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29 janvier 2006

Le déclin des alter-illusionnistes

Comment expliquer l'incapacité des opposants au World Economic Forum à capter l'attention des médias, à faire passer leur message ? Voici encore 2 ans, la contestation de ce sommet économique, politique et diplomatique témoignait d'une violence qui lui assurait une ample publicité. Peut-on dire, comme le font certains altermondialistes autoproclamés, que la démotivation dans leurs rangs s'explique par la répression policière ? L'ampleur des dispositifs de sécurité joue certainement un rôle dans ce processus, puisque les actions violentes ont été depuis Seattle le principal vecteur sémantique de leurs rassemblements. Les violences urbaines en Suisse durant le G8, en prenant le pas sur des manifestations importantes, ont symbolisé cette composante indissociable du mouvement. Mais le bouclage de Davos n'est pas celui de la Suisse, et l'absence d'élan populaire est trop frappante pour se contenter d'explications matérielles.

En premier lieu, je pense que le mouvement altermondialiste a été victime de son propre succès. Issu d'une véritable initiative citoyenne, d'une réaction commune à nombre d'individus, il a su verbaliser et imager des craintes et des refus qui parlaient au public et aux médias, et qui lui ont valu d'être exonéré de sa violence intrinsèque (légitimité au lieu de légalité). Cependant, cette énergie et cette nouveauté n'ont pas tardé à susciter l'intérêt des partis et mouvances politiques traditionnels, avant tout de gauche et d'extrême-gauche, qui se sont joints au courant et ont contribué à grossir ses rangs, mais ont également apporté leurs propres messages. Du coup, les réunions altermondialistes se sont transformées en un agglomérat disparate de causes plus ou moins convergentes, unies sous la bannière d'un refus sans cesse plus flou ; entre les militants tiers-mondistes, les activistes communistes mal dissimulés, les collectifs luttant contre la déforestation, les OGM ou les barrières à l'immigration, ces réunions valaient surtout par leur caractère chamarré et festif. Mais la fête ne dure pas éternellement.

Le mouvement a en effet été rapidement confronté à sa propre origine, à ses préjugés occidentaux, et le constat de son impopularité croissante dans certaines parties du monde a été dégrisant. Il a connu son apogée lors des grandes manifestations contre la guerre en Irak, et la démocratisation de ce pays souligne a posteriori l'immoralité et l'égoïsme d'une telle position ; aujourd'hui, c'est l'anti-américanisme qui demeure son ressort le plus puissant, avec toutes les influences que cela peut supposer. Mais dès que le mouvement a tenté d'aller au-delà de la contestation, il a été confronté aux divergences d'intérêts entre nations, entre corporations, et les mesures souvent protectionnistes préconisées en Europe heurtent par exemple de front les pays en développement. Après des années de réunions et de discussions, l'altermondialisme a été incapable de fournir des solutions aux problèmes liés à la globalisation des échanges, à l'interconnexion des économies, et moins encore aux risques découlant du choc concurrentiel des cultures et des identités.

Cette désillusion a été remarquablement démontrée en Amérique du Sud, où des icônes altermondialistes comme Lula ont rapidement dû adopter une politique réaliste et tenir compte des vrais centres décisionnels au niveau mondial. Mais le caractère marginal de l'altermondialisme militant a encore été renforcé par l'institutionalisation de certaines de ses revendications, et surtout par l'entrée en scène de personnalités du show business tenant un discours allant dans ce sens. A Davos, entre un quarteron d'activistes enflammés et le charme éclatant d'Angelina Jolie, il n'y a évidemment pas photo ; entre José Bové et Brad Pitt, le coeur non plus ne balancerait pas, surtout si les deux disent à peu près la même chose. Le fond de l'altermondialisme, ce mélange de peurs tour à tour millénaristes et fondées, ce refus d'une évolution trop rapide pour ne pas broyer les individus et éprouver les peuples, a été intégré, assimilé, récupéré. Tout le reste, et notamment cet autre monde paraît-il possible, a été décimé par la réalité.

Le mouvement a fourni sa contribution politique et sémantique. Il fait déjà partie de l'Histoire.

