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20 janvier 2005

Alerte à la folie furieuse (3)

La cérémonie d'investiture de Georges W. Bush et l'audition devant une commission du Sénat américain de Condoleeza Rice devaient immanquablement amener des dérapages haineux et irrationnels dans la presse. C'est le cas aujourd'hui dans Le Nouvelliste de Sion, où le très ardent Antoine Gessler se livre à quelques ellipses paranoïaques en guide d'éditorial. Extraits :

Reparti pour une seconde période de quatre ans à la Maison-Blanche, George W. Bush a conclu sans vergogne que sa réélection signifiait un chèque en blanc accordé à sa politique. [...] Que cherche M. Bush? La déclaration de sa nouvelle secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, qui a vu dans le tsunami qui a ravagé l'Asie du sud «une merveilleuse occasion pour la diplomatie américaine dans les pays musulmans de cette région» a choqué. Car elle a clairement démontré que sur tout investissement, même humanitaire, Washington attend un bénéfice en retour.
Dans ce contexte, les gouvernements trop indépendants gênent l'impérialisme de l'administration républicaine. Pour ancrer leur hégémonisme, les Etats-Unis ont besoin de découper le monde en ensembles géographiques distincts, plus facile à contrôler que des nationalismes jaloux de leurs prérogatives. Persuadé d'avoir hérité de Dieu le droit d'user et d'abuser des richesses possédées par les autres peuples, George Bush junior a reçu 48 mois supplémentaires pour tenter de faire triompher sa croisade.

Naturellement, on peut me reprocher de tirer sur ambulance ou de m'acharner sur un cas désespéré, puisque ce pauvre homme semble incapable de différencier un investissement d'une donation ou une politique écrite noir sur blanc d'un blanc-seing laissé à la discrétion d'un dirigeant. De toute évidence, il n'a pas non plus remarqué que le tsunami a offert une opportunité merveilleuse pour nombre d'initiatives diplomatiques et pour le resserrement de liens distendus par la discorde ou la méprise - aussi bien pour les Etats-Unis que pour l'Union Européenne, la Chine et bien entendu l'ONU.

Mais c'est bien cette vision intégriste et impérialiste de l'administration américaine, dépeinte en mal absolu face à laquelle nul n'est coupable, qui relève de la folie furieuse. Ecrire que le seul défaut de Saddam Hussein ou des ayatollahs iraniens consiste à faire preuve d'indépendance est une assertion qui verse carrément dans le révisionnisme ; on se demande comment M. Gessler interprète le fait que 80% des Irakiens affirment vouloir voter le 30 janvier prochain - s'il est encore en mesure de distinguer les nuances de la réalité parmi les clartés aveuglantes de ses obsessions.

Cela dit, si les médias préfèrent remplacer l'éclairage de l'actualité par la fulgurance des illuminés, peut-être l'intérêt commercial saurait-il expliquer pareille dérive. Dès lors que le public dispose d'un large choix en matière d'information, cela ne me dérange pas le moins du monde. Et si l'on cherche à mieux comprendre les enjeux et les conséquences de la politique américaine notamment par rapport à l'Irak, je recommande chaudement Au Risque du Chaos, le livre collectif rédigé par le Réseau Multidisciplinaire d'Etudes Stratégiques sous la direction experte de Joseph Henrotin.

COMPLEMENT I : On lira avec intérêt le commentaire de Thomas Friedman aujourd'hui dans le New York Times sur l'humeur des Européens avec la réélection de Bush. Et on ne manquera pas de noter, à la fin du texte, que les Iraniens semblent les plus satisfaits de cette réélection - au contraire de leur Gouvernement.

Publié par Ludovic Monnerat le 20 janvier 2005 à 15:21

Commentaires

Le Nouvelliste a déjà une solide expérience en la matière : désinformation grotesque (pour ne pas dire "ouvertement antisémite") du conflit proche-oriental, mépris affiché pour tout, et absolument tout ce qu'entreprennent les Etats-Unis contre les dictatures et les groupements terroristes...
Ce quotidien n'a plus rien à apprendre en la matière; cela fait longtemps déjà , qu'il nage tout au fond du cloaque idéologique des médias suisses.

Publié par Ruben le 20 janvier 2005 à 16:11

D'accord, mais si les Valaisans en sont satisfaits, pourquoi la rédaction devrait-elle entreprendre la moindre évolution ? On ne change pas une équipe qui gagne ! :)

Publié par Ludovic Monnerat le 20 janvier 2005 à 16:22

Croyez-moi, quand je parle du Nouvelliste, je connais mon sujet. C'est honteux!

Il est de bon ton, entre "intellos" soutenant, par exemple, l'intervention en Irak, de critiquer "Le Matin".
Mais c'est une erreur. De tous, c'est bien le Nouvelliste qui mérite la palme de l'idéologie la plus trouble ("trouble" = euphémisme). Valaisan moi-même, je ne parviens toujours pas à comprendre comment ce quotidien a bien pu en arriver là .
Avoir une opinion, aussi abjecte soit-elle, est une chose, mais contribuer jour après jour à un processus de révisionisme permanent en est une autre.

Et c'est bien de cela qu'il s'agit avec le Nouvelliste.

Publié par Ruben le 20 janvier 2005 à 16:36

... plus que 45 minutes avant Le discours...

Publié par Ruben le 20 janvier 2005 à 16:39

Croyez-moi, la presse suisse-allémanique, n'est, sauf quelques exceptions rarissimes, pas bien différente de l'éditortial cité ci-dessus. Les seuls journaux ayant une propre opinion (si on peut encore taxer l'éditorial du Nouvelliste d'"opinion") sont la Weltwoche et la NZZ. Bien que quelques articles et commentaires dans la NZZ sur le conflit israélo-arabe soient rédigés par un paléstinophile à peine masqué et manquent absolument d'objectivité... Enfin, je suis curieux de voir les commentaires dans les médias (qu'on appelle pluraliste en Suisse...!) sur le speech de Bush.

Publié par Robert Desax le 20 janvier 2005 à 18:47

Le phénomène avait déjà été presenti par Orwell qui l'appelait "Novlangue".

Publié par Ruben le 20 janvier 2005 à 19:27