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10 février 2005

La vérité sur Dresde

Trois jours avant le 50e anniversaire du bombardement de la ville de Dresde par les Alliés, le Telegraph a publié sous la plume de l'historien militaire et journaliste Patrick Bishop une excellente analyse des enjeux représentés par cet événement. Il montre en particulier comment ce bombardement est aujourd'hui décrit par certains partis politiques comme un acte vengeur et gratuit, et comment sa perception évolue dans le public allemand. Lorsque 27% des Allemands de moins de 30 ans voient ce bombardement comme un holocauste, on mesure à quel point la réécriture de l'histoire peut servir des intérêts actuels.

Spécialiste de la Royal Air Force, Bishop rappelle ainsi que la ville de Dresde constituait une cible à la fois légitime et utile :

The historiographical trend, culminating in Frederick Taylor's superb recently published study, dispels any lingering notions about Dresden's innocence. It was an early convert to Nazism. Its factories pumped out high-tech war materials and, alongside the refugees, its buildings were crammed with administrators organising the last-ditch resistance. The railways running through it could funnel troops to the East to block the Russian advance - hence the Soviet request nine days earlier for an Allied attack.
Dresden, then, was a legitimate target within the context of the war as it was being fought, and Bomber Harris set about attacking it in conventional fashion. The 796 Lancasters he dispatched were, by that time, not an outstandingly large force. The fate of the city was ultimately sealed by a combination of the weather (which cleared, giving good bombing conditions), the use of incendiaries and the absence of serious anti-aircraft defences or bomb shelters.

Comme il l'explique, le livre publié ce mois par Frederick Taylor (Dresden: Tuesday, February 13, 1945) reconstitue en détail le bombardement de la ville, montre qu'il a entraîné la mort d'environ 25'000 personnes (et non 250'000) et dément la désinformation qui entoure l'événement. Pour vérifier l'utilité de la campagne de bombardements alliés en Allemagne, dont Dresde n'est qu'un petit élément, on lira avec intérêt le livre exceptionnel de l'historien Richard Overy (Why The Allies Won), qui consacre un chapitre au sujet et conclut à leur importance décisive dans la réduction du potentiel militaire allemand.

COMPLEMENT I (12.2) : Comme l'a relevé Robert ci-dessous, Frederick Taylor a accordé un entretien au Spiegel dans lequel il décrit la complexité consistant à parler aujourd'hui de ce thème. Extrait :

Some people mistake the attempt at rational analysis of a historical event for a celebration of it. My book attempts to be distanced and rational and where possible I try to separate the myths and legends from the realities. I personally find the attack on Dresden horrific. It was overdone, it was excessive and is to be regretted enormously. But there is no reason to pretend that it was completely irrational on the part of the Allies. Dresden had war industries and was a major transportation hub. As soon as you start explaining the reasons for the attack, though, people think you are justifying it.

On notera qu'il rejette fort logiquement toute la récupération dont ce bombardement fait aujourd'hui l'objet.

Publié par Ludovic Monnerat le 10 février 2005 à 16:18

Commentaires

Je ne vois pas trop l'utilité de parler de "cible légitime" dans ce contexte. Il est clair que l'Allemagne d'aujourd'hui a découvert ce sombre chapitre qu'est la fin de la guerre et les médias allemands en sont ravis.

Je pense par contre qu'il n'y a pas de mal de constater que les civils allemands ont, eux aussi, souffert énormément de la guerre. Cette constatation peut être faite en toute humanité sans enlever aux allemands leur responsabilité. Mais les atrocités subies par les civils (des femmes, des enfants, des vieux) et essentiellement commises par l'armée rouge (p.ex. les viols en masse et utilisés comme véritable arme de guerre psychologique) et le bombardement d'installations purement civiles ne sont pas justifiables par la nécessité militaire.

