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16 novembre 2005

Forum : l'avenir de l'armée

A la suggestion d'Alex, voici un espace de discussion sur le thème de l'armée suisse. Il se trouve en effet qu'après la Société Suisse des Officiers, l'Union Démocratique du Centre conteste vigoureusement l'adaptation de l'armée annoncée en mai dernier par le Conseil fédéral et visant notamment à séparer les fonctions de défense et de sûreté dans les troupes de combat. Ces déclarations sont reprises et commentées aujourd'hui, notamment dans Le Temps (accès aux abonnés uniquement) et la Neue Zürcher Zeitung. Elles posent plusieurs questions fondamentales sur l'emploi, l'alimentation et l'organisation de l'armée, et montrent que l'approbation de l'Armée XXI par le peuple, en mai 2003, est déjà bien loin.

Le dossier est présenté ici sur le site de l'armée. A vous d'en débattre !

Publié par Ludovic Monnerat le 16 novembre 2005 à 10:09

Commentaires

Le document de l'UDC est disponible ici : http://www.svp.ch/index.html?page_id=2008&l=3
Comme à son habitude, l'UDC critique surtout l'engagement de l'armée en dehors des frontières.
A mes yeux, l'armée représente un instrument qui peut être utilisé aussi bien en Suisse qu'à l'étranger (voir opération Sumatra). Se limiter à des engagements intérieurs revient à n'exploiter qu'une partie des compétences de l'armée. A certaines occasions, une telle attitude pourrait provoquer l'incompréhension de la communauté internationale (en cas de refus d'engagement de troupes lors de catastrophes, pour maintenir la paix, etc.).
Enfin, le seul point qui semble mériter une certaine attention est constitué par ce fameux noyau de 18'500 hommes, destiné à assurer la défense du pays.

Alex

Publié par Alex le 16 novembre 2005 à 15:48

Lorsque mon épouse a rencontré des policiers au cours de son processus de naturalisation, ils lui ont posé la question: a quoi sert l'armée suisse? Elle ne savait que répondre, mais son interlocuteur, avec un clin d'oeil, lui a glissé la bonne réponse: "A défendre la neutralité de la Suisse."

C'est tout simple.

Maintenant, défendre cette neutralité implique-t-il des opérations militaires hors des frontières? Cela a-t-il un rapport avec l'engagement humanitaire au bout du monde, auprès de populations qui ne présentent absolument aucune menace en ce sens? Tout dépend du sens que l'on donne à la définition précédente. Stricto sensu, comme il n'y a dans ces opérations nulle danger immédiat pour la neutralité de la Suisse, on pourrait répondre non. Et dans l'autre sens, en admettant que c'est une forme de prévention (la Suisse montrant son armée, faisant preuve de bons sentiments, déjouant les menaces avant qu'elles ne gagnent en force, etc.) alors on pourrait répondre oui.

Selon les convictions de chacun, la profondeur de l'horizon qu'il se donne (et la compétence qu'il prête aux politiques lorsqu'il s'agit de faire une prévention *efficace*!) on admettra l'intervention de l'armée hors frontières ou on pestera contre son inutilité, voire sa contre-productivité. Ce dernier risque n'est pas à négliger: plus les soldats suisses opèrent à l'étranger dans des missions dangereuses, plus ils s'attireront l'inimitié d'ennemis qui percevront la "neutralité suisse" comme une vaste supercherie.

La question de voir si une intervention suisse à l'étranger fait plus de bien que de mal reste ouverte. Pour l'instant, le gouvernement a pris une attitude prudente et quasiment inattaquable sur le plan de la morale (intervention humanitaire, etc.) mais la porte est entrebaillée; qui sait si demain ce ne sera pas du maintient de la paix en armes avec des morts tant infligés que reçus?

Equilibre subtil entre conseil et action... Tout en restant dans le cadre de la définition de la mission des forces armées, ce qui semble bien paradoxal!

Voilà , je me suis fendu d'une intervention très Suisse. ;)

Publié par Stephane le 16 novembre 2005 à 16:55

Personnellement, je me pose une série de questions, par rapport au billet écrit par Stéphane.
Quel est aujourd'hui le sens de la neutralité helvétique ? Est-ce le moyen de nous retrancher derrière un paravent déculpabilisant ou sert-elle encore de quelconques intérêts ?
Face à certaines menaces (terroristes), la neutralité est-elle encore crédible ?
Ne devrait-elle pas, au minimum, s'adapter à l'évolution de la situation régnant dans le monde et en Europe ?

