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24 février 2007

Entre l'Irak et l'Afghanistan

Ces derniers jours, la Grande-Bretagne, le Danemark et la Norvège ont annoncé leur intention de renforcer leurs effectifs militaires en Afghanistan ; conjuguées à la réduction des troupes en Irak, ces décisions ont confirmé le mouvement de bascule qui s'opère depuis presque 3 ans entre ces 2 campagnes. D'autres pays, dont l'Australie, considèrent également l'envoi de contingents supplémentaires en Asie centrale ou le renforcement de leurs capacités, alors que les appels aux membres de l'OTAN pour accompagner ce mouvement sont fréquents. Ceci malgré des contestations en hausse face à ces déploiements sans terme visible, comme la chute du gouvernement Prodi l'a montré en Italie.

La perception originelle de ces deux campagnes explique naturellement cet engagement très différent. Lancée en réaction immédiate aux attentats du 11 septembre, la campagne d'Afghanistan a d'abord été une opération coercitive exclusivement américaine avant d'intégrer une opération de maintien de la paix commandée par l'OTAN ; la différence entre les deux a aujourd'hui presque disparu, mais l'action de la communauté internationale conserve une légitimité élevée. Au contraire, lancée de façon délibérée par les Etats-Unis sans lien direct avec des attaques terroristes, la campagne d'Irak est fréquemment présentée comme la mauvaise guerre, au mauvais endroit et au mauvais moment - en opposition à l'Afghanistan. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certaines nations, comme la France ou l'Allemagne, ont refusé toute implication militaire en Irak et combattent aux côtés des Etats-Unis en Afghanistan depuis presque 5 ans.

Toutefois, dès lors que ces deux campagnes initialement très différentes ont connu un rapprochement notable, au niveau des pertes subies comme dans l'absence de succès immédiat, ce mouvement de bascule est intriguant. Hormis les raisonnements axés sur la politique intérieure, il n'existe en effet pas de raison évidente pour laquelle un engagement croissant en Afghanistan et un engagement décroissant - ou inexistant - en Irak doivent être préconisés. Le développement très inégal des forces de sécurité locales (60'000 en Afghanistan après 5 ans contre 343'000 en Irak après 3 ans, malgré une population de taille grosso modo comparable - 30 millions d'habitants contre 27 millions) trace même des perspectives plus sombres pour l'Afghanistan, notamment quand on considère en plus le caractère moins central de ce pays, le relief tourmenté et rigoureux ainsi que la proximité d'un sanctuaire (Waziristan). La lenteur des nations engagées à accepter la nature conflictuelle de l'opération y concourt aussi.

Une démarche rationnelle consisterait donc à se demander quels sont les objectifs atteignables pour chacune des deux campagnes, les effets potentiellements déclenchés, et donc laquelle devrait faire l'objet d'un effort plus fourni. En allant au-delà de la fonction stratégique d'interdiction, l'Afghanistan reste un théâtre secondaire : la naissance d'un Etat-nation moderne dans ce pays perclus de tribalisme et de criminalité serait un succès sensationnel, mais sans grand effet. En revanche, si parvenir au même résultat en Irak serait tout aussi sensationnel, l'effet symbolique et sémantique obtenu serait immense ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les islamistes sont prêts à tout pour empêcher une telle défaite. Mais si une victoire aussi complète était inaccessible, à moyen terme du moins, ce qui semble bien être le cas, alors la campagne permettant d'infliger le plus de pertes à l'adversaire est celle qui devrait être privilégiée. Les chiffres avancés ici semblent une indication assez claire, du moins cohérente avec l'intensité des opérations...

Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2007 à 23:29

Commentaires

La révolte des prétoriens (j'en évoquais la possibilité, il y a déjà plus d'une année):

http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/iraq/article1434540.ece

D'un côté, je trouve rassurant de constater qu'il peut encore rester de vrais patriotes, même aux plus hauts postes de responsabilité militaire!

D'un autre côté, la question qui se pose ensuite, c'est, par qui vont-ils être remplacés?

Publié par fass57 le 25 février 2007 à 19:36

Mais quel plan B proposent-ils pour neutraliser les programmes nucléaires de l'Iran si les sanctions pacifiques du Conseil de Sécurité devaient s'avérer inopérantes ? Et qu'en pense Ludovic Monnerat : un soldat a-t-il le droit de refuser de combattre au motif que la mission s'avérerait périlleuse ? Et à quel titre peuvent-ils juger de l'intérêt de celle-ci ?

Publié par Harry le 25 février 2007 à 22:54

Le primat de la politique sur le militaire est une composante essentielle de toute démocratie, et ne peut être remis en question que dans une situation extrême, lorsque la survie de l'Etat et/ou de la nation est en jeu. Tel n'est a priori pas le cas si l'on pense à une attaque militaire contre le programme nucléaire iranien (le processus décisionnel politique n'est naturellement pas traité ici). Et si les armées nationales se mettent à refuser les missions présumées périlleuses, alors on peut sans autre les supprimer et recourir à des sociétés militaires privées.

Quant à la nécessité d'avoir un plan B, j'imagine que le Pentagone doit avoir plusieurs lettres d'avance...

Publié par Ludovic Monnerat le 25 février 2007 à 23:46

"un soldat a-t-il le droit de refuser de combattre au motif que la mission s'avérerait périlleuse ?"


Ces officiers-généraux ne commettraient pas de refus d'ordre, étant donné qu'ils auraient démissionné, avant de recevoir l'ordre en question.

Rappelons qu'un officier-général américain n'est pas engagé mais "commissionné" et qu'il peut donc démissionner en tout temps, de son propre fait.


"Et si les armées nationales se mettent à refuser les missions présumées périlleuses, alors on peut sans autre les supprimer et recourir à des sociétés militaires privées."

Mais une armée NATIONALE se doit avant tout de protéger la NATION et ses intérêts et si des chefs militaires estiment qu'une aventure belliqueuse est contraire aux intérêts de la nation, c'est très positif qu'ils se manifestent, comme patriotes, face à un pouvoir civil stipendié.

"...alors on peut sans autre les supprimer et recourir à des sociétés militaires privées."

Cela me fait justement penser aux prétoriens romains qui prirent les armes contre l'empereur Néron et ses mercenaires germains, les Blackwaters de l'époque ;-)

Publié par fass57 le 26 février 2007 à 0:40

Billet intéressant, merci.

Vu de très loin, ces deux guerres semblent mal se passer, en tout cas durer bien plus longtemps que prévu, les armées occidentales y semblent insuffisamment efficaces, et les pouvoirs démocratiquement élus qu'elles soutiennent semblent fort fragiles.

Comment expliquer que les forces se concentrent sur l'une des deux guerres aux dépens de l'autre ? j'y vois deux raisons assez simples, autres que celles évoquées ci-dessus :

* la guerre en Afghanistan est, au regard du droit international, légale depuis le départ ;

* les forces que la coalition affronte en Afghanistan sont depuis le départ, et semblent rester actuellement, la base arrière du terrorisme international auteur des attentats du 11 septembre.

Certes, ces justifications n'ont rien de militaire, au sens où elles ne garantissent nullement que la guerre en Afghanistan soit en voie d'être gagnée.

Publié par FrédéricLN le 26 février 2007 à 23:09

"* la guerre en Afghanistan est, au regard du droit international, légale depuis le départ;"


Remarque intéressante, le candidat républicain à la présidence Ron Paul semble estimer que la guerre en Irak n'est, quant à elle, pas véritablement légale, au sens de la Constitution américaine, étant donné qu'il n'y a pas eu déclaration de guerre, avalisée par le Congrès.

http://www.youtube.com/watch?v=OEJJ1GHteLM&eurl=http%3A%2F%2Fdisinter%2Ewordpress%2Ecom%2F2007%2F02%2F26%2Fron%2Dpaul%2Don%2Dlou%2Ddobbs%2F

Il semble aussi estimer que cette guerre est non seulement illégale, mais contraire aux intérêts de la nation américaine.

A la différence de l'intervention en Afghanistan qui, elle, était légale et également justifiée. Ce qui ne donne évidemment aucun gage de succès, si l'on se rappelle que toutes les armées ayant guerroyé dans les montagnes afghanes, des russes aux anglais, jusque aux troupes d'Alexandre le Grand, s'y sont finalement cassé le nez!

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 10:24

La légalité ne devrait toutefois pas être le seul critère pour juger du bienfondé d'une opération militaire : une opération légale mais contre-productive et une opération illégale mais productive ne peuvent évidemment pas être comparées.

Quelqu'un peut-il m'expliquer la nécessité d'engager sans cesse davantage de troupes en Afghanistan, alors qu'une "simple" interdiction stratégique était l'objectif initial de l'opération ?

Publié par Ludovic Monnerat le 27 février 2007 à 11:11

"Quelqu'un peut-il m'expliquer la nécessité d'engager sans cesse davantage de troupes en Afghanistan, alors qu'une "simple" interdiction stratégique était l'objectif initial de l'opération ?"

Je souscris à cela à 200%

Il est grand temps que les puissances occidentales en reviennent à une raisonnable et efficace stratégie de type "Decatur", de contention active et de projection rapide: dissuasion - contre-attaque décisive si ladite dissuasion s'est révélée inopérante - retour rapide à la base. Avec une répétition du processus à l'encontre de l'agresseur, en augmentant proportionnellement la radicalité de la riposte, jusque à ce qu'il comprenne qu'il est préférable, pour sa propre survie, de rester tranquille.


Car l'occupation d'une terre radicalement étrangère est par principe destinée à l'échec, en étant en outre aussi dommageable à l'occupant qu'à l'occupé. On aurait beau occuper trente ans l'Afghanistan, on ne transformera jamais ce pays en une douce social-démocratie scandinave, tout en épuisant fondamentalement nos forces et en motivant les réactions de rejet (à contrario, la présence de forces étrangères de stabilisation dans les Balkans est nécessaire, parce que susceptible de faire vraiment évoluer la situation dans un sens positif, en raison du caractère de proximité, tant géographique que civilisationnel, du théâtre d'opération en question).

En effet, le fort qui se place en situation d'occupant se met forcément en position d'être réduit peu à peu à la faiblesse par le faible lui-même, en gros l'histoire de Gulliver entravé.

Il n'est jamais bon que les mondes se mêlent. Plutôt rechercher l'instauration de relations de bon voisinage, avec un respect mutuel distant; sans être naïf évidemment, donc en gardant l'arme au pied.


+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

"In May 1815, Commodore Decatur sailed his squadron of nine ships to the Mediterranean Sea to conduct the Second Barbary War, which put an end to the international practice of paying tribute to pirate states. Decatur was dispatched to Algiers to firstly, secure the release of American slaves, secondly, obtain an end to tribute, and finally, to procure favorable prize agreements.

Capturing the Algerian fleet flagship Mashouda as well as the Algerian brig Estedio in route to Algeria, Decatur secured an amount of levying power with which to bargain with the Dey of Algiers. Upon arrival, Decatur exhibited an early use of Gunboat Diplomacy on behalf of American interests. A new treaty was agreed to within 48 hours of his arrival, confirming the success of his objectives.

After resolving the disputes in Algiers, Decatur sailed his squadron to Tunis and Tripoli to demand reimbursement for proceeds withheld by those governments in the War of 1812. In a similar fashion, Decatur received all of the demands he asked of them, and promptly sailed home victorious."

http://en.wikipedia.org/wiki/Stephen_Decatur

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 11:51

Oui. Mais il faut tout de même prévenir le pire (le Soudan est un scandale). Et il faut aussi faire quelque chose pour répandre la démocratie (au sens profond du terme). Simplement, cela n'est pas la tâche d'une armée.

Publié par ajm le 27 février 2007 à 13:10

"Mais il faut tout de même prévenir le pire (le Soudan est un scandale). Et il faut aussi faire quelque chose pour répandre la démocratie (au sens profond du terme). Simplement, cela n'est pas la tâche d'une armée." (ajm)

Pas si sûr. Disons que la tâche d'une armée peut être une fonction initiale de transformation, en abattant la dictature, en introduisant ou en restaurant les libertés individuelles, ou même en portant simplement le combat sur le sol d'autrui. Répandre la démocratie n'est pas la tâche d'une armée, mais je vois mal une telle entreprise réussier sans, ça et là , des actions militaires ciblées sur les ennemis de la démocratie.