Ce qui me mène au bombardement de Dresden:

Il est vrai que Dresden était une ville importante, spécialement au niveau férroviaire, reliant p.ex. la Silésie avec le reste du "Reich" et Berlin avec Prague. MAIS: Le bombardement - sans précédent - de la nuit du 12/13 février 1945 visait tout sauf des installations industrielles et férroviaires ou d'autres cibles militaires. En fait il s'agissait de deux vagues de bombardiers anglais qui se concentraient exclusivement sur le centre de la vieille ville. En voyant les cartes de l'attaque distribués aux équipages avant l'ataque, on se rend très bien compte de la cible désignée. On sait par ailleurs à quoi ressemble une vieille ville européenne de cette grandeur - ce n'est pas Paris ou Berlin, ça ressemblait bien plus à Zurich p.ex. Donc un grand nombes de ruelles étroites, de vieux bâtiments residentiels, plusieures églises, le château, l'opéra, etc (même un zoo, un lion s'est enfui après l'attaque!)... On chercherait en vain une usine ou des casernes, tout cela se trouvant ailleurs (au bord de la ville notamment). La gare ne se trouvait qu'à la périphérie de l'attaque. La seule cible de l'attaque était donc la population civile - à exterminer dans un nombre le plus élevé possible. En s'entraînant sur d'authentiques villages-cible construits à cet effet en Angleterre, la RAF avait mis au point des méthodes pour savoir comment détruire des maisons de la manière la plus effciace: d'abord des bombes explosives, pour hôter les toits, ensuite des bombes ressemblant au napalm, pour faire flamber. Le resultat voulu (et obtenu) était une véritable tempête de feu qui aspirait tout: débris, voitures, êtres humains. Dresden a été décrit comme une "unique torche". Ce qui aggravait la situation, c'est qu'un nombre considérable de réfugiés de Silésie se trouvaient en ville (les russes ayant lancé leur offensive sur Breslau quelques jours auparavant). Ces civils-là ne disposaient pas d'abris désignés et ont donc en grande partie vécu l'attaque "live", exposés dans les rues de la ville ou dans le jardin zoologique (un parc énorme ou ils fallait enjamber les cadavres pour se mettre à couvert...). Certains ont même essayé de trouver refuge dans l'Elbe glaciale ou l'ont traversée à la nage parce que la rive nord "brûlait moins". On imagine la température de l'eau à cette saison...

Les deux attaques nocturnes de la RAF ont donc bel et bien ravagé ce qui était à l'époque une des plus belles villes d'Europe - sans viser de cibles militaires. C'est en revanche la troisième vague - américaine celle-ci - qui, le matin suivant, a tenté d'exécuter un semblant de bombardement tactique...

Je ne vois donc pas d'alternative que de considérer l'attaque sur Dresden comme un crime contre l'humanité, une véritable boucherie voulue. Il ne s'agit pas d'excuser les Allemands, mais il faut oser discuter objectivement de tous les actes de cette guerre. Il va de soi que les Anglais voulaient entre autres venger Londres, Coventry, la défaite de Dunkerque, etc., qu'ils voulaient rapidement terminer cette guerre etc. C'est compréhensible. Mais ce n'est pas parce que les victimes parlaient allemand qu'il ne s'agissait pas d'un crime de guerre.

Par souci de transparence, je dois dire que ma grand-mère avait 22 ans quand elle a vécu cet enfer et qu'elle m'en a beaucoup parlé. Ces propos (et ceux de sa cousine également présente sur les lieux) rejoignent en grande partie les faits reconnus par les historiens. Les deux femmes affirment par contre en plus avoir été attaquées par des avions de chasse qui se seraient donné au tir de pigeon en attaquant individuellement des groupes de civils à la mitrailleuse, dans le parc et au bord de l'Elbe. C'est un fait dont témoigne d'ailleurs un grand nombre de personnes de cette nuit. Toutefois, les historiens semblent avoir pu démontrer que cela ne s'est pas produit, leurs arguments sont assez logiques et libres de toute approche politique... Je précice toutefois que ma grand-mère a encore tous ses esprits!

Pour ceux que le sujet intéresse, je conseille notamment le livre de Götz Bergander, "Dresden im Luftkrieg", Cologne, 1994.

Publié par Robert Desax le 10 février 2005 à 17:38

J'attendais ton intervention, Robert...

Je n'arrive pas non plus à trouver une réelle justification à ce bombardement de civils délibéré, si ce n'est, peut-être, de décourager les Allemands et accélérer la fin de la guerre de quelques semaines.

A l'époque, certains commandants, en négligeant les voies ferrées des camps d'extermination et en se concentrant sur les populations, ont manqué l'occasion de rentrer dans l'histoire pour leur moralité.

