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16 avril 2005

Réalisme et idéalisme

L'historien militaire américain Victor Davis Hanson a publié hier une analyse claire et concise des erreurs successives commises par les Etats-Unis en matière de politique étrangère, particulièrement face à l'islamisme et aux tyrannies orientales, en montrant que les critiques actuels - et démentis - de la politique menée par l'administration Bush sont également responsables de ces erreurs. Après le réalisme à courte vue (Arabie Saoudite), la punition inconséquente (Guerre du Golfe), la corruption honteuse (Egypte) et l'inaction indifférente, l'activisme démocratique mené aujourd'hui est selon Hanson un dernier espoir qui s'inscrit dans le sens de l'histoire :

The past ostracism of Arafat and the removal of the Taliban and Saddam Hussein, followed by democratic engagement, will bring eventual stability to the Middle East and enhance the security of the United States. After the failures of all our present critics, this new policy of promoting American values is our last, best hope. And the president will be rewarded long after he leaves office by the verdict of history for nobly sticking to it when few others, friend or foe, would.

On retrouve naturellement les mêmes accents et le même jugement dans les propos de Richard Perle, l'ancien conseiller du Pentagone, interviewé ce samedi dans Le Figaro. Interrogé sur la France et la politique antiaméricaine qu'elle mène ouvertement, Perle appelle à mettre un terme à ce qu'il nomme les liaisons dangereuses et à éviter une construction européenne axée sur une confrontation stérile avec les Etats-Unis. En conseillant à la France de "localiser ses vrais ennemis", il replace le débat transatlantique dans une perspective d'avenir véritablement réaliste :

L'Europe n'a rien à gagner d'une confrontation devenue systématique avec les Etats-Unis. Un tel mécanisme d'opposition est d'ailleurs d'autant plus insensé qu'il aboutit finalement à une opposition de principe nocif tant à nos buts communs qu'à nos finalités respectives. C'est d'autant plus ridicule que, si l'on regarde plus globalement, nos visées sont malgré nos divisions si communes et nos différends si mineurs que les tensions transatlantiques font l'effet d'un grand gâchis. Et ce notamment dans un nouvel ordre mondial nécessitant un resserrement des démocraties.

Le même Figaro illustre cependant à merveille en quoi consistent ces liaisons dangereuses dont parle Richard Perle. Il se trouve en effet qu'il a publié hier une "lettre à un ami français" écrite par Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, qui appelle la France à soutenir sa position pro-syrienne et tente de briser l'accord franco-américain concrétisé par la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU. Nasrallah emploie ainsi un langage connoté et périmé, parlant de "résistance" sans le moindre égard aux manifestations des Libanais, pour sensibiliser la France à ses intérêts :

Le premier point de cette résolution internationale exige le départ des troupes étrangères - comprendre syriennes - du Liban. J'intitule ce point : la partie française de la résolution.
Le second point réclame notamment la dissolution des milices libanaises et leur désarmement, et c'est la résistance libanaise qui est visée. J'intitule ce point : la partie américaine de la résolution.

J'avoue être surpris de voir que le leader d'un groupe terroriste tente aussi grossièrement de préserver sa capacité à employer la violence armée. Est-ce que la France aurait déjà oublié l'attentat-suicide du Drakkar, qui entraîna la mort de 58 parachutistes français voici plus de 20 ans? Est-ce que le soutien déterminant de l'Iran au Hezbollah est anodin? Est-ce que l'interdiction de la diffusion en France de la TV du Hezbollah peut être séparée des propos prudents et rhétoriques de son secrétaire général? Qui sont les ennemis de la France, de l'Europe, de la démocratie?

Voilà des questions auxquelles les Etats-Unis répondent. En ces temps de mutations rapides et d'instabilité immanente, une telle clarté vaut plus que tous les raisonnements nuancés et permet de faire l'histoire au lieu de la subir. C'est pourquoi leurs idéaux sont en train de changer le monde.

Publié par Ludovic Monnerat le 16 avril 2005 à 15:09