"Il n'est jamais bon que les mondes se mêlent. Plutôt rechercher l'instauration de relations de bon voisinage, avec un respect mutuel distant; sans être naïf évidemment, donc en gardant l'arme au pied." (fass57)

Trop tard, les mondes se sont mêlés dès lors que la circulation des hommes puis des idées ont augmenté dans des proportions immenses. Nous vivons au contraire à une époque où ces mondes, malgré leurs décalages culturels et temporels, se mêlent et s'interpénètrent. Avec toutes les frictions et tous les casus belli que cela entraîne. Et revenir à une séparation de ces mondes (je vous vois venir...) est techniquement impossible (je n'aborde pas l'aspect politique ou éthique).

Publié par Ludovic Monnerat le 27 février 2007 à 13:36

"Oui. Mais il faut tout de même prévenir le pire (le Soudan est un scandale). Et il faut aussi faire quelque chose pour répandre la démocratie (au sens profond du terme). Simplement, cela n'est pas la tâche d'une armée."

Pas d'accord.

Pour moi, une frontière nationale devrait toujours être une limite intangible, à la seule exception du cas de génocide avéré, où là une intervention militaire de l'étranger répond simplement à l'impératif moral le plus élémentaire. En l'occurrence, la non-intervention militaire du monde libre, face au génocide rwandais, pratiqué au vu et au sus de tous, restera pour la communauté internationale une tache indélébile, tout en prouvant par ailleurs que tout ce discours sur le "plus jamais ça" n'est qu'une monstrueuse hypocrisie, un outil politique de contention qui reste immobile, quand un véritable génocide se produit.

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 13:55

"Trop tard, les mondes se sont mêlés...."

Non, seul le monde occidental est devenu poreux, comme une sorte d'espace générique, de zone franche, de duty-free global, sans passé que l'on puisse revendiquer ou d'appartenance ethnique à laquelle se raccrocher. Dans 100 ans, l'Afrique sera toujours l'Afrique, la Chine sera toujours la Chine, mais le monde européen (j'y inclus les USA, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande etc).... sera t-il encore européen?

Non, ce mouvement est à sens unique, car il nous touche dans notre centre-même, alors qu'il ne fait qu'effleurer les limites extérieures, tant géographiques qu'ethno-identitaires, des blocs civilisationnels non-européens.

"Et revenir à une séparation de ces mondes (je vous vois venir...) est techniquement impossible (je n'aborde pas l'aspect politique ou éthique)."

Rien n'est jamais écrit dans le cours des événements, surtout que cette évolution est éminemment récente, moins d'une trentaine d'années, dans l'ampleur actuel du phénomène; ce qui ne représente rien au vu de l'histoire de l'Europe et du monde. Et rien ne dit non plus que nos modes de fonctionnements politiques et de représentations mentales actuels aient la moindre propension à durer éternellement.

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 14:10

Fass57: On peut aussi prévenir les génocides, et l'expérience indique que l'instauration de démocraties authentiques est le meilleur moyen d'y parvenir.

LM: Oui, l'armée est indispensable, nous sommes d'accord. Mais l'établissement d'une démocratie par une armée est en soi antidémocratique, car c'est toujours un processus descendant, alors qu'une démocratie authentique est un processus ascendant.

Entre parenthèses, l'instauration d'une démocratie par le haut et par la force peut fonctionner dans certains cas, notamment après la défaite totale d'un adversaire (Allemagne, Japon), mais c'est utopique avec les guerres modernes (de style occidental), où tout est fait pour éviter une défaite trop grave.

La construction du fondement de la démocratie, donc depuis le niveau de la population de base, est un projet civil pour lequel rien, ou presque, aucunes structures, aucune systématique, aucune expérience n'existe aujourd'hui. C'est un domaine d'étude entièrement nouveau, car il était tout simplement insensé d'envisager une telle entreprise (à l'échelle d'une nation) avant l'avènement des technologies de l'information. Aujourd'hui, cela commence seulement à être possible.

Et l'armée, la défense, sous des formes nouvelles, jouera sans doute un rôle crucial dans l'élaboration de ce domaine.

Publié par ajm le 27 février 2007 à 14:12

"Trop tard, les mondes se sont mêlés...."

Et ne parlons même pas des proportions.

Il n'y aura pas mélange, il y aura absorption, donc destruction.

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 14:16

Ah, Fass57, rejeton de Priam et d'Hécube...

Publié par ajm le 27 février 2007 à 14:28

"Fass57: On peut aussi prévenir les génocides, et l'expérience indique que l'instauration de démocraties authentiques est le meilleur moyen d'y parvenir."

Je crois que vous ne prenez pas le problème par le bon bout.

L'éventualité d'un processus génocidaire, ou de troubles ethniques plus limités, n'est pas directement relatif au mode de gouvernement de la zone concernée, mais à la présence, sur cette zone, d'ethnies antagonistes.

En considérant les événements actuels en Irak ou en se remémorant la guerre de Yougoslavie, on pourrait même dire que c'est un gouvernement autoritaire, et donc non-démocratique, qui est le plus capable de prévenir de tels troubles, en imposant par la force la paix civile, ou tout au moins un status-quo tendu.

L'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt ne disait pas autre chose en rappelant récemment que la multi-ethnicité ne peut être imposée que par un pouvoir autoritaire, en faisant fi de la vraie démocratie, de la volonté des peuples.


"Helmut Schmidt, the former German chancellor, has inflamed the country's debate on immigration by saying that multiculturalism can only work under authoritarian regimes."

"The concept of multiculturalism is difficult to make fit with a democratic society," he told the Hamburger Abendblatt newspaper."

""These problems could be overcome only by authoritarian governments, he added, naming Singapore as an example.

http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2004/11/25/wturk25.xml&sSheet=/news/2004/11/25/ixworld.html


Il suffit d'ailleurs de constater que l'imposition de la "diversité", dans nos pays, ne peut se faire sans tout un arsenal de lois, d'organismes de surveillance et de lourde propagande médiatique.

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 14:42

Il y a pire encore que les génocides -- les démocides, ce que font des gouvernements autoritaires en situation de crise.

Publié par ajm le 27 février 2007 à 14:49

Je ne préconise évidemment pas le maintien forcé, anti-démocratique et autoritaire d'ethnies différentes dans un même ensemble national. Non, je suis pour la séparation, si possible à l'amiable.

Je pense évidemment à la séparation de la Tchéquie et de la Slovaquie, exemple de maturité politique, qui ne fut probablement possible qu'à la faveur de la période de flou qui suivit la chute du Mur. Il est bien évident qu'aujourd'hui le Système forcerait les tchèques et les slovaques à l'union, au nom du Dieu "Diversité" et de la Déesse "Vivre-Ensemble".

On voit ce que cela donne avec le Kosovo. Le système force à vivre ensemble des gens qui ne veulent pas vivre ensemble, au-lieu de simplement imposer une séparation, les zones encore serbes rattachées à la Serbie et le reste du Kosovo, indépendant.

Il y a quelque chose de proprement religieux dans cette volonté de forcer le "vivre-ensemble".

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 14:59

Il y a quelque chose de purement naturel, en revanche, à ce que des gens se mélangent, certes à un rythme plus raisonnable que certains rythmes européens actuels, lorsqu'il le peuvent.

Et s'il est établi que les populations vivant en démocratie sont résistantes à la guerre et à la coercition, il n'existe aucun moyen connu d'empêcher un appareil de pouvoir autoritaire de tomber tôt au tard entre des mains incompétentes ou mal intentionnées.

Publié par ajm le 27 février 2007 à 15:04

Remarques générales.

1. En visant l'Islam, les Etats-Unis se trompent d'adversaire. L'Islam ne présente aucun danger pour le monde occidental (à supposer, d'ailleurs, que ce terme ait un sens). D'abord l'Islam n'est pas uni et il s'étend sur une aire vaste, géographiquement morcelée, et à tous points de vue hété-rogène. On rirait d'un théoricien musulman qui rangerait sous la même bannière l'Argentine, la Pologne, l'Autriche, la France et les Philippines au motif que ces pays sont majoritairement catho-liques. L'Indonésie, la Turquie et le Soudan, tous trois musulmans, n'ont rien à voir entre eux, ni pour la langue, ni pour le développement de l'économie, ni pour la forme de la société, ni pour l'histoire, ni pour les mœurs politiques. Au sein même de l'Islam, les pays arabophones n'arrivent déjà pas à s'entendre entre eux !

2. Dans le passé, les constructions politiques qui se sont montrées importunes pour leur entou-rage étaient en général groupées autour d'une entité étatique comprenant, en général, les élé-ments suivants : importante population et/ou économie dynamique, plus armée puissante, plus ressources naturelles, plus unité politique forte. Ce fut le cas, récemment, de l'URSS. Ce fut le cas, jadis, de l'Allemagne hitlérienne, et, avant, wilhelmienne. Ce fut le cas de la France de Na-poléon ou de Louis XIV, ou - un temps - des Etats de Charles Quint (d'ailleurs, l'échec de ce-lui-ci est révélateur), de l'empire de Charlemagne, etc. Seul un Etat taillé sur ce patron est capa-ble d'entraîner autour de lui une coalition.

3. Nul Etat, dans le monde musulman, ne répond à ces critères. Ni pour la population, ni pour l'économie, ni pour la science, ni pour la technologie, ni pour les multinationales (inexistantes), ni pour l'influence culturelle (langue, cinéma, livres, agences de presse). Ni pour les ressources natu-relles autres qu'énergétiques (et ce n'est même pas totalement vrai pour le pétrole) : la plupart se trouvent hors de l'aire musulmane, en Australie, en Afrique du Sud, en Amérique du Nord, en Russie, au Brésil. Même le charbon (considéré comme ressource de secours dans l'hypothèse d'une prochaine déplétion du pétrole) est concentré aux Etats-Unis, en Chine, en Russie, au Cana-da, en Ukraine, en Australie.

4. Pour la puissance militaire, les Etats-Unis représentent autant que le reste du monde réuni (fi-nancièrement et même matériellement). Derrière, l'OTAN en prend une bonne part. Derrière, les autres alliés des Etats-Unis : Japon, Israël, Australie, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, Sin-gapour, absorbent aussi une large part des ressources militaires mondiales. Quatre pays étran-gers à ces alliances (ou potentiellement adversaires des Etats-Unis), qui ont de fortes dépenses militaires, n'appartiennent pas à l'aire musulmane : Chine, Russie, Inde, Vietnam. Même le Pa-kistan, seul pays musulman à posséder l'arme nucléaire, est largement surclassé par son voisin indien. Enfin, jusqu'à ce jour, aucun pays musulman n'est producteur d'armes lourdes : avions, blindés, artillerie, unités de haute mer, sous-marins, systèmes de détection globaux. Quel est le poids militaire des Etats musulmans ? Peanuts !

5. Les affaires afghanes et irakiennes sont mal engagées, du seul fait que, financièrement, le coût de ces guerres est prohibitif (de combien peut être le ratio entre un soldat allemand de l'OTAN et un taliban ?). Et sans résultats probants : on l'a vu, ce matin même, par l'attentat contre le vice-président Cheyney, à l'entrée de la base afghane qu'il visitait, et alors même que sa venue avait été tenue secrète ! Le général Peter Pace, chef d'état-major de l'armée américaine, avertissait ré-cemment que l'armée américaine, à raison de ses engagements proche-orientaux, risquait de ne plus être en mesure de faire face à une crise éventuelle qui éclaterait ailleurs dans le monde. Pen-dant que les Etats-Unis s'épuisent en Irak et en Afghanistan, la Chine se muscle et la Russie se re-fait une santé. En 1989, on disait sarcastiquement aux Etats-Unis : «la guerre froide est terminée, le Japon l'a gagnée». D'ici quelques années, les Etats-Unis ne pourront même plus, de très loin, risquer semblable plaisanterie!