Publié par Ruben le 10 février 2005 à 17:59

N'ayant lu ni le livre de Taylor, ni celui de Bergander, je ne saurais me prononcer sur des questions de détail quant au ciblage de la ville et des méthodes utilisées. Il faut replacer le cas de Dresde dans la série des bombardements dits stratégiques de la Seconde guerre mondiale, qui ont commencé avec Londres et qui se sont achevés à Nagasaki. On ne peut pas affirmer, Robert, que prendre une ville pour cible d'un bombardement est un crime contre l'humanité parce qu'il occasionne la mort de civils : il s'agit d'évaluer la nécessité militaire et les effets obtenus en regard des pertes engendrées (en admettant que l'on applique le droit des Conventions de Genève, ce qui me semble un brin problématique puisqu'elles datent de 1947 ; le droit de La Haye apparaît plus indiqué).

En d'autres termes, est-ce que la destruction de Dresde a servi l'effort de guerre allié au point de justifier la mort de milliers de civils ? Il faudrait pour cela évaluer la réduction de la capacité militaire nazie et l'abrègement des hostilités face aux 25'000 morts du bombardement. Mais même cette méthode ne représente-t-elle qu'une approche a posteriori, alors que Dresde constituait un élément parmi d'une campagne de bombardement dont les effets étaient justement très difficiles à prévoir. Le maréchal Harris n'a guère été honoré pour ses actions. Parler de crime contre l'humanité est en tout point outrancier ; crime de guerre, peut-être, à condition de prendre en compte les perceptions et les valeurs de l'époque (et l'obligation du Gouvernement allemand de protéger les non-combattants...).

Maintenant, en matière de bombardement, il faut également noter que la RAF n'a jamais réussi à maîtriser le bombardement "de précision" (tout est relatif) avec des appareils lourds durant la Seconde guerre mondiale, et qu'elle a résolu le problème en multipliant les avions et le tonnage de bombes. Le viseur Norden des B-17 américains, qui a déclenché dès les années 30 une recherche fiévreuse dans la précision des bombardements aux Etats-Unis, n'a pas eu d'équivalent en Europe. Entre 1943 et 1945, les bombardements avaient en général une précision chiffrée en kilomètres ; bombarder de jour améliorait la précision, mais au prix de pertes rapidement insupportables. Les nuits de bombardement en Allemagne, comme Dresde ou Hambourg, correspondaient donc à une réduction généralisée des capacités d'une ville - sa production, ses administrations, et aussi sa population. Parler de ciblage délibéré de la population civile ne correspond tout simplement pas aux capacités de l'époque.

Enfin, si la destruction de Dresde est aujourd'hui qualifiée de manière péjorative, il reste à imaginer des stratégies alternatives pour le commandement allié de la Seconde guerre mondiale, qui en février 1945 n'apercevait aucun signe d'effondrement dans les combats menés en Allemagne, qui venait d'émerger de la surprise des Ardennes et qui sortait également de la Conférence de Yalta. Le jugement ne saurait se départir des conditions de l'époque.

Publié par Ludovic Monnerat le 10 février 2005 à 20:52

Je comprends bien-sûr que toute action militaire risque d'entraîner la mort de civils. Et il est clair qu'il faut parfois faire le calcul "cynique" que les Américains ont probablement fait en partie du moins à Hiroshima et Nagasaki, selon lequel il vaut mieux faire mourir quelques dizaines de miliers de personnes maintenant que des centaines de miliers plus tard (en conquérant les îles japonaises p.ex.). Si les morts sont du côté de l'ennemi, c'est, hélas, tant mieux, cela fait partie des malheureuses lois de la guerre. Il faut en plus tenir compte du fait que notamment l'Europe se trouvait en état de guerre totale.

Néanmoins, par rapport au cas concret de Dresden, ce que je critique, c'est d'avoir délibérément visé les civils en voulant en tuer le plus possible. Je n'arrive pas à expliquer pourqoui on aurait sinon visé uniquement les quartiers que l'on a effectivment pris pour cibles. À mon sens, le but de cette opération n'était pas un but "stratégique" ou au moins militaire, mais pure souffrance. Le Air Marshal Harris a apparament eu des propos à ce sujet à peine ambigus. Que l'on ait placé cette souffrance dans un cadre plus large, notamment en voulant briser le morale et la volonté allemande, soit. Je pense toutefois que détruire les villes allemandes n'était pas un moyen proportionné (comme cela a d'ailleurs également été fait à Tokio).

