« Vers des soldats médiatiques | Accueil | L'ombre de la Chine »

5 mars 2005

La coopération militaire

FranceMedan.jpg

MEDAN - Un aspect important de l'opération "SUMA" résidait dans la coopération avec les autres contingents militaires engagés dans l'aide humanitaire à Sumatra. Pas moins de 18 armées différentes ont en effet déployé des moyens sur et autour de l'île, et une grande partie d'entre elles ont encore des éléments présents - ne serait-ce que des détachements arrières chargés d'achever le repli. La Task Force SUMA commence d'ailleurs à avoir un statut similaire : avec le départ voici 2 jours de la moitié des mécaniciens - le démontage des Super Puma était achevé et la préparation des containers avance rapidement - la TF ne compte plus que les deux tiers de son effectif normal. Même si elle a reçu aujourd'hui même le dernier renfort, en l'occurrence un officier des Forces aériennes spécialiste en langue russe !

Le principal partenaire, pour le contingent suisse, était le détachement français engagé dans le cadre de l'opération Béryx : un contrat de prestations a ainsi été signé entre la Suisse et la France pour régler l'échange de prestations logistiques entre les 2 contingents. Les militaires français de l'Armée de Terre ont par exemple côtoyé la TF SUMA à Medan au début de la mission, avant d'installer un camp militaire à Sabang où nos équipages de Super Puma ont systématiquement passé une nuit dans le cadre des rotations au-dessus de Sumatra. Des contacts ont également eu lieu avec les navires de la Marine nationale, dont la Jeanne d'Arc, pour convenir d'arrangements techniques spécifiques. Par ailleurs, les éléments de l'Armée de l'Air stationnés à Medan ont accompli des transports d'aide humanitaire à bord de leur Transall C-160.

Ce sont ces aviateurs que le commandant de la TF SUMA a invité hier soir pour une raclette bien helvétique, avec 2 Valaisans aux commandes des meules, dans l'hôtel où loge le contingent. Une manière bien agréable de prendre congé officiellement de nos partenaires et de les remercier pour leur bonne coopération. Cela d'ailleurs nous a permis d'assister aujourd'hui à leur travail de réparation : le Transall cloué au sol depuis plus de 2 semaines avait en effet été endommagé en atterrissant à Meulaboh, sur une piste en très mauvais état, par un caillou qui a démoli une hélice en fibre de carbone avant de percer le fuselage et de passer très près d'un membre d'équipage ; les mécaniciens français ont aujourd'hui procédé au remplacement de cette hélice (voir photo ci-dessus) par un exemplaire en métal qui venait d'être livré - une opération pour le moins délicate.

Des contacts fructueux ont également été noués dans le terrain avec les contingents allemand, espagnol et américain, sans compter des contacts informels avec nombre d'autres Forces armées. Dans une opération de ce type, le fait qu'aucun structure militaire établie n'assure le commandement et le soutien des contingents internationaux confronte en effet ceux-ci à leur isolement, et donc renforce l'intérêt pour un échange ponctuel ou prolongé de prestations diverses. Disposer d'une capacité de transport aérien, de matériel performant ou de personnel spécialisé permet par exemple d'avoir en quelque sorte une monnaie d'échange, et donc d'aider les autres afin de bénéficier au besoin de leur aide. Et les petites nations ne sont pas nécessairement les plus démunies à Sumatra - bien au contraire !

C'est un constat qui a surpris les Suisses : les principales Forces armées européennes ont des problèmes de projection considérables sur une distance aussi grande, et le sens stratégique de certains engagements reste à ce jour plutôt nébuleux. On ne peut pas se départir de l'impression que certaines nations ont décidé de déployer des contingents en Asie du Sud uniquement après avoir vu à quel point les Etats-Unis transformaient leur aide humanitaire d'urgence en une démonstration de force aux avantages diplomatiques évidents. Cela ne change rien à l'importance de la coopération militaire sur place, mais montre que les perceptions subjectives jouent probablement un rôle supérieur aux prestations objectives dans les réponses au tsunami.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 mars 2005 à 13:25