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2 mars 2005

Le démontage des Puma

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MEDAN - Depuis lundi, l'activité principale du contingent tourne autour du démontage des Super Puma, de la préparation des containers pour le matériel et de la coordination du transport aérien pour le retour en Suisse ; accessoirement, l'état-major procède également à l'évaluation de l'opération (after action review) et identifie les premières leçons devant être tirées. Cette période de repli se déroule très bien, entièrement en accord avec le plan horaire défini, et présage favorablement de la suite des activités. Pourtant, alors que la Suisse connaît un mois de mars incroyablement froid (-33,7° à La Brévine la nuit passée, ai-je appris voici quelques minutes par SMS), le climat à Medan s'est encore réchauffé ces derniers jours, au point que les travaux de démontage s'effectuent dans une température qui dépasse désormais les 40°. Malgré cela, la motivation des mécaniciens ne faiblit pas, d'autant qu'une partie d'entre eux ne sont qu'à quelques jours de leur retour en Suisse.

Ce démontage consiste essentiellement à retirer des Super Puma le rotor principal dans sa totalité ainsi qu'une partie du rotor arrière avec le stabilisateur horizontal, afin de réduire les dimensions en hauteur et en largeur de l'appareil et donc pouvoir le faire entrer dans la cale d'un avion de transport. Des éléments internes sont également enlevés, dont le plus important est le réservoir supplémentaire. Il s'agit d'un travail exigeant, qui nécessite plusieurs outils spécifiques comme une grue pour le rotor, et qui prend un peu plus d'une journée de travail pour une équipe comptant une dizaine de mécaniciens expérimentés. Les spécialistes des Forces aériennes, qui commencent le travail dès 0645 pour profiter de la température un peu moins élevée, exécutent cette tâche à un rythme constant, chacun affairé à une partie précise de l'appareil en cours de traitement.

Naturellement, il faut un avion de transport d'une taille énorme pour ainsi "avaler" des hélicoptères moyens et les ramener en Suisse. Pour le trajet aller, c'est un avion géant de type Antonov AN-124 qui avait été utilisé, ce qui constituait une première pour l'armée suisse ; par la suite, trois vols avec des Iliouchine Il-76 ont été affrétés pour livrer les grandes quantités de matériel nécessaires à la conduite et à la logistique des opérations aériennes. En fait, presque toutes les armées européennes présentes en Asie du Sud pour contribuer à l'aide humanitaire ont eu recours à la location d'avions d'origine russe - même si l'état de ceux-ci laisse parfois sérieusement à désirer. On peut notamment citer le cas de la France, qui malgré son levier aérien militaire à base de Transall C-160 et d'Airbus A-310 a dû payer des rotations par Antonov pour déployer son contingent de l'Armée de Terre à Sumatra. Il est vrai qu'un Transall en panne stagne depuis 2 semaines sur l'aéroport de Medan !

La planification exacte du vol retour doit encore être coordonnée au niveau du trajet, ce qui implique potentiellement des démarches légales en raison des escales - mais le conseiller juridique (ou legal adviser) de la TF SUMA est revenu hier, après une absence de 2 semaines, notamment pour régler ces questions. Les complications avec les services indonésiens des douanes imposent d'ailleurs la présence continue d'un avocat. En revanche, le plan de chargement a été précisément défini sur place, et la TF n'attend plus que l'arrivée d'un officier des Forces aériennes maîtrisant parfaitement le russe pour être prête à charger les Super Puma et les containers. Concrètement, cela signifie que le retrait d'un contingent déployé à plus de 10'000 kilomètres du pays avec 50 militaires, 3 hélicoptères et plusieurs dizaines de tonnes de matériel est simple dans la conception et complexe dans l'exécution. Les difficultés administratives sont d'ailleurs plus importantes que les difficultés techniques.

Au retour de la TF SUMA, et après l'aboutissement du processus d'évaluation, cette méthode de chargement pour le déploiement sera parfaitement rôdée et susceptible d'être déclenchée en quelques jours pour une autre opération imposant un déploiement rapide à l'étranger. En venant à Sumatra, l'armée suisse a considérablement augmenté son savoir-faire en matière de projection, et aussi sa réputation à pouvoir intervenir de manière efficace dans une situation de crise se déroulant sur un autre continent. Cela signifie que la probabilité de voir une telle opération se reproduire dans un avenir proche s'accroît dans l'exacte proportion du succès obtenu ici. La décision du Conseil des Etats de réitérer son appui à l'achat de deux petits avions de transport Casa C-295, prise lundi avec une majorité renforcée, montre sans aucun doute que la classe politique a été sensible à ce succès.

Publié par Ludovic Monnerat le 2 mars 2005 à 13:22

Commentaires

Le soutien renforcé du Conseil des Etats à l'achat de deux avions de transport est effectivement encourageant. Il faudra toutefois attendre le vote du Conseil national, qui se déroulera lundi prochain 7 mars, avant de mesurer jusqu'à quel point la classe politique suisse aura été sensibilisée par le succès du déployement de l'armée en Indonésie... Pour rappel, lors de sa dernière prise de position, la Chambre du peuple avait refusé l'acquisition des Casa C-295 par 100 voix contre 76. C'était le 16 décembre 2004. Soit dix jours avant le tsunami...

Publié par Myriam le 2 mars 2005 à 23:54