Est-ce que cela avait au moins une utilité sur le plan militaire, une utlité qui pourrait finalement justifier toute cette horreur? Bien qu'étant assez bon connaisseur de la deuxième guerre mondiale je n'ose pas m'avancer sur ce point, je ne le nierais donc certainement pas non plus. Il est finalement assez inutile de vouloir brièvement "analyser" l'impact qu'a pu avoir le bombardement des villes allemandes sur la victoire des alliés. Je risquerais de quitter le terrain du scientifique et de me retrouver très vite dans un débat de croyances.

Je ne veux par ailleurs en aucun cas faire le procès de la RAF. Les Anglais (et notamment la RAF!) ont eu des mérites énormes durant cette guerre. Mais je pense qu'il faudrait oser évoquer la possibilité que ces opérations (dont une s'intitulait "Gomorrhe" contre Hambourg...) constituaient une énorme erreur d'appréciation et finalement, à mon sens, un crime contre l'humanité [le fait que les Conventions de Genève n'existaient pas encore importe peu, le terme a aussi été utilisé à Nuremberg et surtout, et j'en conviens volontiers, c'est un pur jugement de valeur rétroactif]. Mais il est clair que l'on est toujours beaucoup plus malin par la suite...

P.S. Si je peux me permettre: les Conventions de Genève datent de 1949 ;-)

Publié par Robert Desax le 10 février 2005 à 22:36

Les stratéges d'avant guerre comme Douhet en Italie et Mitchell aux USA avait conceptualisé la l'attaqus systématique des centres urbains et industrielles adverses supprimant toutes distinctions entres combattants et non combattants, ces attaques devaient plonger dans la confusion l'ennemi et détruire son moral.

Le fait est que, à part le raids sur Asterdam en 1940 qui fit capituler les Pays Bas en 3 jours, le bombardements de civil n'a pas eu l'effet escompter.

Publié par Frédéric le 11 février 2005 à 11:59

Ce qu'il me paraît utile de relever ici est le moment, le contexte actuel.

L'humanisation d'Hitler (la Chute), la déshumanisation de l'action des alliés (Dresde) de même, d'ailleurs, que toutes les recherches historiques (plus ou moins) révisionnistes en la matière, sont des entreprises qui témoigneraient d'un certain sens, en soi honorable, de l'humanisme et du goût de la vérité historique! si les Juifs pouvaient vivre en paix dans leur pays, dont personne ne remettrait plus en question la légitimité.

Mais dans le contexte actuel, ce sont autant de manifestations d'antisémitisme.

Publié par ajm le 11 février 2005 à 14:38

?
Je ne vois pas vraiment le rapport avec l'antisémitisme dans les questions abordées ci-dessus...

Publié par Robert Desax le 11 février 2005 à 15:26

En condamnant le bombardement allié comme une action inutilement assassine, on victimise l'Allemagne nazie. Ce faisant, on atténue sa responsabilité, on amoindrit l'horreur de ses crimes, on prépare l'apologie de la Shoah.

Je pense que ce processus, en soi naturel - il est bon, au fond, que l'humanité se pardonne ses crimes, après les avoir expiés - est déplacé aujourd'hui, et même malintentionné, alors que l'antisémitisme ambiant commence à ressembler à celui du début du siècle passé.

Publié par ajm le 11 février 2005 à 20:26

D'accord sur le fait que l'antisémitisme revient en force depuis quelques temps.

Je crois cependant qu'il est possible de questionner ces bombardements sur les populations civiles allemandes sans pour autant participer au renouveau de l'antisémitisme. L'un n'implique pas l'autre.

Il me semble bien comprendre le phénomène dont vous parlez à propos de la révision de l'histoire, mais dans le cas des bombardements des villes allemandes du nord, il ne s'agit pas de cela.