Publié par Albert le 27 février 2007 à 15:23

Les États-Unis ne visent pas l'Islam et c'est leur principale erreur.

L'Islam est potentiellement la plus formidable puissance militaire de l'histoire de l'humanité et ses combattants sont répartis sur la terre entière (y compris dans nos armées). Si un caliphe se lève, s'impose et donne ses ordres, il sera extrêmement difficile de limiter les dégâts.

Publié par ajm le 27 février 2007 à 15:29

"Il y a quelque chose de purement naturel, en revanche, à ce que des gens se mélangent..."

Je crois exactement le contraire, d'abord en prenant en compte notre condition de mammifère, d'animal territorial. Ensuite en me référant à la mécanique immémoriale des peuples.

C'est quasiment une loi entropique, on est toujours attiré en premier lieu par le semblable, par ce qui est reconnaissable comme proche. C'est d'ailleurs ce qui garantit la cohérence d'un clan, d'un peuple, d'une nation, d'une civilisation.

La religion de l'Autre, comme absolu indépassable, n'est en fait qu'un culte fort récent et, je le répète, limité à la sphère occidentale (qu'il serait intéressant d'analyser le pourquoi de la chose).

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 15:42

"Si un caliphe se lève, s'impose et donne ses ordres, il sera extrêmement difficile de limiter les dégâts."

Ne pas voir que nos problèmes avec l'islam résultent d'une politique migratoire irresponsable, mais croire au retour de l'imam caché, me paraît être une attitude peu sérieuse.

Publié par fass57 le 27 février 2007 à 15:53

Dans une société libre, il y aura toujours suffisamment de gens qui ne croient pas comme vous pour qu'un certain mélange ait lieu.

L'imam caché, un personnage mythique et purement religieux, ne serait que le guide des Chiites. Un caliphe peut être un personnage politique. Et le sérieux du phénomène ne dépend que de la foi des Musulmans... en l'Islam.

Publié par ajm le 27 février 2007 à 15:56

Pour rester plus dans le sujet de M. Monnerat.

Les références aux pertes islamistes, mentionnées sur le site drzz (dernier paragraphe), ne me semblent pas convaincantes.

1. Il n'est pas certain (comme dans toute guérilla) que les morts ne comprenaient que des combat-tants. Comme partout où la lutte se déroule au sein d'une population (et non entre deux armées identifiées, comme aux Malouines) ces morts comprenaient certainement une proportion non né-gligeable de civils.

2. Même si, en valeur absolue, les pertes comptées comme «terroristes» sont plus élevées que cel-les des Etats-Unis et de leurs supplétifs, cela ne signifie rien : il faut les rapporter à une autre unité. Dans le cas des Etats-Unis, c'est précis : il s'agit d'une armée qui tient bien ses comptes. Dans le cas de l'Irak, à quoi rapporter ces pertes ? A l'ancienne Garde Républicaine de Saddam Hussein ? A Al Qaida ? A la communauté sunnite ? A la population irakienne ? Aux volontaires potentiels des pays voisins ? A l'ensemble du monde musulman ? La seule action des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, leur soutien inconditionnel à Israël suscite, dans le monde musulman, une animo-sité qui leur garantit un flot presque inépuisable d'adversaires!

3. Le rapport des pertes, dans une guerre de guérilla, ne signifie rien. Durant la guerre d'Espagne de Napoléon, les Espagnols ont perdu plus de monde que les troupes françaises. Le Vietminh a perdu plus de monde que l'armée française, comme le FLN algérien. Au Vietnam, durant la guerre améri-caine, les opérations Phoenix, Junction City, Attleboro, Cedar Falls, etc., les deux offensives viet-namiennes de 1968 (celle du Têt et celle de mai - passée inaperçue des Français et pour cause), celle de 1972, ont été des saignées pour le FLN et l'armée nord-vietnamienne. Il n'empêche qu'à chaque fois le résultat a été le même : l'armée d'occupation a dû plier bagage.

4. Une guerre nationale (ou populaire, ou de guérilla) ne s'apparente pas au jeu de dames, où le vainqueur est celui qui remporte le plus de pièces. Si on veut faire une comparaison (même ap-proximative) il vaudrait mieux parler d'échecs. Une seule pièce doit être prise (ou, plutôt, mise en échec), le roi. En l'occurrence, le facteur décisif est l'enjeu que l'on place dans l'affaire et, partant, le prix que l'on consent à y mettre. Or, comme au Vietnam, les Etats-Unis (et encore moins les pays qui les suivent, chaque mois moins nombreux) n'y mettront pas le prix car ils ont la convic-tion (fondée au demeurant) que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Il ne s'agit pas d'une lutte exis-tentielle : pas plus Al Qaida que l'islamisme ne les menacent.

5. Ce qui est fascinant, c'est d'assister, 40 ans après, au retour des mêmes schémas mentaux : au point de vue militaire, au Vietnam, c'était les B-52, l'artillerie lourde, les hélicoptères. Aujourd'hui, en Irak, c'est l'utilisation des canons automoteurs de 155 mm Paladin. En pleine zone urbaine ! Contre des unités ne dépassant pas la poignée d'hommes ! Au Vietnam, les Etats-Unis ne devaient absolument pas perdre car la «chute» du Vietnam entraînerait un effet domino qui se «propagerait» en Thaïlande, Malaisie, en Indonésie, aux Philippines, en Inde, etc. En 1975, les Américains ont perdu et que s'est-il passé ? Rien. Le basculement s'est cantonné aux pays dans lesquels ils avaient entretenu la guerre. Que s'imaginent les néo-conservateurs américains (et leurs épigones de par le monde) ? Que, s'ils quittent l'Irak, Al Qaida va affréter des porte-avions pour les suivre en Floride ?

Publié par Albert le 27 février 2007 à 16:57

Je reviens sur ce paragraphe qui me semble discutable :

**3. Le rapport des pertes, dans une guerre de guérilla, ne signifie rien. Durant la guerre d'Espagne de Napoléon, les Espagnols ont perdu plus de monde que les troupes françaises. Le Vietminh a perdu plus de monde que l'armée française, comme le FLN algérien. Au Vietnam, durant la guerre améri-caine, les opérations Phoenix, Junction City, Attleboro, Cedar Falls, etc., les deux offensives viet-namiennes de 1968 (celle du Têt et celle de mai - passée inaperçue des Français et pour cause), celle de 1972, ont été des saignées pour le FLN et l'armée nord-vietnamienne. Il n'empêche qu'à chaque fois le résultat a été le même : l'armée d'occupation a dû plier bagage.**

Techniquement, l'armée française en Algérie n'était pas une armée d'occupation puisque l'Algérie faisait partie de la France depuis plus d'un siècle, soit plus que Nice par exemple, et que ce fait était reconnu par les autres pays. La comparaison de la guerre d'Algérie avec le Vietnam/Indochine ou même la guerre d'Espagne ne tient pas la route devant les spécificités de ce conflit : multiculturalisme, forte population européenne, proximité géographique...

En outre, l'armée française est partie bien après 1962, puisqu'elle disposait encore de la base de Mers El Kebir mais aussi des installations pour les essais nucléaires et devait faire respecter les accords d'Evian, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas fait. Enfin, ce n'est pas la guerilla et le terrorisme du FLN qui ont fait que la France s'est séparé de l'Algérie, puisque sur le plan militaire il s'agit d'une victoire française avec la bataille d'Alger, la "bleuite" et l'écrasement complet de l'insurrection. C'est la pression conjointe des USA, de l'URSS, et surtout le réalisme économique qui voulait que la métropole se sépare de ce boulet financier qu'était l'Algérie si elle voulait avoir une croissance comparable aux autres pays européens, suivant par là le modèle du "paradoxe hollandais".




Bà V.

Publié par Dario le 27 février 2007 à 18:35

Je m'écarte un instant du sujet de M. Monnerat pour répondre à Dario.

- L'occupation de l'Algérie (de 124 ans au moment de l'insurrection) par la France n'en a pas fait pour autant une terre française. Les Pays-Bas ou l'Italie, pour avoir été occupés plus longtemps par l'Espagne puis par l'Autriche, n'en sont pas pour autant devenus espagnols ou autrichiens. La guerre d'Algérie a bien été une guerre : coloniale pour la France, de libération pour les Algériens.

- C'est jouer sur les mots que de dire que la guerre d'Algérie a été gagnée militairement et perdue politiquement. Seul le résultat compte. Ceux qui ont déclenché l'insurrection de Toussaint 1954 voulaient l'indépendance : 8 ans plus tard, ils l'ont eue. La France a lâché prise parce qu'elle ne pouvait plus supporter les pertes de ses soldats et le coût afférent du maintien de son armée. Sans soulèvement, pas de pertes militaires, pas de lassitude de la population, pas de pressions internatio-nales, pas de boulet financier, pas de chute de la IVe République, pas d'accords d'Evian. Si les Al-gériens avaient continué à courber le dos, nous y serions encore!
Bà V

Publié par Albert le 27 février 2007 à 20:14

"L'occupation de l'Algérie (de 124 ans au moment de l'insurrection) par la France n'en a pas fait pour autant une terre française."


C'est exact, trop souvent l'on confond l'appartenance administrative ou politique avec l'appartenance charnelle et identitaire, qui prime évidemment.

En effet, de même que l'occupation de la France en Algérie n'a pas transformé ce pays en une terre française, inversément l'installation de magrébins en France ne devra jamais transformer la terre française en une extension de l'Afrique.

Le colonialisme est toujours à condamner, dans les deux sens. Et de même que les algériens et les autres ressortissants de pays africains ont fini par reconquérir leurs territoires, demain les européens devront faire de même, en cessant également, comme vous l'avez si bien dit, de courber le dos face à l'occupant.


Publié par fass57 le 27 février 2007 à 23:01

Albert, j'ai quelques légers désaccords, surmontables, à vous lire :

**- L'occupation de l'Algérie (de 124 ans au moment de l'insurrection) par la France n'en a pas fait pour autant une terre française. Les Pays-Bas ou l'Italie, pour avoir été occupés plus longtemps par l'Espagne puis par l'Autriche, n'en sont pas pour autant devenus espagnols ou autrichiens. La guerre d'Algérie a bien été une guerre : coloniale pour la France, de libération pour les Algériens.**
Les Pays-Bas ou l'Italie n'étaient pas des colonies de peuplement espagnoles ou autrichiennes, mais des territoires qui changeaient fréquement de souverain selon une logique héritée du féodalisme, et à une époque où le concept de nation ne trouvait pas forcément de traduction institutionnelle ailleurs qu'en France. A l'inverse, l'Algérie s'était clairement européanisée par l'apport de populations méditerranéennes surtout originaires d'Italie et d'Espagne, mais aussi de français isus de Corse et d'Alsace. Il est une chose de contrôler un territoire par sa puissance publique et ses institutions, il en est une autre de le transformer profondément sur le plan ethnique et culturel, au point que oui, l'Algérie était une terre en partie française, et pas seulement par la création de trois départements, mais par le fait que plus d'un million d'européens y vivaient. C'était une terre multiculturelle dans laquelle les pieds-noirs étaient tout aussi chez eux que les berbères, de même que les descendants d'Italiens sont tout aussi chez eux en France que les héritiers des gaulois. L'opposé aboutit à des conceptions "chimiquement pures" de la nation qui ne sont pas les miennes, et dont la logique terminale est la purification ethnique.