Alex

Publié par Alex le 16 novembre 2005 à 17:17

Il semblerait que les suppôts du "management participatif" et de ses exigences en terme de "démarche qualité", de "contrats d'objectifs", "d'indicateurs d'efficience" soient parvenus à franchir les Alpes pour finalement s'établir en Suisse...A quand une armée suisse ISO 9002 ?!

Vous avez décidément un réel problème de garde barrière!

Plus sérieusement, à la lueur de ce que j'ai pu observer en France au moment des mutations de notre armée, je puis vous dire ceci:

-1- Ce changement est douloureux, mais il est nécessaire. L'outil de défense doit être mis en adéquation avec les menaces actuelles et à venir. Il est clair que ces dernières sont plus d'ordre interne qu'externe. Nos expériences communes relatives à Davos et aux différents G8 dont celui d'Evian sont assez flagrantes sur ce point, sans parler du terrorisme.
Par ailleurs, le risque extérieur est véritablement réduit pour l'heure, tant pour la Suisse que pour la france. Pour vous en raison de votre neutralité (et du secret banquaire!!) Pour nous, en raison de notre dissuasion nucléaire.
Le transfère de moyens budgétaires et humains s'accompagnant de transferts de compétences entre la Défense et la sécurité intérieure est donc une nécessité, même si c'est un crève-coeur pour bien des militaires et miliciens.

-2- Le paradoxe des Réserves:
Ces dernières vont être en quelque sorte "sacrifiée" sur l'autel des économies budgétaires...Or ce sont elles qui sont sensées assurer la montée en puissance du "noyau" en cas d'agression extérieure. En réduire le format, négliger leur formation continue ainsi que leur niveau d'équipement, constituerait une erreur à la fois stratégique et financière. Stratégique, car au final l'outil ne sera pas calibré pour sa mission, budgétaire car les trop faibles sommes allouées l'auront donc finalement été en pure perte.
La crise des banlieues vient de nous révéler de bien tristes lacunes en la matière...

-3- Le paradoxe de l'UDC: Si cette dernière à effectivement raison de veiller au grain et de soupçonner un affaiblissement "à dessin" de son armée, elle est toutefois dans l'erreur. A mon avis, la cause est déjà entendue et s'est un combat d'arrière garde.
D'autre part, et c'est le point le plus important, il est totalement incohérent de s'opposer à la projection du "noyau" en prétextant que c'est un coût pour la collectivité, sans rapport avec la défense de la neutralité du pays. Garder une armée nombreuse pour des missions actuellement obslètes ne coûte pas moins. Refuser l'opportunité à la fraction "professionnelle" de votre armée, la possibilité de s'aguérir à l'extérieur et d'enrichir son expérience tactique, logistique, sa cohésion, ses connaissances etc. relève de l'absurde. Il n'y a pas meilleur école que celle du terrain, même dans l'humanitaire, pour former à l'opérationnel les officiers, les sous officiers, les soldats et miliciens qui formeront la colone vertébrale de votre dispositif de défence. La plus value que vos gars en retireront, c'est la Suisse, qui en sera fièrement la première et principale bénéficiaire. Cela n'a pas de prix!!

Pour conclure, si effectivement le projet de réforme se concrétise:
-Ne négliger pas vos réservistes, donnez vous les moyens d'en faire des professionnels "à temps partiel", mais des professionnels.
-Faites en sorte que votre noyau de 18 500 hommes soit projetable, mieux, faites qu'il soit projeté, le plus souvent possible et sous les cieux les plus variés!!
- Enfin, songez que les terroristes n'ont que faire des neutralités et que cette dernière ne constitue pas une garantie sérieuse.

Publié par Winkelried le 16 novembre 2005 à 20:46

Au risque de surprendre, au moins une organisation de l'armée a été certifiée ISO, et une bonne partie de l'instruction des cadres est désormais investie dans un processus de certification. Ceci pour le détail.

Quelques mots d'explication sur le noyau. Il s'agit en effet d'une composante spécialisée dans la défense du territoire, qui sera modernisée dans cette perspective, et strictement incapable d'être projetée au-delà de quelques dizaines de kilomètres. Cela peut paraître anachronique d'un point de vue européen, mais l'armée suisse reste toujours orientée sur la défense ou la sécurisation du sol national. L'apport de l'expérience opérationnelle dans des missions de maintien de la paix n'est pas sous-estimé, mais l'envoi de troupes à l'étranger (en-dehors de l'aide humanitaire) n'est soutenu que par une faible majorité de la population, ce qui oblige le Conseil fédéral à rester prudent. De toute manière, à moins de conclure une alliance militaire, la conservation d'une capacité de défense autonome est indispensable. Et les Suisses ne sont pas près de s'allier à l'OTAN... même si la neutralité n'existe pas face au terrorisme islamiste.

