« Un gigantisme commercial | Accueil | Le départ des Super Puma »

7 mars 2005

La coopération nationale

DDCBandaAceh.jpg

MEDAN - Avant de venir ici, je ne connaissais qu'indirectement la Direction pour le Développement et la Coopération (DDC), puisque je m'étais simplement intéressé à leurs activités dans une perspective de coordination civilo-militaire en consultant leurs divers sites Internet. A Sumatra, j'ai eu la chance de faire mieux connaissance avec leurs représentants sur place, avec lesquels la Task Force SUMA a noué une collaboration très fructueuse. Le fait que l'un des coopérants soit un officier d'exploration dans l'armée a naturellement favorisé la prise de contact, et permis rapidement de voir comment la DDC planifie et conduit ses activités d'aide humanitaires dans une zone de crise aiguë.

La collaboration entre les deux entités doit beaucoup aux personnes présentes sur place, et à l'action de l'ambassadeur suisse en Indonésie (M. Martin). D'une part, la TF SUMA a mis sa capacité de transport aérien à disposition de la DDC, dans la mesure de sa disponibilité, notamment en transportant des personnes et du matériel entre Medan et Banda Aceh. En retour, la DDC a offert l'hospitalité aux militaires suisses dans la grande maison dont elle loue une partie, à Banda Aceh, (j'ai par exemple pu à deux reprises y prendre le repas de midi, au demeurant excellent, préparé par la famille propriétaire de la demeure), en fournissant également des connaissances et des contacts précieux pour la coordination des action du contingent suisse.

Le coopération civilo-militaire (CIMIC) joue bien entendu un rôle central dans une mission d'aide humanitaire. Pourtant, les rapports avec la DDC sont allés plus loin qu'une simple coordination d'activités parallèles, et ont permis de montrer concrètement la complémentarité qui existe entre l'action ponctuelle de l'armée en cas de crise majeure et l'action à long terme de la DDC dans toute zone touchée par une telle crise. Pour l'armée, les membres de la DDC offrent tous les avantages d'une présence prolongée dans de nombreuses régions du monde, avec des installations et des contacts sur lesquels on peut s'appuyer pour la mise en place d'une action militaire. Pour la DDC, l'armée offre l'avantage de moyens considérables disponibles gratuitement lorsque les circonstances exigent une réaction massive de la communauté internationale.

Il ne faut pas pour autant en déduire que l'antenne de la DDC à Banda Aceh était démunie. Malgré des moyens somme toute limités, elle disposait de communications fiables avec la Suisse et d'un accès permanent à Internet, lequel constitue l'outil de fusion des informations lors d'une crise humanitaire. Le personnel employé sur place et les véhicules à sa disposition permettent à ses membres de se déplacer dans la zone touchée par le tsunami et de mener à bien des projets d'aide divers. Alors que les militaires sont venus et repartis en l'espace de 2 mois, les coopérants de la DDC accomplissent des missions de longue durée qui les amène à connaître bien mieux la situation locale. Pouvoir s'appuyer sur eux est une chance pour chaque contingent de l'armée.

Une collaboration plus étroite, dans le sens d'une stratégie suisse d'ensemble à l'étranger, offre des perspectives intéressantes. On peut d'ailleurs noter que l'agence pour le développement britannique (DFID) a étroitement travaillé avec les Forces armées de sa Majesté dans l'opération d'aide humanitaire en Asie du Sud (c'est-à -dire avant tout au Sri Lanka), alors que l'agence USAID arrive pratiquement dans les bagades des Forces armées américaines. Cette intégration stratégique, consistant à planifier et à mener des actions interdépartementales, représente certainement l'avenir des Etats-nations. Un grand nombre de susceptibilités sont soulevées par une telle idée, mais les expériences contemporaines montrent que l'aide humanitaire d'une nation ne peut pas être dissociée des valeurs qui caractérisent cette nation, et que celles-ci sont devenues des casus belli - sinon des armes.

Publié par Ludovic Monnerat le 7 mars 2005 à 12:36