Publié par Ruben le 11 février 2005 à 21:25

Reprenons (je rentre à l'instant de Lucerne, mais j'ai réfléchi à la chose aujourd'hui). Puisque tu endosses le rôle du procureur, mon cher Robert, laisse-moi celui de l'avocat, même si je n'ai pas ta formation de juriste. Essayons de défendre la décision du Gouvernement britannique de détruire Dresde, comme d'autres villes, dans sa campagne de bombardements dits stratégiques.

En premier lieu, il s'agit de se représenter les perceptions des Britanniques. Soumis au "blitz" depuis 1940, puis aux terribles vagues de V1 et de V2, qui feront 30'000 morts dans la population londonienne (tout compris), les Britanniques se trouvaient au début de 1945 dans leur 6e année de guerre, et leur épuisement flagrant - toutes les ressources du pays étant pleinement engagées - contrastait avec la résistance farouche dont témoignait l'Allemagne nazie. Alors que l'on comptait à l'automne 1944 avoir terminé à Noël la guerre en Europe, la contre-attaque des Ardennes a lézardé la confiance. Il faut en finir : voilà le sentiment de l'époque.

Ensuite, il s'agit d'évaluer les armes disponibles pour ce faire. Les bombardiers sont alors l'arme offensive par excellence, capable de porter le feu et la destruction au coeur du territoire ennemi. Comme l'a écrit Frédéric plus haut, les théories de Giulio Douhet sur la puissance aérienne sont en vogue durant la Seconde guerre mondiale, et les Alliés sont persuadés qu'aux destructions matérielles des bombardements s'ajoute un épuisement psychologique qui hâtera la victoire. C'est uniquement après la guerre que l'on mesurera à quel point cela n'était pas le cas ; à l'époque de Dresde, on croit que les bombardements jouent un rôle décisif. En tout cas, les aviateurs y croient, et ils sont encore les seuls à frapper profondément le Reich.

Par ailleurs, il faut parler plus en détail de ces bombardements. Confrontés à l'impossibilité de détruire une cible précise, les aviateurs britanniques ont mis au point le bombardement de zone pratiqué de nuit, dont la précision moyenne était de 8 km au moins, mais qui dégageait un tel tonnage (800-1000 bombardiers à 4-8 tonnes chacun) que l'objectif finissait au pire par être endommagé. En même temps, ces longs vols de bombardement engendraient des pertes considérables : en moyenne, 5% des bombardiers de la RAF (les Américains ont initialement subi des pertes proportionnellement doubles). Autrement dit, les pertes subies par la population civile - et gonflées par la propagande allemande - passaient souvent au second plan : les chances d'un équipage de bombardier de survivre étaient à terme si minces que cela constituait leur principale préoccupation.

Enfin, il convient de rappeler que les campagnes de bombardements, tout comme la protection des convois ou le déploiement des divisions terrestres, avaient à l'époque une approche mécaniste, presque désincarnée. En 1942, le maréchal Harris avait par exemple affirmé que 6000 bombardiers lui suffisaient pour mettre l'Allemagne à genoux. Des calculs de tonnage, de destruction brute, de production industrielle étaient les variables privilégiées ; elles fonctionnaient pour la bataille de l'Atlantique, pour l'équipement des nouvelles unités, mais pas pour les bombardements stratégiques. Les Etats-Unis devront passer par le Vietnam pour le reconnaître, et encore.

En définitive, quels que soient les crimes dont on accuse les Britanniques à Dresde, il me semble au minimum que des circonstances atténuantes doivent leur être accordées, probablement au point d'aboutir au nom lieu. C'était une guerre totale, une lutte à mort, une escalade monstrueuse qui a mis au monde l'arme nucléaire. Il faudrait juger les fauteurs de guerre - et ceux qui l'ont laissé être préparée - avant de condamner ceux qui l'ont menée et subie.

Publié par Ludovic Monnerat le 11 février 2005 à 22:08

Bien d'accord avec vous, Cher Lt Col, mais parler de révisionisme à propos de la "redécouverte" de ces bombardements est à mon sens parfaitement déplacé.

Le passé n'est pas une matière souple, quand bien même certains contextes politiques poussent les gens à insister sur tel ou tel aspect de leur histoire. Cette exploitation du passé au profit de (mauvaises) causes politiques doit à juste titre stimuler le sens critique, mais les faits eux-mêmes n'en demeurent pas moins réels.

