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26 septembre 2005

L'extraction de personnel

Notre cours est entré dans sa dernière ligne droite, en l'occurrence les différents outils de planification et de conduite des opérations. Aujourd'hui, nous nous sommes penchés sur la planification à moyen terme en effectuant quelques unes des étapes de ce processus long et complexe - bien plus long et complexe dans l'OTAN que dans l'armée suisse, d'ailleurs. Notre mission consistait à planifier, dans le cadre d'une mission de maintien de la paix se déroulant dans la partie sud de l'île de Madagascar, l'extraction d'un contingent d'observateurs non armés de l'ONU engagés dans deux enclaves dans lesquelles des minorités étaient menacées de subir les effets d'une purification ethnique rampante.

Puisque nous nous situons à l'échelon opératif, il ne s'agissait pas de concevoir en détail cette opération, mais bien de répartir les tâches entre les différentes composantes de forces, étant entendu que la composante terrestre, la composante maritime - avec son groupe de forces amphibie - et la composante d'opérations spéciales avaient toutes trois la capacité de mener à bien l'essentiel des actions, et donc de faire office de composante supportée (une manière de répartir l'effort principal à l'échelon de la CJTF). Malgré cela, la tâche était des plus ardues : les deux enclaves se situent à plus de 500 km l'une de l'autre, les observateurs sont positionnés dans un terrain utilisé par des guérillas employant le terrorisme, et les pays où se trouvent ces enclaves n'ont pas la capacité ou la volonté d'appuyer l'action de notre force.

De ce fait, la directive de planification signée par le SACEUR - le commandant suprême des forces alliées en Europe, en l'occurrence le général Wesley Clark, car le scénario de l'exercice date de 1999 - imposait de constituer une force d'extraction suffisamment dissuasive pour empêcher toute escalade de la violence, ce qu'un milieu semi-permissif ou non permissif aurait naturellement favorisé. Notre groupe a dès lors développé trois variantes générales, l'une axée sur une extraction terrestre des observateurs (héliportée et routière), l'autre sur une extraction maritime (héliportée et amphibie), et la troisième sur une action éclair de forces spéciales, infiltrées discrètement au préalable, appuyées par une démonstration de force aérienne, et secondées au besoin par des forces de réaction rapide terrestres et amphibies. On devinera aisément à quelle variante, plus sophistiquée et sexy que les autres, j'ai le plus contribué!

Ce type d'opération est naturellement d'une grande complexité. Il présente une similitude avec les opérations d'évacuation de non combattants (NEO), bien que l'extraction d'une force organisée - et identifiée par des tenues orange - facilite les choses. Il s'agit de distinguer trois éléments : la concentration du personnel dans des points de rassemblements, l'extraction proprement dite vers une zone sécurisée hors du secteur menacé (typiquement, une base d'opérations avancée) et le transport du personnel vers la destination finale. Dans le scénario, les observateurs sont censés se rendre d'eux-mêmes dans les points de rassemblement, ce qui est hautement douteux. Raison pour laquelle il s'est avéré nécessaire de prévoir des détachements de forces spéciales pour la recherche et sauvetage, ce qui inclut la libération de personnes.

Une autre planification nous attend demain, avant de passer mercredi à la conduite. Une fin de cours intéressante.

Publié par Ludovic Monnerat le 26 septembre 2005 à 21:58

Commentaires

oh oui, que je l'imagine bien, la "variante sophistiquée et sexy"...!

;-)

Bonne fin de cours!

Publié par Robert le 27 septembre 2005 à 0:16

"Montrer sa force pour ne pas avoir à l'utiliser", mais cela risque aussi d'étre prit pour une provocation par les populations locales si elles ne savent pas que l'on ne vient pas pour les agressé.

Avez vous prévu les "publics relations" ?

Publié par Frédéric le 27 septembre 2005 à 20:22

Oui, les opérations d'informations et l'information publique (pour reprendre les appellations OTAN) sont intégrées à chaque opération d'ensemble. Et c'est vrai que la différence entre dissuasion et provocation peut parfois être très ténue... c'est là que l'ouverture d'esprit ("cultural awareness", disent-ils par ici) revêt une importance centrale.

Publié par Ludovic Monnerat le 27 septembre 2005 à 23:39