Maintenant, j'aimerais apporter quelques précisions sur la question budgétaire. Si l'armée est amenée à se réorganiser de façon aussi radicale, à faire des économies en renonçant à la compétence de défense - c'est-à -dire à la polyvalence - pour une partie des troupes, c'est bien parce que le budget en chute constante de l'armée ne laisse pas d'autre solution. En tant que soldat, je ne peux que rester coi face aux orientations stratégiques revendiquées par un parti politique ou l'autre, même si l'UDC ne se distingue pas par une cohérence absolue. En revanche, je ne peux que relever l'inadéquation qui peut exister dans le fameux triangle de la stratégie militaire, cet équilibre entre les missions, les moyens et les méthodes. Et j'aimerais bien que les partis nous expliquent comment des finances sans cesse plus serrées sont compatibles avec des missions sans cesse plus étendues.

Publié par Ludovic Monnerat le 16 novembre 2005 à 21:16

Bah, c'est peine perdue, les finances ne sont jamais en adéquation avec les missions "toujours plus étendues".

Le budget de la défense fait trop souvent office de variable d'ajustement. Il vient ainsi d'être décidé que le notre serait emputé de plus d'un milliard d'euro au profit du ministère de l'intérieur selon une répartition d'environ 60%/40% pour respectivement la police et la gendarmerie qui si elle fait toujours partie de l'armée, est "détachée" pour emploi auprès de l'intérieur!

Le cas des réserves gendaremerie est chez nous assez frappant. La nouvelle de son déploiement pour épauler les forces de sécurités est un effet d'annonce, rien de plus. Dans la réalité, les gens ne sont pas ou peu formés, ou du moins par pour ces missions, quant à l'équipement, le paquetage individuel est inadapté voire obsolète, l'équipement collectif inexistant ou lui aussi obsolète, notamment les véhicules qui sont récupérés sur les modèles de l'active en fin de potentiel. Elle est essentiellement composée de retraités, de gamins ou gamines issus de nos "emplois jeunes" police ou gendaremerie ou de militaires des autres armes totalement étrangers aux notions de "cadre légal". Bref, une sorte de volksturm, une coquille vide qui n'existe réellement que sur le papier. Il semble cependant y avoir une réelle prise de conscience du problème, un peu partout des cadres, certes anciens mais particulièrement dynamiques et motivés reprennent les choses en main et les budgets, pour une fois, semblent suivre, l'objectif étant une montée en puissance de l'effectif, qui se fera au détriment de la réserve de l'armée de terre. A terme, la gendarmerie sera la principale (en effectif) force armée du pays

Comme vous, je regrette le peu d'échos des militaires auprès des politiques lorsqu'ils arrêtent des stratégies engageant l'avenir de l'outil de défense...

Publié par Winkelried le 16 novembre 2005 à 21:42

Hélas Ludovic, la problématique du financement et de son inadéquation avec les missions à remplir n'est pas l'apanage de notre armée. Les milieux du sport, de l'enseignement et tant d'autres se la posent aussi (avec tout aussi peu de solutions praticables et acceptables par tous).

Sinon, pour ce qui est de l'engagement de nos soldats en dehors du territoire national, et pour continuer sur le premier commentaire d'Alex, je me (vous) pose une question de béotien: n'est-ce pas un plus pour notre armée de pouvoir remplir à l'étranger des missions qu'elles n'aurait pas chez nous? Est-ce que cela ne peut pas servir à accumuler de l'expérience qui, un jour ou l'autre, sous une forme ou une autre, pourra servir à l'intérieur de nos frontières?

Pour en revenir au sujet du billet, l'article 58 de notre constitution dit, alinéa 2: "L'armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix(...)". Voilà un cadre qui, s'il ne change pas, définit au moins sur le fond l'avenir de l'armée suisse. Plus profondément, on le sait bien par ici, c'est plutôt la définition des mots (guerre et paix) qui fluctuent. Un pays peut être en 'paix' et affronter des actes du guerres sur son sol.

Je remarque enfin que dans le document de l'UDC cité: ni le mot 'guerre' ni le mot 'paix' n'apparaissent.

