europe devrait maintenant activement identifier les "sous-traitants" pratiquant ce crime et exercer des pressions visant à son abolition. Faute de quoi la véritable cible de cette démarche ne serait pas la torture, mais bien les Etats-Unis.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2006 à 8:29

Commentaires

"Faute de quoi la véritable cible de cette démarche ne serait pas la torture, mais bien les Etats-Unis."

Parce que vous en doutiez? Préparez-vous à être déçu ces prochains jours...

Publié par Stéphane le 25 janvier 2006 à 9:57

Non, mais il est permis d'espérer... :)

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2006 à 10:05

Je ne suis pas sûr de bien vous suivre.
La CIA ne torturerait donc pas elle-même, mais "sous-traiterait" la torture de ses prisonniers à des pays "moins regardant sur le respect des droits de l'homme".

Ca veut donc bien dire que la CIA, et donc les USA si je reste logique, cautionne la torture, puisqu'elle admet que celle-ci peut être utilisée pour obtenir des renseignements. Simplement, pour ne pas en être directement accusée, elle confie son exécution à d'autres.

Vous êtes bien sûr qu'il s'agit là d'un élément qui la dédouane de ses responsabilités?
"se contenter de livrer ses prisonniers..." Se contenter ? Vraiment ce n'est pas un peu (beaucoup) une hypocrisie ce type de démarche?

Publié par pikipoki le 25 janvier 2006 à 10:31

J'ajoute qu'il me semble étonnant de considérer que rechercher les sous-traitants soit la bonne démarche. Lorsqu'on cherche à démanteler un réseau mafieux, ce ne sont pas les commanditaires que l'on recherche en priorités?

Publié par pikipoki le 25 janvier 2006 à 10:36

Le parallèle avec un réseau mafieu n'est possible que jusqu'à un certain point, car il s'agit ici d'Etats et non d'individus.

A mélanger les notions, suivant le même chemin (que font d'ailleurs bien des militants pas trop clairvoyants dans leur sémantique) il faudrait faire le "procès" des Etats-Unis (comme une personne) et à l'issue de ce "jugement" et de la "condamnation" inévitable qui s'ensuivrait (je vous passe les détails d'une telle organisation), il n'y aurait plus de torture puisque le "commanditaire" du réseau aurait été arrêté, n'est-ce pas?

Evidemment, c'est n'importe quoi - la confusion est la seule issue qui attend ceux qui mélangent les concepts et les échelles.

Il est à mon avis à peu près aussi illusoire d'ailleurs de procéder au grand procès des pays qui pratiquent la torture (et qui n'on pas attendu Gantanamo pour s'y mettre), pour les mêmes raisons. Tout au plus peut-on espérer les faire disparaître des cadres légaux.

Mais bon, peut-être peut-on marcher le long de ce chemin et faire en sorte qu'à terme, les seuls pays qui s'adonnent à la torture soient dans le camp ennemi des Etats-Unis. Cela serait un objectif à la fois réaliste et moralement acceptable.

Quitte à parler de prison, quand les journalistes s'attarderont-ils non sur Guantanamo, mais sur les 300 autres prisons présentes sur l'île de Cuba? Mais comme elles appartiennent à un régime communiste, on ne va pas en faire un fromage!

Pour ma part, je trouve piquante la verve avec laquelle les médias s'attaquent aux Américains pour leur politique, tout en tolérant à la maison l'extradition de criminels vers ces mêmes pays qui pratiquent la torture. Faudrait-il renoncer à toute extradition au nom de ce principe? Ce serait amusant, puisque cela amènerait à faire en sorte que seuls les criminels recherchés dans leur pays d'origine seraient à l'abri d'un refoulement hors des frontières de leur pays d'accueil!

