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6 juin 2005

Dans l'Å“il du cyclone

Nous avons commencé ce matin à travailler sur notre simulateur, le Joint Theater Level Simulation (JTLS). Il s'agit d'un outil développé aux Etats-Unis par le Joint Forces Command et utilisé de façon croissante au sein de l'OTAN (le Collège Interarmées de Défense à Paris notamment l'emploie). Ce système de niveau opératif est conçu pour entraîner les états-majors interforces et les composantes de forces dans tout le spectre des opérations contemporaines ; pour ce faire, il intègre 10 acteurs différents avec un degré d'hostilité totalement variable et permet de simuler en temps réel toutes leurs interactions possibles sur une surface de 3400 km sur 3400. Bien entendu, le JTLS exige une infrastructure non négligeable : 6 employés civils d'une société privée et 6 contrôleurs militaires (des colonels de réserve américains), en plus des 3 chefs de groupe et de 2 directeurs d'exercice fournis par l'école, sont nécessaires pour faire tourner l'ensemble. De quoi faire travailler les étudiants de façon intensive !

Comme prévu, notre force multinationale s'est en effet trouvée confrontée à une situation plutôt délicate, et le rôle du centre d'opérations interforces multinational (CJOC) consiste à évaluer en permanence cette situation pour prendre à temps les mesures nécessaires, qu'il s'agisse de demandes de renseignements, d'échanges d'informations ou d'ordres partiels. Durant les quelques 6 heures d'opérations qui ont été simulées aujourd'hui, les événements qui se sont produits étaient assez peu nombreux - environ une trentaine - mais plusieurs d'entre eux nécessitaient des actions majeures. Un massacre commis dans deux localités différentes par des rebelles fanatiques a ainsi jeté sur les routes plusieurs dizaines de milliers de personnes, la poursuite d'intempéries massives menace de faire déborder un barrage dont la zone d'inondation est habitée par une vaste population (et l'équivalent de 2 bataillons de notre force), alors que les réticences et difficultés de l'une des parties signataires de l'accord de paix à retirer ses troupes nécessitent une action ferme et mesurée.

Gérer de tels événements et préparer les décisions du commandant impliquent une circulation optimale de l'information au sein d'un petit état-major tel que le jouent les 3 groupes de participants. Dans chacun de ceux-ci, un personnage joue un rôle-clef en assurant la distribution des tâches, la synchronisation des connaissances et le suivi des crises : le chef d'état-major, ou le directeur du JOC comme il est appelé ici. Ayant l'honneur redoutable d'occuper cette fonction (ce n'est pas la première fois qu'un Suisse le fait, m'a soufflé le chef de groupe en fin d'après-midi!), je me suis trouvé dans l'Å“il du cyclone pendant toute la journée, à force de lire, d'analyser, de prioriser et d'exploiter la masse d'informations très diverses, souvent lacunaires et incertaines (et donc réalistes), que comporte le scénario de l'exercice. On ne sort pas de telles séquences sans être un brin lessivé, mais la journée s'est bien passée, et notre groupe a réussi à traiter de façon adéquate - quoique souvent sans respecter le formel un brin étrange des documents OTAN - la totalité des événements, parvenant même à émettre en 2 heures un ordre partiel de 3 pages pour l'emploi de 2 brigades.

Mais demain est un autre jour!

Publié par Ludovic Monnerat le 6 juin 2005 à 20:17

Commentaires

Très impressionnant. Décidemment, en plus de ses autres qualités, ce blog (carnet si vous préférez) est une vraie plongée dans un univers professionnel complètement étranger à l'immense majorité de ses lecteurs.

Publié par KB le 7 juin 2005 à 14:16