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21 décembre 2009

La lutte pour la démocratie

Le sommet de Copenhague s'est achevé sur un échec marquant : le grand marchandage entre Nord et Sud, entre Occident et Orient, comme entre États et Nations Unies, n'a pas le caractère autoritaire et contraignant que nombre d'initiants et d'activistes appelaient de leurs vœux outrés. L'autorité des gouvernements et des populations qui les ont élus - quand elles ont la chance de le faire - est donc sauve. Le prétexte apocalyptique du réchauffement climatique n'a pas permis à la « gouvernance globale » de provoquer l'avènement d'un pouvoir supranational sous la bannière de l'ONU, voué à progressivement régir la planète entière dans le but, aussi séduisant que fallacieux, de la sauver. Les hauts cris des médias, une fois de plus, expriment l'impuissance à imposer une conception donnée du monde. Tout cela n'est qu'une affaire de pouvoir.

Au siècle dernier, la démocratie a lutté avec succès contre le fascisme, le nazisme et le communisme, ces idéologies faisant de l'individu le rouage - ou la victime - d'un système autocratique et inhumain. En ce début de siècle, il apparait clairement que cette lutte est appelée à se poursuivre contre toute tendance dictatoriale, mais qu'elle s'applique à de nouveaux adversaires : l'islamisme bien sûr, sur le devant de la scène pendant toute la décennie, mais également le globalisme, la « gouvernance globale », cette conception supranationale visant à confier les décisions politiques et leur mise en œuvre à des organisations indépendantes des États comme des peuples. À la différence près que ce sont les dirigeants des États dits démocratiques qui cèdent aux sirènes du globalisme et abandonnent définitivement un pouvoir qui ne leur a été que temporairement délégué.

L'Organisation des Nations Unies est bien entendu au centre de cette conquête : les potentats locaux et régionaux l'instrumentalisent pour promouvoir leurs intérêts (Mugabe, Ahmadinejad ou encore Kadhafi), les pires tendances antisémites et anti-occidentales s'y expriment librement (comme lors de la conférence de Durban sur le « racisme »), mais elle s'entoure d'une aura de bénévolence et d'universalité qui désarme et séduit les bonnes âmes. À une autre échelle et avec bien moins de vices, l'Union Européenne joue une partition similaire, celle du rassemblement vers un but commun, de la convergence pour un avenir meilleur ; et comme atteindre ce but et construire cet avenir sont plus importants que générer des décisions légitimes, les peuples ayant encore l'habitude de donner leur avis ont le choix entre voter « dans le sens de l'histoire » et fermer définitivement leur clapet.

Cette dérive existe aussi en Suisse, un pays pourtant fier de son indépendance et de la légitimité populaire de ses institutions. On l'a vu suite au succès de l'initiative contre la construction de minarets comme lors d'autres votations notables : lorsque les Suisses votent dans le « bon sens », c'est-à-dire dans celui de la majorité des commentateurs, ils font preuve de sagesse, de maturité ou encore d'ouverture ; mais lorsque les Suisses votent dans le « mauvais sens », ils sont au contraire marqués par l'émotion, la peur, l'ignorance ou encore le repli sur soi. Les millions de citoyens qui se rendent aux urnes ne bénéficient que d'un respect conditionnel. La démocratie directe, c'est-à-dire la forme la plus développée de démocratie, est jugée par rapport à la conformité des décisions qu'elle forge, et non par rapport à la légitimité qu'elle donne à celles-ci.

Les tenants du globalisme cherchent dès lors à diminuer ou à retirer le pouvoir imprudemment laissé aux citoyens, qui s'obstinent à prendre par eux-mêmes des décisions d'ampleur stratégique au lieu de laisser les « personnes compétentes » s'en charger. Suite à la votation sur les minarets, d'aucuns ont ainsi déposé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire une instance judiciaire supranationale, pour tenter d'invalider la modification de la Constitution fédérale, alors que d'autres demandent que toute initiative contraire aux conventions internationales - qui sont signées par le Conseil fédéral et généralement approuvées par le Parlement - ne soit plus soumise au vote populaire. L'opinion de 7 juges siégeant à Strasbourg ou de 7 politiciens œuvrant à Berne importerait donc davantage que celle de 1,5 millions de citoyens.

Aucun système politique n'est parfait, aucune instance - quelle qu'elle soit - ne peut avoir de réponse à toutes les questions, de solutions à tous les problèmes, et la démocratie directe ne saurait être parée de vertus qu'elle n'a pas. En revanche, prétendre parler au nom du plus grand nombre tout en réduisant ce dernier au silence et à l'impuissance, comme le suppose la « gouvernance globale », est une ignominie que seuls les autocrates, seuls ceux qui n'ont aucun contre-pouvoir à redouter et aucun électorat à représenter, peuvent concevoir. Remplacer une coordination internationale par un pouvoir supranational, sans la légitimité populaire et la sanction électorale de la démocratie directe, est une menace non seulement pour les libertés individuelles, mais également pour la paix que procure l'équilibre des pouvoirs.

Publié par Ludovic Monnerat le 21 décembre 2009 à 18:22