Publié par Stéphane le 25 janvier 2006 à 11:57

WASHINGTON (Reuters) - Twenty cases of detainee abuse allegations against CIA and Defence Department employees have been referred to the Justice Department for possible prosecution, a senior U.S. official said in a letter released on Tuesday.

http://today.reuters.co.uk/news/newsArticle.aspx?type=worldNews&storyID=2006-01-25T011427Z_01_N24154153_RTRUKOC_0_UK-SECURITY-DETAINEES-REFERRALS.xml&archived=False

Publié par UniPaul le 25 janvier 2006 à 11:57

Je pense que lorsqu'on tient un élément susceptible de fournir des renseignements, qui permettront d'épargner bien des vies humaines, il faut le faire parler.

Il est facile de s'imaginer des techniques d'interrogatoire propres, dans le respect de l'individu et de ses droits (sic). Torturer un prisonnier, certes, cela fait partie de la saleté de la guerre. Et blâmer les USA pour ça est aussi hypocrite que de laisser faire tout un tas d'autres pays (Chine, pays arabes et africains, amérique du sud) où la torture est monnaie courante, même pour des faits moins graves que des attentats ayant fait des milliers de victimes innocentes.

On combat le feu par le feu, ou alors tout effort est vain.

Publié par Ares le 25 janvier 2006 à 12:20

Je suis assez d'accord avec pikipoki : le fait que la CIA torture elle même ou sous-traite est absolument équivalent, à la fois en termes de responsabilité morale et de perception des Etats-Unis dans le reste du monde. Je crains même que le recours à la sous-traitance n'ajoute la lâcheté à l'indignité.
Par ailleurs il ne suffit pas de s'élever contre ceux qui prennent tous les prétextes pour attaquer les Etats-Unis pour dédouaner les américains sur ces pratiques. Ca ne répond pas sur le fond, et ce n'est qu'un voile.

Publié par albiceleste le 25 janvier 2006 à 12:20

A albiceleste et pikipoki (avec des pseudos comme ça, on fait vraiment sérieux !) : Votre raisonnement serait entièrement logique si la CIA, par le biais de la sous-traitance, suscitait une activité de torture dans des pays où autrement elle n'aurait pas lieu. Dans les faits, c'est l'inverse qui se produit : comme la CIA n'arrive pas à obtenir de ses prisonniers les renseignements que souvent ils détiennent (pour de nombreuses raisons, la plupart sans rapport avec la torture ; la nationalité, la personnalité, la religion de l'interrogateur ont un effet majeur sur l'efficacité de l'interrogatoire), elle les transfère à d'autres services, en Egypte, en Jordanie ou ailleurs, qui obtiennent de meilleurs résultats, y compris en recourant - comme toute l'année - parfois à la torture.

On peut voir cela comme étant lâche ; la CIA profite en effet des méthodes pratiquées par des services alliés pour ne pas se salir les mains. En revanche, y voir une équivalence est insoutenable. Il y a bel et bien ceux qui torturent et ceux qui ne torturent pas. Sans dédouaner les Etats-Unis, leur faute ne saurait être de même ampleur. Il me paraît donc important de savoir si la démarche de Dick Marty s'inscrit contre la torture ou contre les Etats-Unis.

Ares : Non, la pratique de la torture est à proscrire pour des raisons aussi bien morales qu'opérationnelles. Les cas extrêmes souvent avancés pour la justifier sur le principe font l'impasse sur l'effet de l'acceptation d'une telle pratique. Maintenant, encore faut-il être au clair sur ce que l'on nomme torture ou non. L'interprétation faite au sein des Forces armées américaines n'est pas nécessairement la même qu'ailleurs.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2006 à 12:36

Hum... navré mais c'est du sophisme pour moi. Que les pays en question torturent "habituellement" ou qu'ils découvrent cet amusant instrument uniquement à l'occasion de leurs cordiales relations commerciales avec la CIA n'enlève rien à la responsabilité de celle-ci. Je ne parle même pas des définitions de la torture, on en aurait pour des heures. Je pense personnellement que certaines méthodes utilisées par la CIA et par l'armée américaine sont bel et bien de la torture, mais c'est un autre sujet. Pour revenir à la "sous-traitance", je maintiens que la responsabilité est exactement la même. C'est pas parce que des gens dégueulasses torturent qu'on est moins dégueulasse en leur confiant le sale boulot. Quant à l'image que les EU donnent à l'étranger, je ne suis pas sûr que les gens dans de nombreux pays fassent un distinguo subtil comme le vôtre. Ce qu'ils retiendront c'est que les EU utilisent la torture.