**- C'est jouer sur les mots que de dire que la guerre d'Algérie a été gagnée militairement et perdue politiquement. Seul le résultat compte. Ceux qui ont déclenché l'insurrection de Toussaint 1954 voulaient l'indépendance : 8 ans plus tard, ils l'ont eue. La France a lâché prise parce qu'elle ne pouvait plus supporter les pertes de ses soldats et le coût afférent du maintien de son armée. Sans soulèvement, pas de pertes militaires, pas de lassitude de la population, pas de pressions internatio-nales, pas de boulet financier, pas de chute de la IVe République, pas d'accords d'Evian. Si les Al-gériens avaient continué à courber le dos, nous y serions encore!**


Je ne suis là encore pas d'accord avec vous. :)

- Le problème de ce qui nous occupe est que le résultat n'est pas forcément en rapport avec les moyens employés. Ce n'est qu'incidemment, et pas directement, que le lien de causalité entre la volonté d'indépendance et cette dernière peut être établi.
- La France n'a pas lâché prise à cause de ses pertes relativement faibles comparées au FLN, ou du coût d'une armée de conscrits, ni même de la lassitude de la population, mais plutôt à cause d'un choix de nature économique entre soit le développement de la métropole sans la colonie, soit le rattrapage de la colonie sur la métropole. Le coût du rattrapage était tel que s'il avait été réalisé, la France n'aurait jamais connu les trente glorieuses et se trouverait alors aujourd'hui au niveau de la Grèce des années soixante. C'est pour cela que Paul Delouvrier, le résident général en Algérie, explique dans ses mémoires qu'il payait pendant la guerre le FLN pour que les approvisionnements en hydrocarbures ne tarissent pas, sachant que cet argent était utilisé au final pour acheter des armes qui tuaient des appelés français. Le choix économique a été très rapidement opéré, mais il a pris du temps pour être implémenté au niveau du discours politique. Toute autre considération hors du choix économique est secondaire.
- Le caractère de "boulet financier" de l'Algérie n'est donc pas lié à la guerre, mais au fait que cette colonie rapportait à peine un tiers de ce qu'elle coûtait à la métropole. La colonisation de l'Algérie n'a jamais été une affaire rentable pour l'Etat.
- Ce n'est pas jouer sur les mots que de dire qu'un conflit peut être gagné militairement et perdu politiquement ; cela à un sens pour les armées et pour les soldats qui se sont battus, mais c'est surtout est un objet d'analyse d'une importance stratégique pour la conduite de la guerre à notre époque, vous en conviendrez aisément.
- Vous écrivez que "si les A-gériens avaient continué à courber le dos, nous y serions encore". Mais l'insurrection n'a été que très marginalement suivie par la population algérienne ! Il faut se rappeler que les premiers motifs de l'insurrection n'ont pas porté sur une indépendance, ni même sur une autonomie, mais sur la revendication d'être "citoyen à part entière", c'est à dire d'être tout aussi français que les européens d'Algérie. Il faut se souvenir des manifestations de 1960 à Alger avec pieds-noirs et musulmans côte à côte. Ce n'est que sur le long terme, et après 1960, que la population musulmane, lassée des exactions commises par l'armée française et par le FLN, s'est mise progressivement et majoritairement à souhaiter l'indépendance. Il faut dire que les modérés ont été mis de côté sans aucune délicatesse. Les actions de l'OAS en outre ont véritablement monté les populations les unes contres les autres et ont donné ce caractère de "guerre civile" ou de "guerre tripartite" qui rend ce conflit plus difficilement lisible a posteriori que d'autres. Il faut aussi se souvenir des manifestations de 1960 à Alger avec pieds-noirs et musulmans côte à côte ; la construction de l'identité nationale algérienne est très tardive, et sa diffusion date des années 60. Enfin, il est évident que de toute les façons l'Algérie serait devenue indépendante, que le FLN ait fait exploser des bombes dans les cafés ou pas ; car cette colonie était incroyablement coûteuse
et sacrifiait le décollage de la métropole, et les pressions surtout américaines, résultat de la libération de l'Europe, rendaient absurde la conservation de l'Algérie française.


Bà V

Publié par Dario le 28 février 2007 à 0:16

J'ai quelque peu "buggé" dans mon dernier commentaire ; merci de ne pas m'en tenir rigueur, il est tard. :)

Publié par Dario le 28 février 2007 à 0:21

Remarque brève.

Je prends acte des objections de Dario et de Fass57. Toutefois - et malgré que j'en aie ! - je choisis de ne pas leur répondre. Par égard envers l'hôte du blog, il me semble que les désaccords devraient pouvoir s'exprimer en s'accrochant au thème initialement fixé, sans dériver en discussions qui re-font le monde. L'exercice, par sa difficulté (oulipienne ?) devrait même stimuler l'esprit ! Je salue au passage l'urbanité de mes interlocuteurs et la qualité de leur écriture.
Albert

Publié par Albert le 28 février 2007 à 0:54

Voilà , me semble-t-il, le débat stratégique correctement situé : puisque l'ennemi (génocidaire ou quasi : al Qaïda) est clairement identifié, et sa menace aussi, quel est son objectif, quelle est sa stratégie, comment les contrer ? Sur quel terrain peut-on le vaindre ?

Publié par FrédéricLN le 28 février 2007 à 8:24

L'effort central, concerté, doit viser à saper ce qui inspire et solidarise l'ennemi: la crédibilité de l'Islam. Le reste est affaire de lutte contre la criminalité.

Publié par ajm le 28 février 2007 à 11:17

Remarque 4.

Dans son deuxième paragraphe, M. Monnerat présente, comme allant de soi, la relation entre les at-tentats du 11 septembre 2001 et la campagne d'Afghanistan lancée par les Américains. Cette don-née semble admise par plusieurs contributeurs. Est-elle pour autant évidente ? On peut en douter!

1. A supposer que le commanditaire, Oussama Ben Laden, se fût trouvé sur le sol afghan avant et pendant les opérations contre New York et Washington, cela suffit-il à prouver que les conjurés avaient un lien nécessaire avec l'Afghanistan ? Rien n'est moins sûr. Pour choisir les lieux de l'attentat, pour s'entraîner, pour passer inaperçu, rien n'était moins indiqué que l'Afghanistan. Qu'est-ce qui peut être plus dissemblable d'une ville afghane que New York ou Washington ? Au contraire - et les enquêtes ultérieures l'ont montré - une bonne préparation d'attentat exige de se fondre dans la vie locale (comme d'ailleurs à Madrid ou à Londres).

2. L'argent ayant financé les attentats provenait-il des talibans (et, notamment, du trafic de drogue) ? Là non plus, rien n'est moins sûr. Le commanditaire supposé, Oussama Ben Laden, était, personnel-lement assez riche pour financer des attentats qui, au demeurant, ont été assez bon marché. L'entretien des 19 terroristes sur le sol américain (et ailleurs) durant 2 ans aurait coûté entre 400.000 et 500.000 dollars. C'était une somme tout à fait à la portée d'un milliardaire comme Oussama Ben Laden. Par ailleurs, le coût général des attentats est faible et les sources de financement ne manquent pas, provenant soit du monde musulman lui-même, soit d'Europe, voire des Etats-Unis.

[2 bis. Incidente. Au demeurant, l'ingénierie de ce financement (banques, paradis fiscaux, Internet, usages de moyens modernes comme les cartes de crédit) repose plus sur le niveau de développe-ment technologique des Etats-Unis que de l'Afghanistan. Et il y repose même de façon fondamen-tale, juridiquement, l'argent des attentats ayant transité par des banques off-shore, qui sont au cœur de la mondialisation libérale, dont les Etats-Unis sont par ailleurs les promoteurs et les champions. L'argent n'a pas été transporté à New York à dos de chameau!].

3. Le fanatisme des conjurés a-t-il été nourri dans les officines afghanes ? Quel besoin ces conjurés avaient-ils de se rendre dans ce trou perdu ? Les lieux d'endoctrinement ne manquent pas, à commen-cer par les madrasas pakistanaises, implantées au vu et au su de tout le monde, sur le territoire d'un gouvernement officiellement allié des Etats-Unis... Et, au demeurant, les convictions se forgent par-tout, y compris - on l'a vu pour Madrid et Londres - au cœur même des métropoles européennes.


4. A quoi était censée servir l'opération en Afghanistan ?

- A éradiquer une base de terroristes ? Mais c'est au point d'arrivée, pas au point de départ, qu'il faut éliminer les terroristes ! Agir sur un lieu aussi lointain est aussi logique que de chercher à extraire une dent de sagesse par le rectum! Au demeurant, le point de départ étant aussi vaste que le monde musulman lui-même, mieux vaut, par principe d'économie, agir sur les lieux de destination.

- A désorganiser l'ingénierie du terrorisme ? Mais celle-ci se sert des instruments mêmes mis à sa disposition par la société capitaliste : réseau bancaire, Internet, téléphone portable, avions de ligne. Une action efficace contre le terrorisme nécessiterait la levée universelle du secret bancaire et la ré-ponse immédiate aux réquisitions transfrontières des procureurs et services fiscaux de tous les pays. Ce qui serait remettre en cause un des piliers de la mondialisation libérale ! Fondus dans le bol des paradis fiscaux, les revenus de la drogue, du trafic d'armes, du banditisme, du proxénétisme, de la fraude fiscale et du terrorisme sont aussi indissociables les uns des autres que peuvent l'être le jaune d'œuf de l'huile dans la mayonnaise!

- A mettre un terme aux attentats contre les intérêts des Etats-Unis ou de leurs alliés ? Mais les atten-tats n'ont pas cessé d'avoir lieu : à Madrid, à Londres, à Bali, à Istanbul, à Casablanca!

- A reconstruire un Etat afghan ? Mais l'autorité du gouvernement s'arrête aux portes de Kaboul ! Le «gouvernement» afghan doit partager son pouvoir avec les seigneurs de la guerre (Ismaïl Khan, Abdul Rachid Dostom!) ! A développer une culture de l'Etat de droit ? Le gouvernement afghan doit partager son influence avec les seigneurs de la guerre et touche les revenus de la drogue ! A éra-diquer le trafic de drogue ? Il a repris de plus belle depuis la chute des talibans ! A restaurer le mal-heureux Afghanistan, ravagé par les guerres depuis au moins 1973 ? Les pays donateurs (à com-mencer par les Etats-Unis) ne se pas montrés à la hauteur de leurs promesses de dons! A redonner aux femmes leurs droits éliminés par les talibans ? Les seigneurs de la guerre (et même certains des partis au pouvoir à Kaboul) ne se montrent pas exagérément féministes! [Et, par parenthèse, ce fut sous l'occupation soviétique que les femmes eurent le plus de droits, comme elles en eurent davan-tage sous Saddam Hussein que dans les monarchies du Golfe, alliées des Etats-Unis]. Eliminer les talibans ? Mais ceux-ci sont de plus en plus prospères : guérilla vivace dans le Waziristan, attentat à Bagram durant la visite du vice-président Cheyney!

A tous ces égards, c'est un euphémisme de dire que l'occupation militaire de l'Afghanistan est un échec. En revanche, la prise de possession de grandes bases aériennes, équidistantes de la Chine, de l'Inde, de la Russie, du Pakistan et des sources pétrolières du golfe arabo-persique s'avère autrement intéressante!

Publié par Albert le 28 février 2007 à 11:27

Pour Albert, vous avez lut ma remarque sur un vos points concernant le Maine ?

Publié par Frédéric le 28 février 2007 à 14:03

Re point 1 d'Albert: http://ajm.ch/wordpress/?p=259

Clip 1
Discours de Ben Laden le 8 janvier 2000, devant une centaine de membres d'Al-Qaida réunis à la base de sa famille, à Tarnak, près de l'aéroport de Kandahar, en Afghanistan. Jolie scène de famille.

Clip 2
Parmi les personnes présentes, on reconnaît Ramzi Binalhibh, le coordinateur des attentats du 11 septembre. Il partageait un logement à Hambourg avec Mohammed Atta, le leader de l'équipe de terroristes suicidaires.

Clip 3
Mohammed Atta, accompagné d'un AK-47, joue avec un chapeau de pachtoune et lance des regards ironiques à la caméra en se préparant à lire ses dernières volontés. Il était dans l'avion qui s'écrasa dans la tour nord du WTC.

Clip 4
Ziad Jarrah, un Libanais, rejoint Atta pour une bonne partie de rire. Jarrah a également vécu à Hambourg mais il avait l'ordre de ne pas y être vu avec Atta. Ce sont probablement les seules images des deux hommes ensemble.

Clip 5
Jarrah nous lit ses dernières volontés. Il pilotait le vol de United Airlines 93, qui visait le Capitole, à Washington, mais qui s'écrasa avant d'atteindre sa cible, grâce à l'intervention des passagers. Comme quoi, il y a peut-être un ange pour les institutions démocratiques.