A un moment où plus que jamais, l'histoire est en phase de ré-écriture quotidienne afin de légitimer de nouvelles pleutreries, défilades ou autres lâchetés, quand il ne s'agit pas purement et simplement de distorsions abjectes (je pense principalement à Israël), un simple rappel de faits avérés, opportuniste ou non, me semble personnellement un moindre mal.

Publié par Ruben le 12 février 2005 à 0:32

Vous justifiez votre position en évoquant des comportements de toute évidence condamnables - «pleutreries, défilades ou autres lâchetés, (!) distorsions abjectes» - mais indéfinis et desquels «un simple rappel de fait avérés» est censé prendre le contre-pied.

Mais de quoi parlez-vous? La solidité de votre argumentation dépend du bien-fondé de votre jugement sur les comportements en question, que vous ne faites que sous-entendre. Ce type de rhétorique est tout à fait irrecevable. En êtes-vous conscient? Dans quelle mesure?

Publié par ajm le 12 février 2005 à 7:22

Quand je vois le retournement de situation opéré par les médias à propos d'Israël, je n'ai en effet pas peur de parler de "distorsion abjecte". Comment cet îlot de démocratie noyé dans une mer de dictatures plus ou moins obscurantistes, ce petit état de droit sans pétrole survit depuis 1948 à une guerre permanente menée contre lui par un monde arabe qui ne sait pas trouver d'autre excuse à son propre échec social, politique et économique. Comment le nombre de victimes israéliennes, composé largement par des civils fauchés par la barbarie, est comparé aux nombre de morts arabes, composé, lui, par une majorité de tueurs en série. Comment les médias osent qualifier ces gangsters sans scrupules ni sentiment humains, capables d'incendier leur propre soeur autant que d'envoyer leurs enfants au suicide pour assassiner d'autres gamins, "d'activistes". Comment un parrain mafieux mégalomane ayant tué, volé, et triché toute son existence jusqu'à mentir à propos de son propre lieu de naissance a pu être encensé par une presse consensuelle. Comment un président français ose, en désigant une association de mafaiteurs exportant de la drogue incitant à la haine et tuant autant qu'elle le peut au profit d'une théocratie paranoïaque (le Hezbollah), parler de "grand rôle social à encourager". etc.

Peut-être que les fameuses distorsions vous échappent toujours; en ce qui me concerne, elles sont on ne peut plus claire.

Et quand je parle de pleutrerie ou de lâcheté ( vous avez eu la finesse d'esprit de comprendre qu'il ne s'agissait pas de compliments, et soyez-en félicité ), je pense particulièrement à la politique de l'autruche que je perçois en ce moment en Europe. Soyons lucides, et, puisque vous semblez aimer les comparaisons avec la seconde guerre, et bien je dirais que les nazis n'ont pas été guéris à Münich avec des grands mots, mais bien à partir de 1943-1944 avec de grands soldats.

Publié par Ruben le 12 février 2005 à 8:11

C'est un malentendu. Nous sommes parfaitement d'accord. Dans ce contexte, en effet, dès lors, en tout cas, qu'il a été précisé comme vous l'avez fait ici, l'étude du cas de Dresde est un moindre mal.

Avec mes compliments

Publié par ajm le 12 février 2005 à 11:30

Ludovic, je ne voulais pas faire une sorte de procès historique aux anglais. J'avoue qu'en utilisant le terme de crime contre l'humanité, j'ai précisément fait le contraire. Mais je ne vais pas prendre le rôle de procureur (qui m'est tout sauf sympathique) ou, pire encore, de défendeur de la position allemande (qui, j'en conviens, est parfaitement indéfendable). Je pense qu'il est toujours suspect quand les juristes (et parmis eux surtout les juges) s'en prennent à l'histoire. Car c'est souvent au service du politiquement correct et au détriment d'un effort d'objectivité. Il serait p.ex. totalement déplacé de vouloir jugé Churchill ou Harris en personne pour les bombardements stratégiques.

J'aurais donc plutôt dû parler de catastrophe humanitaire (si on peut encore utiliser ce terme dans ce contexte historique) et inutile.