Publié par albiceleste le 25 janvier 2006 à 12:44

Je pense justement que l'image des EU à l'étranger dépend fortement des méthodes pratiquées dans chaque pays en matière d'interrogatoire : les Irakiens n'ont jamais marché dans l'idée de "torture" à Abou Ghraib parce qu'ils n'avaient pas oublié ce qu'était réellement la torture sous Saddam Hussein. Je pense que vous commettez l'erreur de projeter votre propre référentiel sur des gens qui en ont un autre, sans doute fort différent à ce sujet.

Quant à la question de la responsabilité, je pense également qu'elle n'est pas la même parce que le fait de transférer un prisonnier en Egypte ou ailleurs ne signifie pas qu'il sera systématiquement torturé. Les Jordaniens, par exemple, ont des interrogateurs spécialisé dont la connaissance du Coran est telle qu'ils sont capables de tirer nombre d'informations d'islamistes sans même recourir à la coercition.

Voilà aussi pourquoi Dick Marty devrait s'intéresser à ce qui passe dans les pays auxquels la CIA livre des prisonniers : cela permettrait justement d'évaluer la responsabilité morale des Etats-Unis. Crier à la torture sans preuve, sans chiffre, sans connaissance, n'est pas un travail sérieux.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2006 à 12:49

"Crier à la torture sans preuve, sans chiffre, sans connaissance, n'est pas un travail sérieux."

Je pense aue là est le probleme:
cette histoire de torture a commencé avec des "révélations" sur des vols bizarres d'avions américains
La logique suivie par les média a été:
Les "faits":
1- il y a eu des vols bizarres d'avions américains vers certains pays européens
2- ces pays européens pratiquent la torture
Conclusions:
les américains sous-traitent la torture

Le problème éthique de la torture est indéniable!
le probleme éthique des média aussi!

Publié par Ram Zénit le 25 janvier 2006 à 13:17

Nous retombons dans les travers bien pensants européens, encore une fois. Nous voulons d'une guerre efficace mais propre, qui se ferait pratiquement sans douleur ni séquelles. C'est l'image du soldat propre, c'est de l'imaginaire populaire. On obtient pas des renseignements en demandant poliment à l'un de ses ennemis capturés de les donner. Ni en haussant la voix.
Se formaliser sur la pratique de la torture revient à être choqué que l'on n'utilise des balles réelles au lieu de balles en caoutchouc sur le terrain.

Mainteannt sur un blog suisse, je comprends que l'on élève Genève à un statut sacro-saint ;)

Publié par Ares le 25 janvier 2006 à 15:00

Pour être clair et précis, il faut rappeler que le combat contre l'utilisation de la torture par les Etats-Unis vient des Etats-Unis!
En particulier grâce à l'action du sénateur républicain John MacCain, qui fut prisonnier et torturé au Vietnam:

President Bush on Thursday abandoned his opposition to an anti-torture amendment by Sen. John McCain in the face of overwhelming support for the measure in Congress.
http://www.usatoday.com/news/washington/2005-12-15-torture-policy_x.htm

Publié par UniPaul le 25 janvier 2006 à 15:14

« Quitte à parler de prison, quand les journalistes s'attarderont-ils non sur Guantanamo, mais sur les 300 autres prisons présentes sur l'île de Cuba? Mais comme elles appartiennent à un régime communiste, on ne va pas en faire un fromage! » (Stéphane)


Très juste ! Les deux types d'Etats que évoqués ci-dessus promeuvent des valeurs différentes, pour ne pas dire antagonistes. Ce qui peut paraître normal (bien que scandaleux) sous un régime antidémocratique a une tout autre portée lorsque l'Etat en question se considère comme le champion de la liberté.

