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17 avril 2005

Un message incomplet

Trois ans et demi après le déclenchement des opérations en Afghanistan, et deux ans après l'effondrement du régime de Saddam Hussein, les Forces armées américaines ont toujours des difficultés majeures à assurer une couverture médiatique réaliste et équilibrée de leurs actions. Le chef de l'état-major interarmées américain, le général Richard B. Myers, vient ainsi de mettre au défi les éditeurs [en fait, les rédacteurs en chef] de fournir au public un compte-rendu complet des zones en conflit. Et il souligne combien les distorsions de la couverture peuvent avoir un effet néfaste sur la résolution de la population américaine, et donc sur la volonté du pays de poursuivre le combat :

Myers told the editors that he reads far more about the problems of servicemembers' equipment and the latest insurgent attack than about "the thousands of amazing things our troops are accomplishing." This concerns him, he said, because American resolve is key to success.
The chairman said that part of the problem lies with the military. He said commanders must be more responsive and give more access to reporters. "We're working on that," he told the editors.
But still, "a bomb blast is seen as more newsworthy than the steady progress of rebuilding communities and lives, remodeling schools and running vaccination programs and water purification plants."

Le penchant des médias américains à privilégier les événements négatifs est bien connu, et les soldats déployés en Irak ou en Afghanistan en reviennent souvent avec une rancoeur solide contre les journalistes. Ces derniers jours, quelques événements plus spectaculaires en Irak ont d'ailleurs amené des rédactions à spéculer sur une flambée de violences consécutives à imaginer une tactique délibérée de la guérilla sunnite, alors que celle-ci continue de se battre pour sa survie physique et médiatique. L'absence de perspective et de connaissances sur le sujet favorise lourdement de telles distorsions.

Malgré cela, les appels répétés des principaux dirigeants militaires américains montrent que leurs efforts d'intégration et de transparence à l'endroit des médias sont loin d'avoir pleinement porté leurs fruits. Et l'annonce d'améliorations dans ce sens me semble vaine : les armées US n'ont tout simplement pas les mêmes intérêts que les médias US, dont les inclinations économiques et idéologiques sont les causes majoritaires de l'image tronquée qu'ils diffusent. Si le général Myers croit vraiment à ce qu'il affirme ("DoD officials [are] not afraid of what servicemembers would tell reporters"), il ferait mieux d'inciter ses subordonnés à chacun médiatiser leur action, à diffuser les récits et les images qui manquent tellement aux produits médiatiques commerciaux.

Parier résolument sur l'individu me paraît une réponse applicable à bien des dilemmes de notre époque.

Publié par Ludovic Monnerat le 17 avril 2005 à 9:52

Commentaires

Parier résolument sur l'individu me paraît une réponse applicable à bien des dilemmes de notre époque. - Ludovic Monnerat

Absolument. Et ne pas le faire équivaut à renier les efforts d'instruction, de diffusion d'information et d'encouragement à l'indépendance d'esprit dont le monde occidental et démocratique s'est fait le champion.

Publié par ajm le 17 avril 2005 à 11:02

Je suis d'accord aussi (désolé pour la pauvreté de ce commentaire...)

Je crois infiniment plus que le glissement vers l'objectité se fera à travers l'augmentation des sources alternatives, Blogs de soldats embarqués ou d'Irakiens par exemple, que par le biais - si j'ose dire - de journalistes dont les oeillères sont fermement en place.

L'orientation idéologique des journalistes est un filtre placé dès leur école, et à chaque étape de leur ascention professionnelle. Seuls ceux qui pensent "comme il faut", et d'une façon suffisamment imperméable aux faits qu'ils traitent, peuvent espérer prendre de l'avancement. Qu'un général pense qu'il suffise de modifier leur accès au terrain pour qu'ils changent d'avis est assez cocasse de son ignorance des médias, ce qui fait tache à ce poste.

Heureusement, la bataille ne se joue pas entre les chefs d'Etat-major et les éditorialistes, mais entre ce qui se passe sur terrain et dans l'esprit des individus. Je réalise tous les jours que plus la tranche d'âge diminue - c'est-à -dire pour un flux continu d'individu qui gagnent en maturité - l'acquisition d'information est de moins en moins soumise au diktat des équipes rédactionnelles idéologiquement engagées. Ils vont chercher l'information ailleurs et différemment.

C'est donc un message d'espoir, et la popularité de votre Blog en est un excellent exemple.

Publié par Stéphane le 17 avril 2005 à 23:02

Je suis totalement convaincu que l'on se dirige vers " l'homo cellulaire ". Interconnecté avec ses semblables la réponse sera foudroyante et l'emballement de la société risque de provoquer des mondes parallèles difficiles à identifier et pouvant être totalement virtuels mais non moins réels. On sait que la mouvance islamique utilise à grande échelle les moyens modernes de communication imaginés et réalisés par d'autres sans que l'on puisse les en empêcher. Les médias vont réagir et s'adapter à cette situation peut être en accélérant le travail à la pige et produire leur canards sur papier électronique en temps réel!car leurs sites web sont déprimants. Les Blogs dans leur simplicité ont de beaux jours devant eux mais le phénomène Skype risque de redonner à la parole son rôle prépondérant sur l'écrit.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 18 avril 2005 à 2:35