Publié par ajm le 28 février 2007 à 14:06

Deux réponses.

A Frédéric.

J'ai effectivement lu votre réponse concernant les officiers du Maine. Je n'y ai pas répondu pour les raisons que j'indiquais : de fil en aiguille, on en examine l'univers entier et on perd de vue le sujet initial. Mais je ne me dérobe pas à la controverse. Je vous réponds en essayant d'être concis.

1. Pour les officiers, je vous en donne acte. Néanmoins, cela n'épuise pas le fond du problème, à sa-voir le doute sur l'imputabilité de l'explosion. On peut évoquer trois hypothèses :

- Ce sont les Espagnols qui firent le coup. Mais pourquoi auraient-ils été assez fous pour provoquer une puissance bien plus peuplée, bien plus riche, bien plus dynamique, bien mieux armée, beaucoup plus proche d'eux que Cuba et qui ne cachait pas ses visées sur l'île ?
- L'explosion fut accidentelle. Mais alors, pourquoi les Américains refusèrent-ils la commission mixte d'enquête proposée par les Espagnols ?
- Les Américains firent le coup. Admettons qu'on ne puisse le prouver. Mais l'histoire du Maddox, en 1964, et la comédie des «armes de destruction massive de Saddam Hussein» peuvent laisser pen-ser que les dernières machinations avaient eu des précédents!

2. Au-delà de l'affaire du Maine, il y a toutes les visées, qui conduisirent à la fois à l'extorsion de la base de Guantanamo, aux diverses occupations de l'île jusqu'en 1934, à la transformation de celle-ci - sous Battista notamment - en casino et en lupanar des Etats-Unis (pas le seul lupanar, mais un lu-panar quand même). Il y eut aussi, au-delà de Cuba, la mainmise sur les Philippines (qui n'étaient pas voisines de Cuba!). Supposons que les Américains aient vraiment eu des visées anticolonialis-tes. Pourquoi, aux termes du traité de Paris du 12 décembre 1898, auraient-ils alors acheté les Phi-lippines pour 20 millions de dollars aux Espagnols plutôt que de laisser l'archipel indépendant ? Pourquoi ne remirent-ils pas le pouvoir au président Aguinaldo ? Pourquoi y expédièrent-ils une armée pour réprimer la rébellion, armée qui fit entre 200 000 et 600 000 morts ? Pourquoi l'archipel ne recouvra-t-il son indépendance! qu'en 1946 ? Rappelons que la visée initiale des Etats-Unis à Cuba était anticolonialiste...

Résumons : Cuba + les Philippines + Guam + Porto Rico + la base de Guantanamo à titre emphy-téotique. Eu égard aux gains, l'investissement initial en vie humaines de quelques marins (et même officiers) n'était-elle pas «rentable» ? Avouons que la tentation a dû être grande!

Pour finir : j'aimerais mieux discuter de cela dans un autre cadre. Si nous devons nous opposer, il serait préférable que ce soit dans le cadre fixé par M. Monnerat.

A ajm

La présence des divers terroristes en Afghanistan, aux côtés de Ben Laden ne constitue pas vraiment une objection à mon point 1.

1. La préparation effective, le repérage des lieux, l'entraînement au pilotage d'avions, l'usage de «couvertures», bref la partie «efficace» du complot n'a pu se dérouler en Afghanistan mais en Occi-dent. De quelque endroit qu'ils soient venus auparavant (du Soudan, du Yémen, du Pakistan!), ils ne pouvaient accomplir leur mission que sur place. Au demeurant, vous signalez vous-même que Jarrah et Atta se trouvaient ensemble à Hambourg. S'ils étaient restés toute leur vie en Afghanistan, ils n'auraient pas fait grand mal au World Trade Center!

2. L'imputabilité de l'Afghanistan (je dis bien de l'Afghanistan) dans la genèse des attentats n'est pas plus grande (voire moins) que celle de l'Arabie saoudite, dont étaient originaires un certain nombre de terroristes et Ben Laden lui-même, qui - si mes souvenirs sont bons - y avait également sa famille, des amis et des relations. Or, à moins que des épisodes ne m'aient échappé, je n'ai pas souvenir que les Etats-Unis aient bombardé l'Arabie saoudite.

3. Cela, au demeurant, n'invalide pas les points ultérieurs que je soulève.

Publié par Albert le 28 février 2007 à 16:51

Pour Albert, connaissiez vous la situation politique de l'époque ?

Je vous suggére de lire l'article ci dessous :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_hispano-américaine

J'y est résumé dans les deux premiers chapitres les infos collectés sur quelques ouvrages traitant de la politique intérieure outre Atlantique, cela est beaucoup plus complexe que les raccourcis que l'on nous abreuve sur la question.

Et quand on balance des contre-vérités, cela décridibilise beaucoup le discours, ce n'est pas vous qui allez me dire le contraire.

Concernant les "théories du complot", je ne peux que me référez à l'article d'Alexander Cockburn, un journaliste de "gauche" :

http://www.monde-diplomatique.fr/2006/12/COCKBURN/14270

J'adore la derniére partie :

Dans son livre sur les services secrets britanniques, Richard J. Aldrich décrit la façon dont un rapport du Pentagone a recommandé que des documents relatifs à l'assassinat de Kennedy, tout juste déclassifiés, soient mis sur Internet. L'objectif visé ? « Apaiser le désir incessant du public de connaître des "secrets" en lui procurant de la matière à diversion. » Et Aldrich ajoute : « Si les journalistes d'investigation et les spécialistes de l'histoire contemporaine consacrent tout leur temps aux questions à la fois inextricables et usées jusqu'à la corde, on les verra moins sur les terrains où ils ne sont pas les bienvenus (6). » Ne peut-on pas alors imaginer que la Maison Blanche se réjouit des obsessions relatives au « complot » du 11-Septembre, lesquelles détournent l'attention des mille et une réelles manigances du système de domination actuel ?

Publié par Frédéric le 28 février 2007 à 17:15

Albert, la fermeture des camps d'entraînement terroristes en Afghanistan est un objectif sur lequel la majorité des nations s'est accordée. Il suffit de lire un article comme celui-ci pour comprendre pourquoi.

Publié par Ludovic Monnerat le 28 février 2007 à 17:29

Et en Arabie Saoudite, on pouvait compter sur la (majeure partie de) la famille royale, puisqu'elle était également visée par les terroristes saoudiens en question.

Publié par ajm le 28 février 2007 à 17:30

A Frédéric.

J'ai lu attentivement le lien vers Wikipedia que vous m'avez communiqué. Les remarques que je formulerai à son propos sont les suivantes :

1. En supposant que l'explosion du Maine ait été accidentelle, elle n'aurait justement pas dû entraî-ner la guerre ! A soi seul, un attentat ne suffit pas à déboucher sur une guerre. Pas plus l'assassinat du roi Alexandre de Yougoslavie (avec celui du président Barthou), que celui du chancelier Doll-fuss, tous les deux en 1934, ne débouchèrent sur la guerre. Ni l'état des alliances, ni celui des opi-nions publiques n'y offraient des conditions favorables. Si cette guerre eut lieu, c'est qu'elle y ren-contra une opinion publique américaine chauffée à blanc.

2. Lorsque je lis : «en refusant la plus importante des exigences américaines, l'Espagne acceptait l'éventualité d'une guerre avec les Etats-Unis», phrase dont je suppose que vous la reprenez à votre compte, j'ai le sentiment que vous inversez l'ordre des responsabilités. Cette entrée en guerre ressem-ble à celle qui eut lieu 16 ans plus tard, et qui déboucha sur le premier conflit mondial. Après l'attentat de Sarajevo, le gouvernement de Vienne adressa un ultimatum en 10 points au gouvernement serbe. Le point 6 stipulait que des enquêteurs austro-hongrois opéreraient sur le sol serbe. C'était là attenter directement à la souveraineté serbe et le gouvernement austro-hongrois n'avait formulé cette exigence que dans l'idée qu'elle serait rejetée, ce qui lui permettrait de déclarer la guerre. Et c'est ce qui advint. [Source : Vladimir Dejider, «La route de Sarajevo», Gallimard, Paris 1969, pp. 410 et 411].

3. En posant comme exigence l'indépendance de Cuba, c'est-à -dire ce contre quoi l'Espagne se battait, les Etats-Unis ne pouvaient que s'attendre à ce que leur demande fût rejetée ! Autant valait demander à l'Espagne de capituler immédiatement ! Or, pour Montesquieu: "le véritable respon-sable d'une guerre n'est pas celui qui la déclare, mais celui qui la rend inévitable". [Pour la source, je passe - elle est à votre disposition]. En l'occurrence, même si ce fut l'Espagne qui, for-mellement, déclara la guerre, la responsabilité en incomba bien aux Etats-Unis.

4. J'ai lu, en son temps, l'article d'Alexandre Cockburn (je connais aussi mes classiques!). Comme je l'ai dit par ailleurs -et en dépit de ce que certains, sur ce blog, se sont imaginé - je regarde avec sus-picion les informations du réseau Voltaire.

5. Que la volonté impérialiste n'eût pas été consciente aux Etats-Unis à cette époque (comme il est dit dans Wikipedia) n'implique pas pour autant qu'elle n'existait pas. A preuve les restes de l'empire colonial espagnol, transféré - sans armes mais avec bagages - directement de l'Espagne aux Etats-Unis. Pourquoi ces restes ne furent-ils pas laissés à leur indépendance, alors qu'existaient, sur place, des mouvements d'émancipation nationaux ?

A M. Monnerat

Formellement, je pourrais ergoter, et dire que l'opinion de la majorité des nations (quelle majori-té ? Et de quelles nations ?) ne forme en soi ni un argument juridique ni un argument de rationali-té. Mais je reconnais que cette manière de procéder relève de la mauvaise foi (ou de l'épuisement du débateur). Je préfère avancer les points suivants :

1. La modalité choisie était-elle la meilleure ? Au vu de ce qui s'est passé depuis (attentats de Ba-li, Casablanca, Istanbul, Madrid, Londres, etc.) l'efficacité laisse à désirer. Et je pourrais rappeler que ni Ben Laden ni le mollah Omar (cibles principales sinon essentielles) n'ont, à ce jour été cap-turés, plus de cinq ans après les débuts de l'opération (pas plus qu'à l'inverse n'ont été libérés les soldats israéliens capturés à la frontière libanaise l'été dernier).

2. Pourquoi s'en prendre à l'Afghanistan et non au Pakistan, qui bénéficie d'une étrange longanimi-té, alors que le pays est islamisé, que l'ISI (les services secrets pakistanais) entretiennent de troubles relations avec les Talibans (et guérilleros de toutes obédience), relations qui, dans un passé proche reçurent la bénédiction de la C.I.A. et de toutes les officines américaines ?

3. A supposer que l'élimination des bases de terroristes en Afghanistan ait entraîné une diminu-tion du nombre d'attentats (on peut apprendre à bricoler des bombes n'importe où!), cela ne constitue «qu'une» raison - parmi d'autres - et non «la» raison de la modalité prise par l'opération depuis 2001 (à savoir l'engagement de troupes terrestres et leur stationnement permanent dans le pays). Et cela laisse toujours ouverts les autres points que j'évoquais dans ma quatrième partie.

Publié par Albert le 28 février 2007 à 21:25

A Albert : oui, on peut se demander pourquoi en Afghanistan et pas ailleurs (surtout que les Américains ont délibérément remplacé ce "ailleurs" par l'Irak). Mais il faut aussi accepter la faisabilité (politique, économique, informationnelle et militaire) comme élément déterminant du problème. En 2001, Oussama ben Laden était en guerre les Etats-Unis, les Taliban accueillaient ben Laden et ils ont refusé de le livrer : le déclenchement de l'opération "Enduring Freedom" répond à une logique à mon sens assez claire.

Pour le point 3, je ne suis pas du tout d'accord : il ne s'agissait pas en Afghanistan d'apprendre à bricoler des bombes, mais de subir une formation complète, à la fois idéologique et technique, théorique et pratique, qui exige beaucoup d'espace et une sécurité sans faille. La fermeture des camps d'entraînement et l'élimination d'une bonne partie des cadres a porté des coups très durs à la nébuleuse islamiste. On peut remplacer tout cela, mais cela prend un peu de temps ; et le temps a toute son importance dans ce conflit...