Ce qui ne veut pas dire que rien ne doit être entrepris.
De même il est illusoire de croire que l'utilisation de la torture n'a pas de répercussions négatives sur ceux qui l'utilisent ou la promeuvent. Le combat en court est un conflit qui s'étendra sur plusieurs années et les résultats obtenus aujourd'hui pourraient, à long terme, être considérés comme des erreurs.

Alex

Publié par Alex le 25 janvier 2006 à 15:40

@Ludovic
Hum vraiment, je ne suis pas du tout d'accord avec vous.

On ne peut absolument pas nier que si la CIA remet ses prisonniers à d'autres pays en étant consciente que ceux-ci utilisent la torture, et même en souhaitant qu'ils le fassent afin d'obtenir des informations qu'eux n'ont pu avoir, c'est bien qu'elle cautionne ce procédé. Aucune logique ne peut aller à l'encontre de ceci, à moins d'être schizophrène.

Ensuite, que ce ne soit pas exactement le même forfait de commettre la torture ou de la demander, vraiment il ne s'agit là que de réthorique. Ca me fait un peu penser au parrain qui dit à son lieutenant d'aller tuer untel, mais qui lui dit "s'il te plaît fais ça dans l'arrière cuisine, je ne supporte pas la vue du sang". Ca c'est bel et bien de l'hypocrisie. On se dédouane, tout en restant "commanditaire" (pour répondre à Stéphane je ne cherchais pas une analogie entre la mafia et les USA, simplement la démarche de demander à quelqu'un de torturer untel pour son compte me fait penser à un acte commandité par la mafia) d'une méthode absolument inadmissible.

Pour être clair, qu'un pays montre ainsi une telle mansuétude pour des pratiques réprouvées par des lois internationales auxquelles elle adhère ne me semble pour le moins pas être quelque chose à glorifier. Je ne vois pas bien quel fierté la CIA peut tirer du fait de telles actions. Et encore moins en quoi cela peut démontrer la moindre cohérence chez un gouvernement qui clame son engagement contre la torture.

Présentons les choses autrement: lorsqu'un meurtre est commis qui fait le plus de temps en prison: celui qui a tué ou celui qui a commandité le crime ? Dans la présentation qui est faite du "système" utilisé par la CIA, les autres pays auxquels elle fait appel semblent vraiment avoir une fonction "ouvrière" si j'ose dire. Et dans ce cas, ce n'est pas l'ouvrier qui est le plus coupable, mais bien celui qui planifie l'action de l'ouvrier.

Publié par pikipoki le 25 janvier 2006 à 16:38

Pikipoki, votre argumentation est logique et j'y adhérerais sans réserve si un point ne vous avait pas apparemment échappé : le fait de transférer un prisonnier à un autre pays plus efficace en matière d'interrogatoire ne signifie pas qu'il va y être torturé. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas accuser les Américains de responsabilité en matière de torture sans savoir exactement où, quand et dans quelle proportion ces tortures ont lieu. La CIA ne demande pas aux autres service de torturer des prisonniers ; elle les transfère pour obtenir des renseignements qu'elle ne peut obtenir, pour des raisons de méthode (la torture peut ici jouer un rôle important) mais aussi de culture, d'identité, de religion ou de réputation.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2006 à 19:10

"l'Europe devrait s'intéresser à ce qui passe dans les pays auxquels la CIA livre des prisonniers : cela permettrait justement d'évaluer la responsabilité morale des Etats-Unis. (...) Faute de quoi la véritable cible de cette démarche ne serait pas la torture, mais bien les Etats-Unis."

Oui, mais comme le rappelle très justement Ram Zenit, le problème ne se pose-t-il pas surtout du côté des media qui peuvent quand même pas lâcher... une cible des critiques aussi facile ?

Ce que vient d'ailleurs de confirmer lui-même le directeur du bureau de la BBC à Washington, Justin Webb, sur la propre radio de ladite BBC:

"But is there, presenter Roger Bolton asked, a double-standard when it comes to reporting on the US?