Publié par LolZ le 16 novembre 2005 à 23:23

« Et j'aimerais bien que les partis nous expliquent comment des finances sans cesse plus serrées sont compatibles avec des missions sans cesse plus étendues ». (LM)

La réponse est assez simple. L'armée n'est pas un thème porteur, la défense ne constitue pas une priorité politique, la situation internationale n'incite pas les politiciens à s'intéresser à ce thème. A ceci s'ajoute l'absence de plate-forme de discussion, permettant d'informer et de sensibiliser les politiciens aux besoins de l'armée (Groupe parlementaire).

Autrement dit, sans lobby efficace, il est illusoire de vouloir changer les mentalités!

Alex

Publié par Alex le 17 novembre 2005 à 10:14

A mon avis, l'armée aura toujours sa place et son utilité surtout que la prochaine menace ne viendra pas seulement du terrorisme mais du dérèglement climatique.

Il y a quelque temps, j'ai écouter un intéressant documentaire qui est passé dans l'émission Histoire qui parlait sur la fin du pétrole et une partie intéressante a retenu mon intention, celle concernant un homme s'appelant Andrew Marshall, un des plus hommes les plus influents de la Maison Blanche et ça depuis l'administration Nixon et de son rapport explosif sur le changement climatique :

Quelques points clé du rapport sont :

. Future wars will be fought over the issue of survival rather than religion, ideology or national honor.

. By 2007 violent storms smash coastal barriers rendering large parts of the Netherlands inhabitable. Cities like The Hague are abandoned. In California the delta island levees in the Sacramento river area are breached, disrupting the aqueduct system transporting water from north to south.

. Between 2010 and 2020 Europe is hardest hit by climatic change with an average annual temperature drop of 6F. Climate in Britain becomes colder and drier as weather patterns begin to resemble Siberia.

. Deaths from war and famine run into the millions until the planet's population is reduced by such an extent the Earth can cope.

. Riots and internal conflict tear apart India, South Africa and Indonesia.

. Access to water becomes a major battleground. The Nile, Danube and Amazon are all mentioned as being high risk.

. A 'significant drop' in the planet's ability to sustain its present population will become apparent over the next 20 years.

. Rich areas like the US and Europe would become 'virtual fortresses' to prevent millions of migrants from entering after being forced from land drowned by sea-level rise or no longer able to grow crops. Waves of boatpeople pose significant problems.

. Nuclear arms proliferation is inevitable. Japan, South Korea, and Germany develop nuclear-weapons capabilities, as do Iran, Egypt and North Korea. Israel, China, India and Pakistan also are poised to use the bomb.

. By 2010 the US and Europe will experience a third more days with peak temperatures above 90F. Climate becomes an 'economic nuisance' as storms, droughts and hot spells create havoc for farmers.

. More than 400m people in subtropical regions at grave risk.

. Europe will face huge internal struggles as it copes with massive numbers of migrants washing up on its shores. Immigrants from Scandinavia seek warmer climes to the south. Southern Europe is beleaguered by refugees from hard-hit countries in Africa.

. Mega-droughts affect the world's major breadbaskets, including America's Midwest, where strong winds bring soil loss.

. China's huge population and food demand make it particularly vulnerable. Bangladesh becomes nearly uninhabitable because of a rising sea level, which contaminates the inland water supplies.

Qu'en pensez-vous ?

Publié par nicolas le 14 novembre 2006 à 1:01

@Winkelried
"Il semblerait que les suppôts du "management participatif" et de ses exigences en terme de "démarche qualité", de "contrats d'objectifs", "d'indicateurs d'efficience" soient parvenus à franchir les Alpes pour finalement s'établir en Suisse...A quand une armée suisse ISO 9002 ?!"

Dans les trois dernieres unités que j ai fréquentées ici en France, la demarche iso9002 a été imposée. J ai été, et je suis toujours sceptique sur cette connerie dans des unités militaires! Ce n est pas l industrie! Ce sont des bureaux d études plus ou moins parasites qui se gobergent sur le dos de la Défense!


A une préparation (sport, tirs, entrainement, logistique , maintenance) normé par des textes qui ont leur raison d être (Histoire, géographie, expérience (combat, guerre, crises) , règles morales, philosophie, culture, tactique, stratégie...), on substitue un environnement administratif tel que que les personnels passent leur temps à faire une paperasse d enfer! Les marins et les biffins se sont transformés en engeances paperassières!!! Quand les islamistes débouleront, viendront t ils aussi avec un interface compatible ISO90002?

J ai du mal lire le koran! Car ça ca n y était pas!

Publié par Cincinnatus le 14 novembre 2006 à 22:02

@ Cincinatus:

"Quand les islamistes débouleront, viendront t ils aussi avec un interface compatible ISO90002?"

La perspective est assez plaisante :)

Publié par winkelried le 15 novembre 2006 à 13:34