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13 avril 2005

Irak : un combat impitoyable

Un reportage exceptionnel publié aujourd'hui dans le Washington Post illustre une facette du conflit irakien et des opérations de contre-insurrection en milieu urbain qu'il occasionne. Le journaliste Steve Fainaru s'est intéressé à une section d'infanterie régulière d'un bataillon de l'US Army équipé du véhicule blindé à roues - de conception suisse - Stryker, et il en a ramené une description saisissante du climat dans lequel est plongée l'unité, et du caractère impitoyable des affrontements ponctuels entre GI's et guérilleros :

From inside a vacant building, Sgt. 1st Class Domingo Ruiz watched through a rifle scope as three cars stopped on the other side of the road. A man carrying a machine gun got out and began to transfer weapons into the trunk of one of the cars.
"Take him down," Ruiz told a sniper.
The sniper fired his powerful M-14 rifle and the man's head exploded, several American soldiers recalled. As he fell, more soldiers opened fire, killing at least one other insurgent. After the ambush, the Americans scooped up a piece of skull and took it back to their base as evidence of the successful mission.

Un conflit mené à coup d'embuscades de part et d'autre, rompant la monotonie du quotidien, comporte des règles souvent inédites. Et ce que montre cet article, c'est que les rapports de force en cours à Mossoul entre les forces de la coalition et la guérilla sunnite ressemblent de près à ceux que pourrait occasionner une guerre des gangs dans n'importe quelle grande ville américaine. Du coup, les soldats ayant grandi dans un tel milieu sont mieux à même de reconnaître les schémas et les indices dont les rues irakiennes sont parsemées :

It is a war that Ruiz said reminds him of his youth as a member of the Coney Island Cobras, a Brooklyn street gang. He said he applies many of the principles he learned in the rough neighborhoods where he grew up: Bay Ridge and, later, the projects in Caguas, Puerto Rico, where he moved with his mother as a teenager.
"What I see here, I saw a long time ago," he said. "It's the same patterns."

L'article fournit un aperçu de ce que cela représente. Il montre comment une unité peut pratiquer avec ruse et efficacité une guerre d'attrition impitoyable, qui amenuise et décourage la guérilla en utilisant à son avantage la technologie - véhicules blindés rapides, lunettes de vision nocturne, radios individuelles permettant d'opérer sans un mot à haute voix - ainsi que l'intuition. Mais il indique également que la volonté de contrer et combattre l'ennemi par tous les moyens légaux à disposition joue un rôle déterminant :

Among soldiers in Mosul, Ruiz's aggressiveness is legendary -- both in attacking the insurgents and gathering intelligence. Keating said Ruiz "plays by the rules of Iraq, not by the rules that are written by some staff guy who's never been on the ground. He's never crossed the line, but he'll go right up to it time and time again."
After recently hearing that a security guard was allowing insurgents to meet at night at a school, Ruiz said, he confronted the principal by "taking over his personal space" and threatening to shut down the school down if the meetings continued. At a store whose owner he believed was aiding insurgents, Ruiz threatened to park a Stryker out front and post a sign saying that the man was abetting terrorism.

Les combats de basse intensité redonnent toute leur importance aux individus, aux chefs des petites unités, aux personnages à l'aise dans l'incertitude, par opposition à la domination du feu massif et des grandes organisations qui caractérisent les conflits classiques. Les méthodes décrites dans cet article montrent que les unités américaines se concentrent de plus en plus sur les missions offensives, sur la traque des insurgents, au fur et à mesure que les forces irakiennes sont capables d'exercer une meilleure protection. Cette séparation des rôles forme une complémentarité que la guérilla sunnite peine de toute évidence à contre-balancer.

Publié par Ludovic Monnerat le 13 avril 2005 à 18:28

Commentaires

"guerre des gangs dans n'importe quelle grande ville américaine" ce qui confirme les déclarations des jeunes interviewés par Moore dans Farenheit 911, jeunes qui se rendaient compte avoir pratiquement grandi dans une zone de guerre, à l'interieur de l'"american dream" dont on ne parle plus depuis longtemps.

L'intervention alliée qui a déposé une dictature sanguinaire et qui donne des frissons à la bande de tortionnaires au pouvoir au moyen orient est extrèmement positive, ceci ne doit pas faire oublier le discours d'adieu à la présidence d'Eisenhower [http://www.jp-petit.com/Geopolitique/Discours_adieu_Einsenhower_complet.htm]


Publié par Mikhael le 14 avril 2005 à 20:39