JW. I don't think there's a double-standard at a conscious level. I don't think the BBC has a double standard. I've never been told what to say one way or the other

RB. But you're saying there's a greater readiness to criticize America than there is to criticize China, or perhaps Saudi Arabia or other countries in the Middle East?

JW. And the reason is , I think, that it's easier, that we have a problem reporting open societies, particularly in a time of great international turmoil and war. It's just easier to criticize, it's easier to get information, it's easier to find people within the society who are immensely critical of it Yet when you think of China, when you think of the Taliban!when you think of the situation in Iran it's just more difficult to get a handle on what's going on in those places. And I think there is a tendency, which we always have to guard against, of being tougher on democratic societies simply because it's easier."

http://extremecentre.org/?p=471#respond

Publié par jc durbant le 25 janvier 2006 à 20:03

@ Ludovic:

Votre dernière réponse à kiki est assez...surprenante.

"C'est la raison pour laquelle on ne peut pas accuser les Américains de responsabilité en matière de torture sans savoir exactement où, quand et dans quelle proportion ces tortures ont lieu."

Je serai tenté de dire qu'il suffit qu'elle soit employée une seule fois.

Prétendre que les services américains qui ne sont pas spécialement composés d'enfants de coeur ignorent les pratiques usuelles en service chez leur sous-traitants en matière d'extorsion des renseignements me semble tout bonnement incroyable.

L'externalisation des interrogatoires, pour les raisons que vous soulignez, ne les dédouane en rien des méthodes suceptibles d'être utilisées par leurs appointés. D'autre part, il serait pour le moins surprenant et inquiétant que les corespondants locaux de la CIA ni n'assistent, ni n'enregistrent le déroulement des séances d'interrogatoires, "musclées" ou pas.

En fait, le problème ne réside pas tant dans la torture que dans le fait de pouvoir l'assumer ouvertement aux yeux du monde. a force d'hypocrisie sur ce thème les USA et les occidentaux en général se retrouvent coincés face à leurs opinions publiques qu'ils trompent effrontément sur ce sujet depuis tant d'années.

Tous les services ont eu un jour ou l'autre recours à ce "procédé" pour soutirer les renseignements nécessaires à la neutralisation de terroristes. je demeure persuadé que la fin justifie les moyens. Et qu'on ne vienne surtout pas me dire que c'est se tomber au niveau de l'ennemi et qu'aux nom de nos valeurs etc.

Mon grand-père, résistant en france occupée dès l'année 1942 m'a raconté la manière dont "ils" faisait parler leurs prisonniers allemands (et même russes de vlassov). Les faits qu'il m'a décrits, notamment ceux des années 44 et 45 le conduirait sans doute aujourd'hui devant le TPI... Et pourtant, il a terminé ce conflit officier dans les rangs FFI. Il travaillait pour le camp de la liberté, de la démocratie au nom de la lutte contre la barbarie...Alors merci de ne pas me compter d'histoire pour enfants sur la torture, je suis déniaisé depuis bien longtemps sur ce sujet.

Publié par Winkelried le 25 janvier 2006 à 20:28

"C'est la raison pour laquelle on ne peut pas accuser les Américains de responsabilité en matière de torture sans savoir exactement où, quand et dans quelle proportion ces tortures ont lieu."
Ludovic Monnerat

Allons.
a. Quand on transfère des suspects dans les prisons du boucher Islam Karimov, c'est bien parce que l'on connait ses "méthodes". L'Ouzbékistan n'a pas été choisi par hasard.

b.J'ai du mal à croire, Colonel, que vous ne lisiez pas la presse, ni que vous ne soyez pas informé de ce que sait tout le monde, Dick Marty comme les autres !:

Le témoignage accablant d'un ex-diplomate britannique
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-734255@51-734381,0.html

Publié par a le 25 janvier 2006 à 20:37

@Ludovic
En fait je dois dire que je percevais bien cet aspect des choses. Je l'ai un peu volontairement occulté car nous sommes ici en présence d'un sujet sur lequel je crois bon que certaines idées soient les plus claires et affirmées possibles. Ces idées sont celles que j'ai évoqués dans mes commentaires.

