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8 novembre 2005

L'emploi possible de l'armée

A quoi pourrait bien servir l'armée face aux violences urbaines en France ? Cette question a été posée à plusieurs reprises, sur ce site ou ailleurs, et donne parfois lieu à des interprétations erronées. Le souvenir de certaines interventions militaires dans la sécurité intérieure peut également déformer la perspective à leur sujet. Il me paraît donc intéressant d'esquisser l'emploi possible de l'Armée de Terre française dans la situation actuelle, comme de toute armée occidentale en général.

En premier lieu, l'engagement de formations militaires peut se faire de manière subsidiaire, c'est-à -dire en appui des autorités civiles et sous leur responsabilité. Dans ce cadre, l'armée est amenée à fournir des prestations correspondant à des manques ponctuels ou structurels des forces de sécurité civiles. On peut citer ici la surveillance aérienne, avec des hélicoptères (équipés de caméras infrarouges) ou des drones (si l'espace aérien le permet), le transport aérien (pour déplacer des réserves sur de longues distances), le transport terrestre (en prêtant des véhicules, blindés ou non), ou encore le renforcement des organes de commandement ou des échelons sanitaires, que ce soit avec du personnel ou du matériel spécialisés.

Une autre utilisation, toujours subsidiaire mais plus pointue, consiste à remplacer les forces civiles dans certaines fonctions élémentaires afin de libérer leurs effectifs ; autrement dit, se charger des zones calmes pour autoriser l'envoi de renforts en zones sensibles. Au vu des postes de police détruits en France, on pourrait également renforcer la sécurité de ceux-ci avec des dispositifs fixes et dissuasifs, analogues à ceux employés en opération extérieure, en utilisant des barrières pour établir un périmètre sécurisé. C'est par exemple ce que l'armée suisse a fait durant le G8, voici 2 ans, lorsque le centre de commandement de la police de la Blécherette a par exemple été solidement bouclé.

Maintenant, il est aussi possible d'engager l'armée de façon indépendante, en lui confiant la responsabilité de secteurs entiers. Cela implique bien entendu une coopération étroite avec les forces de sécurité civiles, qui ne vont pas pour autant quitter le secteur, mais donne surtout au commandement militaire des pouvoirs très élargis pour faire respecter l'ordre. Il ne faut pas voir nécessairement un tel engagement comme impliquant une sorte de loi martiale, puisqu'il s'agit encore et toujours de maîtriser la violence en utilisant des moyens correspondant à une menace élevée (emploi ponctuel d'armes de guerre). Mais cela se concrétise bel et bien par des formations omniprésentes dans leur secteur, démontrant leur force par des moyens lourds et impressionnants.

Un tel emploi représente l'archétype du double tranchant, du remède de cheval susceptible d'achever le patient traité : soit la présence de la troupe amène effectivement une démobilisation dans les rangs de la partie adverse, en soulignant l'inanité de toute action violente, soit au contraire elle constitue une provocation qui mobilise et fédère toutes les oppositions. De toute évidence, on ne peut la recommander que dans un cas d'extrême urgence, lorsque la survie des institutions est menacée de façon imminente.

La France n'est bien entendu pas dans une telle situation, et je conçois mal qu'elle puisse l'être prochainement. En revanche, un emploi subsidiaire de l'Armée de Terre est une réponse graduée qui offre une option stratégique au gouvernement.

Publié par Ludovic Monnerat le 8 novembre 2005 à 21:00

Commentaires

Oui, c'est le bon sens même et les textes ne prévoient d'ailleurs pas autre chose, Tout du moins en france.

Mais nous n'en sommes pas encore là , et le délais de 12 jours donné par l'état d'urgence devrait théoriquement provoquer l'asphyxie de ce mouvement séditieux sans qu'il soit finalement besoin de recourir aux forces subsidiaires, dites chez nous, de troisième catégorie.

Publié par Winkelried le 8 novembre 2005 à 21:31

On ne peut que l'espérer. Mais je redoute surtout que cette possible asphyxie soit confondue avec un règlement des questions, et que l'urgence de la situation soit rapidement oubliée par d'autres préoccupations, ou d'autres revendications. Auquel cas chaque éruption sera plus violentes que les précédentes. Et le conflit finira bien par avoir lieu.

Publié par Ludovic Monnerat le 8 novembre 2005 à 21:39

C'est pourtant j'en ai bien peur, exactement ce qui va se passer.

Le bateau France, comme de nombreux navires européens fait du cabotage, il navigue à vue, fonctione au coup par coup. Nos politiques connaissent finalement des problèmes identiques à ceux de leur forces de l'ordre: l'activité missionnelle est telle, que dans bien des cas, nous ne faisons que réagir à l'événement, nous ne travaillons plus en profondeur (faute de temps, d'effectifs et d'argent), c'est le syndrôme de la "police secours".

Dès lors, cet incendie (on ne peut décemment parler de flambée de violence!) n'est sans doute que le premier épisode du genre. Il connaîtra, c'est certain, des répliques, en France même, et sans doute ailleurs en europe. Car une fois la "concorde" retrouvée grâce au nouveau plan Marshal pour les banlieues, la grippe aviaire, le chômage, les catastrophes météorologiques, le prix du pétrole et le nombre de mort sur les routes reprendront le dessus. Et chaque parti politique, oublieux des problèmes structurels graves présentement mis en évidence s'attachera avec démagogie mais application à séduir un maximum d'électeurs.

Toutefois, cette aventure pourrait bien laisser des traces importantes dans la perspective des élections de 2007, où la "logique communautaire" risque de reprendre tout son sens.