Publié par Ludovic Monnerat le 28 février 2007 à 22:00

Pour Albert, je ne comprent vos comparaisons ?
En 1934, contre qui la France pourrait elle déclenché la guerre ??
Il s'agissait d'une attaque d'extrémistes Croates contre leur gvt, non d'une agression contre la France.
L'assasinat du roi du Yougoslavie à montrer une défaillance de la sécurité à un tel point que sont des balles d'un POLICIER FRANCAIS qui ont tué Louis Barthou, le ministre des affaires étrangéres de l'époque ! "Théorie du complot" ???

Pour le Maine, la thése de l'accident est plausible, les munitions n'était pas "muratiser" comme aujourd'hui. ce n'était pas le navire de guerre à exploser "tout seul" à l'époque, en autre désastres, je cite le cuirassé français Liberté le 25 sep. 1911 suite à un incendie, et le cuirassé japonais Kawachi en 1918 suite à l'explosion de ces munitions, sans compter les dizaines de navires soviétiques et russes :

http://www.stratisc.org/strat_056_Huan.html

J'ai une autre théorie. Et si c'était des nationalistes Cubains qui ont fait le coup pour inciter les USA à lutter contre leurs oppresseurs aprés des années de tervivergations de la part de Washington ?

A noter un VRAI complot pour tenter d'entrainer les Etats Unis dans une guerre :

Lors de l'avancée japonaise sur Nankin, la cannonière USS Panay participant à l'évacuation des ressortissants étrangers de la ville est délibérement coulé suite à l'action du colonel de l'armée impériale japonaise Kingore Hashimoto qui aprés canonné sans résultat le navire la veille fait appel à l'aviation le 12 décembre 1937 pour l'envoyer par le fond. Membre d'une [[société secrète]] dont le but est d'éliminer toute influence civile dans le gouvernement japonais, il estimait nécessaire pour cela de provoquer une guerre avec les États-Unis.

Malgré la mort de deux marins et d'un civil, l'affaire ne dégénére pas car le gouvernement de Tokyo exprime immédiatement des excuses et offre des réparations et d'autre part l'isolationnisme américain soutenue par l'immense majorité de l'opinion publique empéche toute éventuelle réaction militaire.

-Pour une fois qu'il y a une vraie machination prouvée et documentée, cette "incident" passe relativement innaperçue des "blogueurs" en tout genres-

Concernant l'Afghanistan, c'est justement la présence permanente qui génent les activitées d'entrainement, les raids aériens ponctuels contre les camps terroriste qui ont eu lieu dans les années 80/90 ont montré leur peu d'efficasité. Et les Etats Unis n'ont pas déclarer la guerre à l'Afghanistan, mais juste aux Talibans, qui ne représentent qu'une des factions en présence dans la guerre civile Afghane.

Publié par Frédéric le 1 mars 2007 à 10:06

A Frédéric

J'ai pris note de vos observations, notamment en matière d'histoire militaire maritime, dont vous semblez particulièrement féru. Pour terminer à propos des assassinats :

Ce que j'ai voulu dire, explicitement, c'est qu'un assassinat, aussi spectaculaire soit-il (par la per-sonnalité touchée ou les modalités de son exécution - si j'ose m'exprimer ainsi!) n'est pas suffi-sant à lui seul pour déclencher une guerre s'il n'existe pas, derrière, un substrat psychologique ou géopolitique qui s'y prête. Vous me dites : en 1934, contre qui la France aurait-elle pu déclencher la guerre ? Je n'ai jamais avancé pareille chose, j'ai même écrit exactement l'inverse (relisez-moi). Encore que, lorsqu'un Etat veut trouver un prétexte, il peut tordre la réalité dans tous les sens. Evo-quons ce sujet (mais ce sera la dernière fois !) :

- Certes, on peut se demander à qui la France aurait déclaré la guerre. Mais supposons (par exemple) que les Oustachis aient eu des soutiens de l'Italie fasciste ou de l'Allemagne nazie. Cela n'aurait-il pas entraîné, du coup, la responsabilité d'autres puissances ?
- Qui vous dit que la guerre aurait dû, initialement, être le fait de la France ? La Yougoslavie n'aurait-elle pas pu mettre en cause, par exemple, l'Italie fasciste, comme, en 1914, l'Autriche-Hongrie aurait pu soupçonner la Main Noire, les services secrets serbes ou le colonel «Apis» ? Une entrée en guerre de la Yougoslavie n'aurait-elle pu, par un jeu d'alliances, entraîner une plus large confrontation ?
- A cet égard, c'est à dessein que j'ai également cité - ce que vous n'avez pas relevé - l'assassinat, la même année, du chancelier Dollfuss par les nazis autrichiens. Certes, rien ne se passa mais la si-tuation fut suffisamment grave pour que Mussolini expédie deux divisions sur le Brenner. Exeunt les complots!

A M. Monnerat et à Frédéric.

1. L'entraînement et l'endoctrinement de guérilleros ne se font pas seulement de façon «conforta-ble», «à blanc», dans des sanctuaires, comme les militaires français, par exemple, sont entraînés dans les camps de Mourmelon ou du Larzac. Cette préparation a également lieu, et de façon bien plus efficace, in vivo, comme ce qui se passa durant les 10 ans de la guerre afghane contre les Sovié-tiques. Au cours de cette guerre [d'ailleurs généreusement subventionnée, encouragée et cornaquée par les Américains], passèrent les djihadistes du monde entier, du Maghreb au Proche-Orient et au Caucase, au point qu'ils avaient reçu le surnom «d'Afghans». Là , où il n'y a pas d'erreur possible, de débriefing après l'exercice, les jours de guerre valent des mois de théorie et de tirs à la cible!

2. A cet égard, l'Afghanistan d'aujourd'hui redevient, pour les Américains, ce qu'il fut pour les So-viétiques de 1979 à 1989. Notamment par l'incapacité (ou le renoncement ou la volonté délibérée) du gouvernement pakistanais à verrouiller sa frontière avec l'Afghanistan. [A ce sujet, je signale une grossière erreur que j'ai commise dans un de mes précédents «posts» : j'ai placé le Waziristan en Afghanistan alors qu'il se trouve au Pakistan ! Cette erreur - dont je bats ma coulpe devant les blogueurs - n'est cependant pas trop de conséquence dans la mesure où c'est précisément l'incapacité du gouvernement pakistanais à faire la loi chez lui qui, pour partie, nourrit la guérilla en Afghanistan. Comme, durant la guerre du Vietnam, les soldats du FLN sud-vietnamien retrouvaient souffle et forces dans les sanctuaires du Laos, du Cambodge et du Nord Vietnam].

3. Loin de porter un coup à l'entraînement des terroristes, l'engagement des Américains (en Afgha-nistan puis en Irak) n'a fait que les renforcer. On se souvient du mot de Napoléon : «En amour comme à la guerre, pour vaincre, il faut se voir dans le blanc des yeux». Or, contrairement aux croyances puériles qui placent des espoirs démesurés dans la technologie, les conditions n'ont pas changé par rapport à l'époque où Napoléon formula son aphorisme. La faiblesse des effectifs terres-tres (aussi bien de la coalition que de l'OTAN), le laxisme à l'égard des seigneurs de la guerre et la désinvolture à reconstruire civilement le pays (et, notamment, à proposer aux paysans un débouché régulier et lucratif de cultures vivrières en lieu et place du pavot), bref toute cette inadéquation entre les intentions affichées et les moyens mis en œuvre me laissent fortement supposer que les Améri-cains avaient autre chose en tête, en envahissant l'Afghanistan, que d'éliminer des bases terroristes.

A tous.

Comme ça, juste pour le «fun», je me suis amusé à imaginer ce que peut être la perception des voisins de l'Afghanistan de l'irruption, à leur porte, de l'armée américaine. Je vous propose cet apologue :

Plaçons-nous vers l'an 2047-2050. La Chine est devenue la première puissance économique et mili-taire de la planète. Partout, sur les routes, on roule dans des voitures chinoises, on utilise des micro-ordinateurs chinois, des téléphones portables chinois (ce qui est déjà , pour partie, la vérité). La Chine domine culturellement : ses films sont sur tous les écrans, ses chansons font des tubes, le Tai Chi est au programme du bac, les élégantes se font brider les yeux, se parfument au Chinel n° 5, etc. Mais, surtout, la Chine est parvenue à la lisière sud de l'Europe, sur sa façade méditerranéenne. Elle a des bases aériennes à Tripoli de Libye, à Bizerte, à Alger, à Tanger, ses escadrilles frôlent les Ba-léares, survolent les abords de l'île d'Elbe. Mais (comme on dit dans Astérix) tout le monde est-il soumis ? Non, un carré de Tibétains résiste encore. Il résiste si bien qu'un jour, des résistants tibé-tains précipitent un Boeing 797 (entièrement construit sous licence chinoise) sur la tour Longue Marche de Shanghai, haute de 750 mètres. Or, ces Tibétains ont trouvé refuge en Suisse (la Suisse, c'est comme l'Afghanistan, enclavé, montagneux, le chocolat en plus), dans le Valais, où ils ont échafaudé leurs plans. Ultimatum des Chinois à la Suisse de livrer les comploteurs : attitude dila-toire de la Suisse. Deux semaines plus tard, des bombardiers lourds à longue portée écrasent les dé-fenses helvétiques, des parachutistes chinois s'emparent sans coup férir des aéroports de Zürich, Bâle, Genève! Bientôt, l'Armée Populaire de Libération s'est installée solidement dans tous les cantons. Quelle tête feraient les Américains dans leurs bases à Ramstein, à Stuttgart, à Aviano, à Vi-cence, les Français à Dijon ou à Avord, à 5 minutes de portée des drones hypersoniques chinois ?

Publié par Albert le 1 mars 2007 à 14:45

Trés bon scénario, mais je doute que le gvt accepte que des mouvements "violents" puisse recruter et s'entrainer sur son sol et que ses chefs soit invité au mariage du président Suisse.

Vous oubliez une petite chose, les pays d'origine des gens d'Al Queda ne n'était pas opprimé/occupé par les Etats Unis.

Quand le FLN Algérien s'attaqué à la France et placé des bombes jusqu'en dans les raffineries de la métropole (choses passée relativement sous silence à l'époque), il ne s'en prenait pas aux alliés de mon pays. Pourtant les armements était à l'époque en grande partie françaises (aide du Programme d'Assistance Mutuelle).

Vous suggerait quoi ? On enléve les troupes au sol et on se contente de bombarder en cas de grand rassemblement d'"activistes".

PS : Les talebs ont un mois de réflexion. Méme aprés le début des frappes aériennes le 7 octobre, si ils avaient livraient les personnes demandé à la justice, les opérations se seraient arrétés. Les choses sérieuses (forces spéciales en grand nombre et pillonage des forces talibanes sur le front de l'alliance du nord) ont commencé le 20 octobre. Aprés, c'était trop tard pour, l'Alliance du Nord commencer son offensive.

Au fait, je suis Français et j'habite à coté de la Catalogne.

Si la Suisse est envahie, cela ferait les affaires du Ministére des Finances de notre pays, plus d'évasion fiscale :)

Au fait, je ne suis pas un spécialiste de l'histoire navale, mais un touche à tout qui n'a méme pas le Bac mais qui à retenu ses cours d'histoire géo ;)

Publié par Frédéric le 1 mars 2007 à 19:14

Et excusez les oublis, doublons, fautes de frappes et de syntaxe qui émaille mes posts, je rectifie :

Trés bon scénario, mais je doute que le gvt helvétique accepte que des mouvements "violents" puisse recruter et s'entrainer sur son sol et que ses chefs soit invité au mariage du président Suisse.

Vous oubliez une petite chose, les pays d'origine des gens d'Al Queda ne n'était pas opprimé/occupé par les Etats Unis.