Pour revenir sur votre dernière remarque donc, le problème c'est qu'on joue ici sur du flou. On ne sait pas si. Oui mais dans ce type de cas, n'est-on pas précisément en droit d'attendre une attitude la plus responsable possible? On ne joue pas aux légos. C'est du risque pris pour la vie d'hommes dont on parle. On sait que ces pays sont susceptibles de pratiquer la torture. Ce n'est pas juste une vague hypothèse, et je ne crois vraiment pas que les stratèges de la CIA l'ignorent. Alors quid de la justification d'une démarche qui, sous prétexte qu'il y a un flou sur les méthodes qui pourront être employées, prend le risque de livrer des détenus à des pays aux méthodes barbares?

Vraiment tout cela me semble encore bien bancal.

Deux mots pour finir:
En effet mon pseudo à un côté un peu télétubbies, mais bon je vous avouerai qu'en fait je ne l'ai presque pas choisi.

Enfin, je trouve un vrai plaisir à débattre de ces questions avec des gens avisés comme vous l'êtes, même si nos opinions ne pourront pas toujours se retrouver.

Publié par pikipoki le 25 janvier 2006 à 20:40

Juste un mot sur "Ce qui peut paraître normal (bien que scandaleux) sous un régime antidémocratique a une tout autre portée lorsque l'Etat en question se considère comme le champion de la liberté."

Cuba est percu par beaucoup comme un petit paradis luttant contre les horribles USA.
L'URSS se considérait comme le champion de la paix, et bon nombre de personnes en Occident et dans le monde y croyait.
Or les seuls critiqués sont les USA. Ils ne sont pas les seuls à prétendre être des champions de ci ou de ça.
Alors parfois il est bon de lire que les 300 prisons cubaines sont pires que Guantanamo.

Sinon, la torture n'est pas très efficace comme méthode d'interrogatoire. Un bon interrogateur connaissant la culture et la langue est beaucoup plus utile.
Les USA ont un très serieux déficit en ce domaine, a contrario de la France, ou de l'Angleterre.
Je comparerais ce déficit "humain" aux difficultés rencontrées par l'US Army dans le contact avec les populations dans les pays où elle est présente.
Même problème avec le renseignement. L'ELINT c'est très bien contre l'URSS, le HUMINT c'est beaucoup mieux pour parer une attaque terroriste.
Et en ça les américains, ils ont du mal.

Cordialement.
S.

Publié par Stauffenberg le 25 janvier 2006 à 21:12

A Winkelried : Ce que vous dites sur le fonctionnement des interrogatoires est logique. L'hypocrisie est bien une composante dans cette affaire. Cependant, encore une fois, certains pays ont des interrogateurs susceptibles de parvenir à d'excellents résultats sans la torture en raison de leur proximité avec l'interrogé. Cette sous-traitance est donc aussi due à un problème de capacité, aussi qualitatif que quantitatif.

A a (un pseudo pareil ne contribue pas à la clarté !) : Oui, mais si l'on s'inscrit dans une démarche judiciaire et/ou morale, il faut des preuves ; la présomption d'innocence doit également bénéficier aux Etats-Unis...

A pikipoki : le plaisir est partagé. Concernant la nécessité d'avoir une attitude la plus responsable possible, oui, mais ce thème est justement l'un de ceux où il est bien difficile de le faire. Les méthodes d'interrogatoire pratiquées routinièrement par bien des polices occidentales - en Suisse aussi - peuvent passer pour de la torture selon les critères appliqués. Donc on préfère détourner le regard de ce problème, puisque ces interrogatoires sont bel et bien nécessaires.

Disons qu'une guerre face à des combattants irréguliers est vraiment à des années-lumières d'une procédure judiciaire pénale, et que vouloir mener l'une avec l'autre est à peu près impossible. Si l'on entend gagner, bien sûr...

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2006 à 21:59

Je pense qu'on occulte un point important du processus: les prisonniers viennent de quelque part.