Publié par Ludovic Monnerat le 29 janvier 2006 à 9:02

Commentaires

Le mouvement altermondialiste s'est essouflé à Ramallah.
Ce conflit artificiel (parce que si la Palestine a existé, les romains ayant débaptisé la Judée-Samarie pour lutter contre la résistance des Hébreux, les palestiniens sont une invention moderne)est comme un maelstrom qui engloutit toutes les inquiétudes légitimes pour la survie de l'humanité. Il est aussi maintenu artificiellement en vie avec des centaine de millions chaque année, et beaucoup trop de ressources qui pourraient être mieux investies ailleurs.
Attac à Genève voulant pesé sur les discussions de l'OMC, s'était bien. La libéralisation et privativation de l'eau, l'énergie, les services de santé, de l'éducation, etc est un souci légitime et vital pour les populations. Mais il y a eu le "pêché" de Durban, le mouvement a été récupèré par la lutte contre Israel. Bovet se détourne des OGM et des problèmes de l'agriculture pour aller faire un séjour chez Arafat. Dans les réunions, le slogan à la mode est "sionisme=appartheid=nazisme". La perversion du langage avec son renversement des valeurs qui confondent agressé et agresseur, est à l'honneur. Le déshonneur des altermondialistes est consommé. A Paris, ils défilent avec les islamistes pour le voile et contre la laïcité au nom du relativisme culturel. La déforestation, le recul de la banquise, les milliards de vie en péril peuvent bien attendre, pour le conflit à la mode: 1,35 million d'habitants qui viennent de choisir le terrorisme plutôt que la paix. D'un côté comme de l'autre, quel gâchis!

Publié par elf le 29 janvier 2006 à 11:00

Il est peut-être un peu hâtif de sonner le glas des alter-mondialistes. Malgré leurs disparités et leurs conflits internes leurs idées pourraient bien encore se diffuser tant la croissancce des échanges mondiaux sera forte à l'avenir. Les phénomènes qu'ils décrivent, même si leurs solutions feraient rire tout économiste sérieux, sont bien réels et une partie de la population le recent. Je pense que ces mouvements sont à surveiller et surtout, la diffusion de leurs idées.

Publié par FrenchBoy le 29 janvier 2006 à 11:28

Il fait déjà partie de l'Histoire.

Ou de ses poubelles :)

Publié par Sittingbull le 29 janvier 2006 à 15:45

la gauche anti libérale fait de moins en moins recette, surtout parmi les jeunes, les étudiants
leur idéal n'est pas de se battre contre le capitalisme, pour des idées, mais de trouver du travail, intéressant, bien payé
400 000 Français vivent à Londres car il est plus facile effectivement de gagner de l'argent en travaillant car la société anglaise est plutot libérale
les Allemands et les Suisses ont énormément perdu en niveau de vie relatif depuis une quinzaine d'années, et les jeunes se détachent très nettement des idées militantes de gauche
c'est très net dans les universités françaises où il n'y a presque plus de manifs ni de grèves
seuls les journalistes restent toujours militants anti américains anti libéraux, mais la presse se vend de moins en moins bien
tout le monde s'en détache, et surtout les jeunes, au profit d'internet,
c'est finalement assez positif

Publié par JPC le 29 janvier 2006 à 16:20

"Le mouvement a fourni sa contribution politique et sémantique. Il fait déjà partie de l'Histoire."

Si la société pouvait également mettre aux oubliettes de l'histoire l'idée développée par ces mêmes altermondialistes que la police = les hommes de main des puissants. .... Que le monde pourrait aller mieux.

J'ai en effet aussi parcouru Lematin aujourd'hui et j'ai été abasourdi par les statistiques de la criminalité des enfants et le petit commentaire qui les accompagnait:

"Les jeunes, pour peu qu'ils soient agressés par d'autres jeunes non armés, ne les dénoncent plus. Par crainte des représailles et détestation de la police."

http://www.lematin.ch/nwmatinhome/nwmatinheadactu/actu_suisse/oui,_la_delinquance.html

Publié par Deru le 29 janvier 2006 à 19:34

Je ne suis plus toute jeune, j'ai passé la quarantaine, mais je dois bien avoué que je n'ai pas non plus une trés bonne opinion de la police. Chaque fois (ou presque, et là il reste un espoir)que j'ai dû faire appel à eux en tant que citoyenne pour un vol que j'avais subi ou un dégât à des biens, je me suis retrouvée sur la sellette. Je devais prouver que je n'étais pas un escroc à l'assurance, ou que ce que j'avançais était vrai. Et si c'est vrai d'une femme d'âge mûre, j'imagine que ça l'est d'autant plus pour des jeunes avec lesquels les agents prendraient encore moins de gant. Par nature la police se méfie des citoyens, donc peut-on s'étonner que le citoyen se méfie de la police.
Par ailleurs, la fameuse tirade " mais que fait la police?" est trop souvent d'actualité, au vu et au su de tous. Les dealers je les ai vu en face de la sortie du collège pendant les 3 années du Cycle. Si moi je pouvais les voir, la police aussi. Les gens ne sont pas dupes du non-agissement de la police et de la non-application de la loi. Quelques soient les raisons (indic, filature, éviter de s'exposer au danger, ou une prise de tête pour remplir la paperasse, etc), ça mine la confiance des citoyens dans leur police et ça insite les rumeurs dans le but de trouver une explication.