Publié par Winkelried le 8 novembre 2005 à 21:55

Pour poursuivre la discussion, je conseille la lecture de cet article au vitriol écrit par Ralph Peters, romancier et ancien analyse du renseignement américain, dans le New York Post d'aujourd'hui (http://www.nypost.com/postopinion/opedcolumnists/30898.htm).

Je suis loin de partager toutes ses opinions, qui reflètent notamment une aigreur extrême à l'endroit de la France et s'appuient parfois sur des exagérations et des simplifications manifestes (le principal travers de Peters), mais l'auteur à mon avis a raison lorsqu'il écrit que l'ennemi intérieur de la France a été mobilisé, et que quelque chose a changé.

Alors oui, c'est le premier épisode du genre, et il faut d'ores et déjà se préparer au prochain - tout en écartant les belles âmes qui nous certifieront sont impossibilité.

Publié par Ludovic Monnerat le 8 novembre 2005 à 22:02

Les chêvres, une valeur sûre!

Ca mange n'importe quoi, même le papier, ça grimpe n'importe où, c'est robuste et rustique, ça fait du lait d'où ont fait des fromages ...

Publié par Mikhaël le 8 novembre 2005 à 22:26

By RALPH PETERS
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November 8, 2005 -- FRANCE has cancer and insists it's just a rash. After two weeks of expanding immigrant violence, the government's inept response has turned a local riot into a nationwide insurrection.

French abuse of Arab and African minorities - mostly Muslims - made it only a matter of time before the country's prison-like ghettos exploded. If your skin is brown or black in la belle France, you haven't got a chance at a decent life. Now the wretched of the earth have exploded in rage.


C'est effectivement, pour le moins, assez partisan et sévère. Mais c'est de bonne guerre, les Français n'épargnent pas non plus les américains sur de nombreux dossiers internationaux, ni même sur leur modèle social ou leur communautarisme qui confine parfois à l'apartheid. De plus l'affaire de l'Irak a laissé de part et d'autre de l'atlantique une amertume certaine.

Et, il faut bien l'admettre, nous donnons si souvent, tant par habitude que par nature, des leçons péremptoires au monde entier que nous aurions mauvaise grâce à ne pas accepter la critique (en général, pas celle de Ralph Peters en particulier), surtout lorsqu'elle est fondée.

Nostra maxima culpa!

Publié par Winkelried le 8 novembre 2005 à 22:33

Les exemples donnés en matière de déploiement de l'Armée de Terre sont intéressants.

Il me semble néanmoins que le déploiement de l'Armée de Terre ne sera pas une option retenue par le gouvernement. Même si l'Armée de Terre est forte d'une expérience, acquise à l'étranger, en matière de contrôle de foules hostiles, son déploiement en métropole me parait peu probable pour des raisons politiques et symboliques, tabous qui seraient peut-être dépassés en cas d'emploi généralisé d'armes de guerres par les "voyous".

La mobilisation de 1500 réservistes, policiers et gendarmes uniquement, est également une façon de répondre aux médias et aux français que l'Armée de Terre ne sera pas déployée. La gendarmerie est tout à fait apte à gérer ce type de situation et dispose de l'une des plus grosses réserve en France, son emploi sera donc privilégié à celui de l'Armée de Terre (les réservistes sont d'ailleurs de plus en plus dirigés vers les réserves de la Gendarmerie qui doivent devenir les plus importantes en France d'ici 2015).
Ces restrictions politiques ne changent rien à la fine analyse de Ludovic et à ses idées intéressantes en matière de déploiement progressif et de réponse graduée.

En léger hors-sujet, je suis étonné que les médias, notamment la presse écrite, ne mettent pas plus l'accent sur le fait que la destruction des structures locales qui accueillent les jeunes (bibliothèques, gymnases, salles de boxe) profite directement aux pseudo-religieux et aux patrons de l'économie souterraine qui pourront attirer avec encore plus de facilité des jeunes qui ne seront plus accueillis nul part.

Publié par Mugon le 8 novembre 2005 à 22:52

On vas parachuter la Légion et les Leclercs vont se mettre en route ! :

http://sarkozy.over-blog.net/article-1146437-6.html

Je connaisait le pseudo blog de Chirac mais pas celui la, et des gens sont ont ce site pour argent comptant :(

Publié par Frédéric le 9 novembre 2005 à 0:49

Plus sérieusement; lire les pages 15, 16 et 17
21, 22 et 23 de ce magazine :

http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/publications/cahier_retex/retex10.pdf

Et ce florilége de courts articles de Jean-Marc Tanguy, France Soir :

http://www.armees.com/+L-armee-issue-de-la-Nation-doit+.html

Publié par Frédéric le 9 novembre 2005 à 1:02

Oups, je n'avait pas vue que le dernier lien était donné dans le post de Mr Monnerat; cela m'apprendra à écrire à 1 h du matin ;)

Publié par Frédéric le 9 novembre 2005 à 10:37

Est-ce que l'armée a les capacités pour exécuter les expulsions ordonnées par Sarkozy ?

On peut en effet se demander si les capacités civiles permetteront d'exécuter les rapatriements immédiat demandé par le ministre de l'intérieur...

Publié par Deru le 9 novembre 2005 à 18:16

La, il s'agit de personnes déja interpellé, donc en principe sous la garde de la police. Mais on n'expulse pas les gens comme cela, il va y avoir des recours de la part des avocats.

Publié par Frédéric le 9 novembre 2005 à 20:00