Quand le FLN Algérien s'attaquait à la France et placé des bombes jusqu'en dans les raffineries de la métropole (choses passée relativement sous silence à l'époque), il ne s'en prenait pas aux alliés de mon pays. Pourtant les armements était à l'époque en grande partie américaine (aide du Programme d'Assistance Mutuelle).

Vous suggerait quoi ? On enléve les troupes au sol et on se contente de bombarder en cas de grand rassemblement d'"activistes".

PS : Les talebs ont un mois de réflexion. Méme aprés le début des frappes aériennes le 7 octobre, si ils avaient livrer les personnes demandé à la justice, les opérations se seraient arrétés. Les choses sérieuses (forces spéciales en grand nombre et pillonage des forces talibanes sur le front de l'alliance du nord) ont commencé le 20 octobre. Aprés, c'était trop tard pour, l'Alliance du Nord commencait son offensive.


Publié par Frédéric le 1 mars 2007 à 20:57

A Frédéric

Je vous remercie de votre réponse, aussi prompte que détaillée. Je vous sais gré aussi de la confiance que vous me (que vous nous) manifestez en livrant ces éléments de votre vie, confiance dont, pour ma part, j'essaierai de me rendre digne!

Mon apologue - comme tous les apologues - n'a de valeur que morale. Il ne prétend pas (surtout pas, car, sinon, ce ne serait plus un apologue !) au réalisme. Il ne veut signifier que ceci : que di-rions-nous, que ferions-nous si une puissance extra-occidentale (j'aurais pu tout aussi bien choisir le Japon ou l'Inde) venait faire la loi chez nous ?

Et, tant qu'on est dans le «fun», je propose une autre fantaisie sur la guerre d'Afghanistan. Et si celle-ci était le révélateur d'une vieille peur, la conjuration d'un fantasme plus que séculaire ?

1. Il y a une espèce de fascination, d'angoisse, de répulsion/fascination vis-à -vis de toutes les contrées (et, surtout, des contrées montagneuses) situées au milieu des continents. Il entre sans doute là des sédiments de souvenirs, déposés dans la mémoire collective depuis la chute de l'empire romain : les Grandes Invasions, les ruées hunniques ou hongroises, les noms de Gengis Khan, de Tamerlan. Peu importe le lieu d'où la conscience populaire situe l'origine de ces enva-hisseurs, c'est toujours, géographiquement, «quelque part» entre la Chine et l'actuelle Turquie, dans un «foyer» qui fluctue entre la Mongolie, Samarcande, l'Afghanistan et la mer d'Aral. La représentation qu'on s'en fait, en tout cas, c'est : perdu au milieu des terres. On y trouve des hauts plateaux, des montagnes, des steppes, des déserts, un mixte de Tibet, de Mongolie et d'Himalaya.

2. Cette crainte, cette peur (mais cette peur recherchée, comme l'atteste l'attrait des films d'épouvante) n'aurait pas été telle si elle n'avait été relayée par la littérature ou les formes d'art plus récentes comme le cinéma ou la BD. Je pense en particulier à trois œuvres particulièrement populaires (populaires dans tous les sens du terme), qui n'ont pas cessé d'être lues (ou vues en films) et qui ont fortement marqué la représentation qu'on se fait de ces pays.

- Tout d'abord «Michel Strogoff», de Jules Verne, qui voit un voyage de Moscou à Irkoustk (donc longeant l'Afghanistan sur sa gauche) avec le chef des Tartares Feofar Khan et le traître Ivan Ogareff.
- Puis «Le Secret de l'espadon» (B.D. de la série Blake et Mortimer), qui voit un empereur du Ti-bet, Basam Dandu (également flanqué d'un traître, Olrik, pendant de l'Ogareff de Michel Stro-goff) partir à la conquête du monde. Ce qui est intéressant, c'est que les acolytes qui flanquent Ba-sam Dandu ont des noms partagés entre consonances chinoises, ou sinisantes (Lou Ying, Cheng Tien, Hien Foung, Tchan) et arabophones (Hamned, Achmet, Ahmed Nasir, Mohamed Wali, Za-han Khan). Ce qui est amusant, c'est que la population afghane voit se mêler des types à la fois «arabes» et asiatiques et que, çà et là , sur des sites Internet situés assez à droite, je vois apparaître le fantasme d'un axe «islamo-confucéen» dirigé contre «l'Occident»!
- Enfin, «Le seigneur des anneaux», de Tolkien, où l'on voit des Hobbits partir dans un voyage initiatique (comme Michel Strogoff et ses compagnons de fortune) vers le pays de Mordor, pays montagneux peuplé d'Orques et de Nazgûl. Là aussi, il est amusant de noter l'existence d'un pont de Khazad-Dum qui, par ses sonorités, évoque les mots «khan» ou Basam Dandu.

Il y aurait sans doute d'autres œuvres. Je m'en limiterai à celles-ci, en ce que leurs qualités, leur incroyable popularité, leur persistance au fil des générations ont fini par modeler un imaginaire commun à travers toute la population (ce que confirme un auteur aussi «élitiste» que Julien Gracq - Å’uvres complètes, Pléiade, tome II, page 1270).

3. Au-delà , se dégage une image puissamment négative de toutes les notions chthoniennes (liées à la terre), par rapport aux images pélagiques (liées à la mer) et à l'air. Symboliquement, le monde occidental est un monde de la mer : celui de la Grèce et de ses îles, de l'Italie au milieu de la Mé-diterranée, de la péninsule ibérique du XVIe siècle, des puissances maritimes du XVIIe siècle (Angleterre et Hollande), des Etats-Unis, enfin, baignés par deux océans. Et puis il y a les flottes britanniques et américaines et tout le chapelet de leurs bases maritimes à travers le monde, sur les îles, les isthmes, les détroits, les caps et les promontoires.

4. Il est symbolique que l'image d'une grande partie des guerres des Etats-Unis, depuis la Seconde Guerre mondiale ait été liée à la fois à des opérations aériennes (au-dessus de l'Allemagne, du Ja-pon, de la Corée, du Vietnam, de la Bosnie, de la Serbie, de l'Afghanistan, de l'Irak) ainsi que d'opérations maritimes : débarquements en Afrique du Nord, en Italie, en Provence, en Normandie, dans le Pacifique, c'est-à -dire des armes liées aux «éléments» que sont l'eau et l'air. Il est symboli-que que le président Bush ait nommé l'amiral Fallon chef du Centcom, c'est-à -dire du grand com-mandement qui englobe à la fois l'Afrique de l'Est et l'Asie centrale. Et qui, en cas de guerre plus large, serait chargé d'opérations aéronavales (c'est-à -dire en l'air et sur l'eau!).

5. A l'inverse, tout ce qui touche à la terre est réputé maléfique. Y compris d'ailleurs en Occident : n'appelait-on pas les banquiers suisses les «gnomes» de Zürich ? Il est symbolique que l'on parlait des caches, des grottes, des souterrains dans lesquels étaient censés se cacher Ousama Ben Laden et les Talibans. Il est symbolique que Saddam Hussein n'ait pas été capturé à l'air libre mais dans une cache souterraine (comme un démon, un gnome). Il est aussi symbolique qu'en Irak comme en Afg-hanistan les armes phares des deux adversaires (celles qui leur procurent, à tout de rôle, la supériori-té) représentent chacune un élément : l'hélicoptère pour les Américains (l'air) et la mine enterrée (la terre) pour les guérilleros, mine qui saute au passage des véhicules militaires.

6. Comme un des précédents blogueurs l'a rappelé, tous les prétendants à l'invasion de l'Afghanistan ont connu des échecs. La guerre d'octobre 2001 n'aurait-elle pas été, inconsciem-ment, un moyen de conjurer la malédiction ?

Publié par Albert le 1 mars 2007 à 23:22

Affrontement entre les sédentaires habitant le litorral et les nomades des vastes plaines et les montagnards ?

Le concept d'Heartland à été théorisé dés le début de la géopolitique;

Pour à revenir au temps présent, il semble que l'on à oublié que les Etats Unis ont déja déclenché une guerre pour livrer quelqu'un à la justice ;)

Noriega, Panana, 1989, cela ne vous rappele rien ?

Un ex agent de la CIA qui à trahit ses "employeurs" et qui à eu l'armée US aux fesses pour le déboulonner. On peut le faire le parraléle avec ce qui se passe aujourd'hui.

Publié par Frédéric le 3 mars 2007 à 8:07

A Frédéric

A Frédéric

1. Je ne me plaçais pas d'un point de vue géopolitique mais symbolique : c'est-à -dire de la représen-tation qu'on se fait d'une réalité (représentation souvent loin de cette même réalité). En l'occurrence la représentation que les Européens se font de l'Islam, et qui, depuis des siècles, charrie fantasmes, imaginations, chimères, peurs, phobies! et intérêts lucratifs bien réels. Je vous renvoie à un excel-lent ouvrage paru récemment : «Pour en finir avec la croisade» (sous-titré «Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs aux XVIe et XVIIe siècles»), de Géraud Poumarède, (Paris, 2004, P.U.F., 686 p). Il s'agit de la version abrégée de la thèse de doctorat de l'auteur.

2. En 1989, les Etats-Unis ne déclenchèrent pas une guerre pour livrer un justiciable à «la» justice (comme ils auraient pu le faire, par exemple, à la demande du Tribunal International de La Haye - devant lequel passa Slobodan Milosevic), mais pour le livrer à «leur» justice ! Nuance! Ils furent donc, en la circonstance, juge et partie, ce qui contrevient à un des principes premiers du droit.

3. Le général Noriega n'était pas seulement un ex-agent de la C.I.A., c'était aussi un bandit no-toire, trafiquant de drogue, assassin (très fortement soupçonné d'avoir trempé dans l'accident d'avion d'Omar Torrijos, en 1981). Ces turpitudes étaient parfaitement connues de ses em-ployeurs, qui fermèrent les yeux tant qu'il les servit docilement. La véritable raison de la destitu-tion de Noriega ne tint pas à un respect subit des Etats-Unis pour le droit, mais à leur crainte que Noriega ne les dépossède de la zone du canal de Panama, c'est-à -dire, en somme, qu'il ne recou-vre la souveraineté nationale sur cette terre dont le Panama avait été spolié.

4. Cette intervention s'inscrit dans une suite d'interventions prédatrices des Etats-Unis en Améri-que latine, et, plus particulièrement, pour ce qui regarde le Panama, par la sédition fomentée contre la Colombie en 1903, pour en détacher ce qui devint le Panama, par la répression d'une grève générale par les Marines en 1925, par les tueries de 1964, le tout pour maintenir, dans la chair même du territoire panaméen, une prothèse étrangère. Que dirions-nous, que diriez-vous si la Russie ou la Turquie, devenues (ou redevenues) grandes puissances, se taillaient une bande ter-ritoriale de Gênes à Venise dans la péninsule italienne, et y installaient bases militaires et centres de torture ?

5. Enfin, l'opération «Juste cause» selon l'ancien procureur général des Etats-Unis Ramsay Clark, entraîna tout de même la mort de quelque 3000 civils dans les quartiers pauvres de San Miguelito et d'El Chorillo, l'aviation américaine n'y étant pas allée avec le dos de la cuillère pour briser la résistance des bataillons de Noriega. Ces malheureux n'y étaient pour rien. Mais je ne doute pas qu'avant de mourir écrasés sous les bombes américaines, ils trouvèrent un puissant réconfort à l'idée d'avoir contribué (à leur corps défendant) à l'avancée de la «démocratie de marché», de «l'Etat de droit» et du capitalisme à visage humain!

Publié par Albert le 3 mars 2007 à 14:29

"Je ne me plaçais pas d'un point de vue géopolitique mais symbolique : c'est-à -dire de la représen-tation qu'on se fait d'une réalité (représentation souvent loin de cette même réalité). En l'occurrence la représentation que les Européens se font de l'Islam"
Symbolique, façon de parler. Tant les hordes de Gengis Khan que les Turcs et les Arabes se sont lancé à la conquête de l'Europe. Et dans les décennies qui viennent (ou bien avant...), ce serait un miracle qu'il n'y ait pas une confrontation majeure entre Chine et USA. Blake et Mortimer contre Basam Dandu, si vous voulez.