Publié par elf le 30 janvier 2006 à 0:17

Aucune des grosses ONG (Greenpeace, Human Watch, Amnesty, etc...) n'etaient présentes, donc cela fait beaucoup de personnes en moins.
Protester pour se prendre des jets d'eau dans la figure par -5° C, courageux peut-être mais téméraire certainement pas.
La plupart des mouvements de protestations sont dûs à des fortes personnalités, mais à cause de cela ils ont de la peine à accepter de recevoir des instructions leur indiquant ce qu'ils doivent faire.
Beaucoup se disent anarchistes, ce qui n'est pas vraiment synonyme d'organisateurs....
Quand au président Lulea, il respecte la démocratie et de ce fait il doit travailler avec un parlement. Mais, grâce à un excellent ministre de l'économie, il est en train d'élever le niveau de vie des Brésiliens, de même pour les échanges internationaux qui ne dépendent pas que sur les USA ou l'UE. Certes l'économie est devenue plus libérale, mais les bénéfices sont redistribués de manière sociale, ce qui est le contraire de ce qui se faisait avant.
Si vous voulez une grosse manif' d'alter mondialistes vous n'avez qu'à inviter Bush, et là vous ne serez pas déçus !

Publié par marc le 30 janvier 2006 à 10:13

Bonjour,

cet article vous intéressera peut-être

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=11&subid=118&art_id=265741

Bien à vous,
David Descamps

Publié par David Descamps le 30 janvier 2006 à 11:53

@Elf : Votre sentiment vis-à -vis de la police est certainement partagé par beaucoup de monde. Néanmoins, la vision qu'a le public de la police est biaisée par une overdose de télévision et de séries policières absurdes. Ce n'est pas parce que l'on vous pose des questions quant au délit dont vous avez été victime que l'on vous suspecte ou que l'on remet votre aprole en doute. Le policier se doit d'obtenir le maximum de renseignements sur le fait, et cela joue aussi en votre faveur, puisqu'en répondant aux questions de l'intervenant, vous enlevez des doutes dans l'esprit du procureur ou de l'asureur qui vous couvrira.
Quoique vous en voyiez, la police agit bel et bien, et souvent dans l'ombre. Un dealer n'est que le sommet de l'iceberg. Le laisser agir un peu, c'est identifier ses clients, ses fournisseurs, et au bout de la chaîne, les importateurs. Ne croyez pas à ces clichés selon lesquels on laisse filer les indics pour les protéger et/ou couvrir des activités criminelles. C'est de la fiction télévisée. Les indics fournissent souvent des renseignements spontanément, ou parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Huggy les bons-tuyaux, c'est bien beau, mais c'est pur fantasme. Dites-vous aussi que la Justice rattrappe toujours, tôt ou tard, les criminels. Et que ceux que vous voyez agir mainteannt iront certainement séjourner derrière les barreaux demain.

Publié par Ares le 30 janvier 2006 à 12:15

"...Dites-vous aussi que la Justice rattrape toujours, tôt ou tard, les criminels..."

Ça c'est comme croire au Dahu ;-)

La Police comme les Militaires d'ailleurs peuvent ne pas être aimés mais les raisons que vous avancez ne tiennent pas la route. Ils ne sont pas aimés parce qu'ils représentent l'autorité, point barre ! Quand on ne valorise pas l'Autorité on fait face à ce genre d'attitudes d'un bord comme de l'autre. Le professionnalisme rend méfiant et distant, les gros bras donnaient de la confiance et une certaine promiscuité... aussi je pense qu'il est vain d'espérer un changement de mentalité. Les enfants veulent tous être policiers, les Ados attardés se verraient bien dans la peau d'un caïd et les adultes se complaisent dans la délinquance tout en braillant contre l'Autorité. Oui bien sure, c'est une caricature mais...

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 30 janvier 2006 à 18:36