Si je peux résumer un scénario plausible:
1. Les services de renseignement américains (la CIA) trouvent des suspects fomentant des attentats dans un pays X.
2. La CIA "extrait" ces suspects et les emmène à Guantanamo pour interrogatoire. Quelquefois, ils peuvent les laisser sur place.
3. A l'issue de cette collecte d'information, ils ne sont plus d'aucune utilité; la CIA les renvoie donc dans leur pays d'origine en prévenant éventuellement les autorités locales, qui ne se gênent alors pas pour arrêter, inculper et éventuellement "interroger" les prisonniers dès leur descente d'avion, pour leurs propres besoins "locaux".

Je pense en d'autres termes que la CIA ne fait guère que se servir en premier.

Il faut garder à l'esprit que beaucoup des prisonniers qui sont sortis de Guantanamo pour être restitués à leurs pays d'origine sont allés directement en prison en arrivant. Je ne parle pas de pays du tiers-monde, mais bien aussi de France ou d'Angleterre. Les types qui sont arrêtés par les Américains ne sont pas des enfants de choeur.

Si la CIA n'extrayait pas ces fameux prisonniers, ils seraient enfermés en prison directement dans leur pays natal pour y subir les traitements qui y ont court, et personne n'y trouverait à redire -Tout comme personne ne semble rien trouver à redire envers tous ceux qui sont enfermés dans ces pays et soumis à des méthodes musclées, mais qui ne sont pas passés entre les mains de la CIA.

Comparé à des détenus de droit commun, de simples meurtriers, les islamistes auraient-ils donc droit à un traitement de faveur qui les protègeraient de ce qui se fait dans leur pays d'origine, simplement parce qu'ils sont passés par les mains des Américains?

Publié par Stéphane le 25 janvier 2006 à 22:04

Je trouve que votre aveuglement est incroyable ! En être réduit à dire que puisqu'on n'est pas sûr que ces gens seront torturés ça dédouane les Etats Unis c'est une réthorique très dangereuse. On a le droit d'aimer les Etats-Unis tout en disant que ce qu'ils ont fait là est dégueulasse tout de même ? A quoi bon vous cacher derrière des chicaneries à peine dignes de Maître Collard ? La question que pose M. Marty c'est "sommes nous (les démocraties occidentales) prêts à torturer pour obtenir des renseignements ?". La CIA a torturé et/ou fait torturer, il n'y a aucune différence d'essence. Soit vous considérez que la torture est justifiée, ce qui est votre droit, soit vous considérez qu'elle est inacceptable et dans ce cas vous ne pouvez pas ne pas condamner ce qui s'est passé. Ca ne concerne pas que les Etats-Unis d'ailleurs. Difficile d'imaginer que les pays européens ne savaient rien. Mais c'est encore un autre sujet.

Publié par albiceleste le 26 janvier 2006 à 10:51

"sous-traitance". donc commerce. donc paiement.
Il y a donc une contrepartie payée au "Pays sous-traitant" par les États-Unis, en échange des renseignements obtenus. Laquelle, et sous quelle forme ?

Publié par alouette le 26 janvier 2006 à 12:49

Encore une fois, au risque de me répéter, je pense que l'on ne tient pas assez compte de l'effet de l'utilisation de la torture (pour autant que cela soit avéré) sur l'opinion publique. Comme le démontre ce forum, ce thème est un sujet sensible qui divise énormément. Et il influence aussi bien les spectateurs de ce conflit, que les citoyens dont le(s) pays est/sont partie prenante.

D'autre part, une autre question finira par surgir si les E-U ont vraiment eu recours a des Etats pratiquant la torture : n'ont-ils pas soutenu / encouragé des procédés qui sont également utilisés contre les propres habitants de ces Etats ? Dans ce contexte, leur mission de démocratisation de l'Irak ne représente-t-elle pas une certaine contradiction avec le sous-traitement de besognes exercées par des pays utilisant des méthodes contestables et contestées ?

Alex

Publié par Alex le 26 janvier 2006 à 13:40