Publié par Roland le 3 mars 2007 à 16:44

A Roland

Pour l'avenir, je n'en sais rien. Pour le passé, tout ce qui était redouté ne s'est pas obligatoirement produit. De 1871 à 1914, les chancelleries bruissaient d'une guerre entre le Royaume-Uni et la Russie! qui n'eut jamais lieu. Pour le reste, en ce qui regarde les Turcs, et sans remonter aux Seldjoukides :

- De 1853 à 1855, la guerre de Crimée vit s'affronter, d'un côté la Russie, et, de l'autre, la France, l'Angleterre! et l'empire ottoman.
- En 1912, la première guerre balkanique vit, d'un côté, la Grèce, la Serbie, le Montenegro et la Bul-garie arracher des territoires balkaniques à la Turquie. Mais, quelques mois plus tard, cette même Grèce, la Serbie et la Roumanie tombèrent sur le dos de la Bulgarie! aidées cette fois de la Tur-quie !
- En 1914, l'Autriche, qui avait été en guerre avec l'empire ottoman au moins 250 ans, du premier siège de Vienne (1529) à la prise de Belgrade par Loudon (1790), fit toute la Première Guerre mondiale aux côtés des Turcs.
- Durant les quelque 40 ans de la Guerre froide, l'OTAN fut bien aise que l'armée turque attire, sur le front des Balkans et du Caucase, des troupes du pacte de Varsovie qui, en cas de conflit, au-raient fait défaut sur le front central. A cet égard, je trouve singulièrement ingrat que les démocra-tes chrétiens européens (CDU/CSU allemande, MRP français, DC italienne) qui furent les plus ardents atlantistes - et se félicitèrent, jadis, de la présence de la Turquie dans l'Alliance atlantique - mégotent ainsi l'entrée de la Turquie dans l'Europe. Le Turc, c'est bien bon pour se faire trouer la peau, mais, quand il s'agit de partager le repas, on te l'envoie manger à l'office, avec les do-mestiques!
- Enfin, je crois savoir que lors des dernières guerres balkaniques (notamment au Kosovo) des avions turcs ont participé, dans le cadre de l'OTAN, aux bombardements de la Serbie.

Pour ce qui est d'un éventuel affrontement entre la Chine et les Etats-Unis : vous l'appréhendez! ou vous l'espérez ?

Publié par Albert le 3 mars 2007 à 23:01

Etonnant que vous reprochiez à M.Monnerat une phraséologie marquée à droite alors que tout votre texte est connoté à gauche: "Le Turc, c'est bien bon pour se faire trouer la peau, mais, quand il s'agit de partager le repas, on te l'envoie manger à l'office, avec les do-mestiques!" Pensez-vous être très objectif en vous exprimant de cette manière ? Il est par ailleurs très difficile de vous répondre parce que vous abordez trop de sujets à la fois. Mais sur la Turquie, il y a vraiment beaucoup à dire et je trouve que vous traitez ce sujet pour le moins légèrement. Je sais qu'il y a de bons arguments en faveur de l'entrée de la Turquie dans l'Europe mais je pense qu'il y en a encore de meilleurs pour s'y opposer. Identité, valeurs, mais aussi économie. Vous devriez vous demander pourquoi les Américains poussent si fort dans cette direction, vous qui comme moi ne faites pas partie de leurs grands admirateurs...
Quant à votre dernière remarque, je la trouve saugrenue et à la limite un peu insultante. Qui serait assez fou pour "espérer" une guerre et cette guerre là en particulier, qui serait particulièrement meurtrière si elle avait lieu. Et qui, de plus, aurait certainement de très désagréables répercussions jusqu'en Europe.
Mais un de vos scénarios récents que vous placiez en 2050 parlait d'une Chine qui dominait le monde. Et les Américains n'auraient eu aucune réaction ? La question de Taïwan ressemble furieusement à un détonateur...

J'espère beaucoup me tromper.

Publié par Roland le 3 mars 2007 à 23:39

Pour Panama, cette question du canal n'a pas changé avec l'intervention de 1989; Cela fait deux fois que je lit cela en 24 heures mais cela me semble sans fondements.

Qui gére le dit canal actuellement ?

l'Autoridad del Canal de Panamá dont on dit que les deux Chines tirent une partie des ficelles.

Coté "justice", quand les USA obtiennent l'extradition de dealers sud américains, ils sont aussi "juge et partie" selon votre expression, mais je n'est jamais lut que les ONG s'offusquaient de la tenue ou de la condition de leur procés. De méme, si Ben Laden est capturé vivant, il sera jugé outre Atlantique si je ne m'abuse (sans compter le Kenya et d'autres pays qui ont des griefs contre cette individu).

Avec un raisonnement comme le votre, méme le tribunal de Nuremberg n'aurait pas grace à vos yeux.

Publié par Frédéric le 4 mars 2007 à 8:50

Selon les agences de presse (dont la maîtrise du français laisse pour le moins à désirer...) :
"La Chine compte augmenter de 17,8% son budget militaire cette année. Elle entend notamment acquérir des missiles et des chars et de moderniser ses forces armées. Les dépenses militaires représenteront 7,5% du budget total de l'Etat chinois" (soit 55 milliards de francs)

Publié par Roland le 4 mars 2007 à 10:40

Suite sur la Chine...
en fait il faut raisonner par rapport au PIB :
4 % de dépenses militaires pour les USA
1 % en Chine et en Suisse, et 2 % en France je crois...
+ le PIB est gros, + les dépenses militaires peuvent être élevées, la puissance militaire dépend donc de la croissance du PIB, et c'est pour cela que les dirigeants communistes chinois sont devenus des adeptes du capitalisme libéral ! car c'est le système le + efficace sur le plan économique
si les dépenses militaires sont > 4 % du PIB, les gens sont trop pauvres et le régime risque de s'écrouler : c'est ce qui va se passer en Iran
cf une dépèche intéressante :
http://fr.news.yahoo.com/04032007/202/chine-pekin-donne-un-coup-de-fouet-son-budget-militaire.html

Publié par JPC le 4 mars 2007 à 12:25

A Frédéric.

Vous commettez une erreur de raisonnement en me supposant chaque fois une pensée contraire à la vôtre. Par exemple : si je ne suis pas pour les Etats-Unis, c'est que je suis forcément pour la Chine ou pour l'Islam. Ou bien : si je ne suis pas pour la guerre de Bush, c'est que je suis un de ces gauchistes «porteurs de valises» qui, durant la guerre du Vietnam, encourageaient la désertion et sapaient le moral de la nation américaine. Je ne suis pas «contraire», je suis «contradictoire», c'est-à -dire, en l'occurrence, «non-Bush» (pour faire vite). Le contradictoire inclut toutes les au-tres données, y compris le contraire : le contradictoire du blanc, c'est le non-blanc, où se trouve évidemment le noir (contraire), mais quiconque n'aime pas le blanc n'aime pas obligatoirement le noir!

Sur Panama : qu'est-ce qui est sans fondement à propos du canal ?

- Pour Panama, je ne souhaite rien d'autre que la pleine souveraineté de Panama, souveraineté à la fois politique, économique et financière. Vous n'avez donc aucune raison de supposer que je sou-haite une mainmise de la Chine (ou des Chines) sur le canal. [Parenthèse : si cette mainmise existe, c'est bien à cause de la mondialisation financière, tant souhaitée par les Américains. S'ils trouvent que cela leur porte préjudice, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes].

- Je ne saisis pas ce que vous voulez dire à propos des dealers sud-américains : que je devrais me scandaliser de leur traduction devant des tribunaux américains ? Que je devrais, au contraire, l'approuver ? Voici les quelques réflexions que je me fais à ce sujet :

- S'agit-il d'abord de dealers ? Ne s'agit-il pas plutôt de producteurs ? A proprement parler, je ver-rai plutôt les dealers sur le territoire américain, donc comme sujets américains, proches de leurs consommateurs. [Parenthèse : avec l'invasion américaine de l'Afghanistan, la culture du pavot est repartie de plus belle, culture sur laquelle le gouvernement de Kaboul - qui, à proprement parler, ne gouverne guère que Kaboul - sujet des Américains, touche sa dîme au passage].

- Est-il contestable que les Américains du Nord traduisent des Sud-Américains devant leurs tribu-naux ? Evidemment ! Car cela contrevient au principe de la territorialité des lois : suivant ce prin-cipe, par exemple, si je suis homosexuel en France, je pourrais, à l'occasion d'un voyage dans un pays qui réprime l'homosexualité (Chine, pays musulmans) être jugé et châtié en conséquence. Est-ce concevable ? [Vous n'ignorez pas, à ce propos, que les Américains disposent d'un de ces instruments juridiques inouïs, sous la forme de la loi Helms-Burton, qui permet à un tribunal amé-ricain d'infliger des amendes à toutes les entreprises du monde qui investissent dans des entrepri-ses ayant été nationalisées à Cuba. Ce qui revient à faire la loi sur le territoire des autres!].

- Mais, pourrez-vous me rétorquer, l'homosexualité ne dérange personne, alors que le trafic de drogue est transfrontière. Il est donc normal que les Américains se défendent là où ils peuvent. Certes! certes, mais il faudrait pour cela admettre la réciproque, c'est-à -dire que les Américains puissent aussi être jugés à l'étranger. Or, vous savez bien que cette traduction devant les tribunaux dépend moins des règles de droit que des rapports de force. La drogue colombienne nuit autant à un drogué portugais qu'à un drogué américain. Croyez-vous cependant que le Portugal et les Etats-Unis disposent du même poids pour traduite un baron de la drogue colombien devant leurs tribunaux ?

- Les courants de l'économie - comme les cours d'eau - sont déterminés par le niveau de l'aval, c'est-à -dire par l'appel de la demande (comme l'érosion fluviatile est commandée par le niveau de la mer). Nombre de gouvernements sud-américains ont donc eu beau jeu de dire : « Plutôt que de venir chez nous épandre de l'agent orange - ou autres poisons de la même espèce - qui dévastent cent fois plus large que la surface à détruire, occupez-vous donc d'abord de tarir la demande chez vous. Et faites le ménage avec votre mafia avant de vous occuper de la nôtre ».

Publié par Albert le 4 mars 2007 à 15:30

A Roland.

Sur la coalition des Etats (ou l'OTAN), je préfère vous répondre dans le post de M. Monnerat consacré à ce sujet. Je vous invite donc à vous y rendre.

Sur la Chine qui dominerait le monde : je le répète, il s'agit d'un apologue (d'une parabole, d'un conte, de tout ce que vous voudrez), c'est-à -dire d'une figure littéraire qui ne prétend justement pas à la réalité - et pas même à la vraisemblance. Je voulais juste essayer de vous faire saisir ce que peut représenter l'intrusion, près de chez soi, d'une puissance appartenant à une autre aire de civilisation. Alors que, depuis le XVIe siècle, ce sont les Occidentaux qui envahissent les autres continents!

Sur la guerre : si je vous ai offensé, je le regrette. Néanmoins, ma question n'est pas «en l'air». Depuis un certain nombre de décennies (peut-être depuis la guerre des Boxers et le siège des léga-tions à Pékin), les imaginations occidentales se bercent d'une guerre gigantesque avec la Chine, avec l'espoir inavoué que, l'Occident étant supérieur (par ses armes, par ses valeurs morales), il se débarrasserait à tout jamais du «péril jaune». De semblables vaticinations circulaient au début des années 1950. Elles supposaient d'abord que l'Occident ferait face à une guerre avec l'Islam (dont il triompherait, bien sûr!) avant l'explication finale (et victorieuse) avec l'Empire du Milieu! [Précision : vous comptez le budget de la défense chinois en francs. Sont-ce vraiment des francs ?]. Pourquoi ne pas imaginer la Chine sous le mode pacifique ? Pourquoi ne pas imaginer qu'en investissant massivement dans les sciences, elle fasse des découvertes qui profitent à toute l'humanité : traitement contre le cancer, les maladies orphelines, les affections génétiques ? Ac-tuellement, la médecine chinoise ne traite-t-elle pas avec succès des affections rebelles aux théra-peutiques occidentales ?

Publié par Albert le 4 mars 2007 à 15:32