Toutefois, il est vrai qu'il y a parmi les actions de la guerre (entre autres) certaines qui se justifient et d'autres qui s'excusent. Probablement que Dresden fait partie de le deuxième catégorie. Il faut toujours, comme tu l'as très bien fait Ludovic, tenir compte du contexte historique. Mais il ne faut pas mettre un jugement de valeur avant l'analyse historique. Celui-là devrait à la limite intervenir après.

Je signale encore que le Spiegel dans sa version éléctronique en anglais, publie une interview avec Frederick Taylor sur la question: http://service.spiegel.de/cache/international/0,1518,341239,00.html

Publié par Robert Desax le 12 février 2005 à 13:21

Concernant Dresde, les autoritées Allemande craignent des manisfestations de l'extréme droite.

Publié par Frédéric le 12 février 2005 à 17:37

Cela est à peine étonnant; l'extrême droite et, depuis plsu de 50 ans, l'extrême gauche en Allemagne de l'est instrumentalisent "Dresden" pour leurs buts respectifs. Ce qui est nouveau, c'est que des parlementaires du Landtag de Saxe (parlement régional) soutiennent et justifient la perception néo-nazie (ces gens-là parlent de "Bombenholocaust" et de génocide dont les Allemands auraient été victime...).

On n'est pas sorti de l'auberge...

Publié par Robert Desax le 12 février 2005 à 18:15

Il me semble que M. Robert Desax et le Lt. Col. Monerat ont bien fait l'exemple de la réalité du cas Dresde. Et qu'on ne peut objectivement pas juger les décisions militaires de l'époque à travers le prisme de notre vision actuelle. La guerre mondiale de l'époque, comme nos conflits d'aujourd'hui, regorgent d'actions peu glorieuses et malheureusement la donne ne changera pas de sitôt.

L'instrumentalisation grossière du bombardement de « Dresde » par les extrêmes (qui disposent d'élus) reste une « action » facile allant dans la mouvance européenne du retour à l'antisémitisme et (pléonasme) aux racismes, permettant de « gonfler » artificiellement le nombre d'adhérent à ces idées! Bref, de faire un coup. Le plus affligeant étant que cela fonctionne, on ne leurs à jamais autant offert de tribunes médiatiques, quant cette période.

Publié par ZC le 14 février 2005 à 2:40

« Quand je vois le retournement de situation opéré par les médias à propos d'Israël, je n'ai en effet pas peur de parler de "distorsion abjecte". !une guerre permanente menée contre lui par un monde arabe! victimes israéliennes, composé largement par des civils fauchés par la barbarie! aux nombre de morts arabes, composé, lui, par une majorité de tueurs en série! ces gangsters sans scrupules ni sentiment humains, capables d'incendier leur propre sœur autant que d'envoyer leurs enfants au suicide pour assassiner d'autres gamins, "d'activistes"! Comment un parrain mafieux mégalomane ayant tué, volé, et triché! une association de malfaiteurs exportant de la drogue incitant à la haine et tuant autant qu'elle le peut au profit d'une théocratie paranoïaque!Peut-être que les fameuses distorsions vous échappent toujours; en ce qui me concerne, elles sont on ne peut plus claire. »

Donc à vous lire, la distorsion fait sur le cas d'Israël ou du bombardement de la ville de « Dresde », permettant à l'antisémitisme, le plus abjecte, de s'exprimer pleinement sous le couvert de cette « action » militaire (ou d'autres) est totalement injustifiable, voir pire ! Tendis que vous-même vous permettez une distorsion parallèle, qui vous permet de réduire des populations entières (constituée d'individus, tous dissemblables, un peu comme partout sur terre) en une seule catégorie résumée en « arabes » est d'agir comme ceux que vous critiquer ?! On pourrait facilement remplacé « distorsion » par « raccourci ». L'un n'excuse pas l'autres. JAMAIS !
« Faut-il rappeler que rien n'est simple et que tout est compliqué »! . Ceci étant dit, la poudrière du Moyen-Orient est un sujet sans fin et reste éloigner de la « question » de Dresde.


« Et quand je parle de pleutrerie ou de lâcheté ( vous avez eu la finesse d'esprit de comprendre qu'il ne s'agissait pas de compliments, et soyez-en félicité ), je pense particulièrement à la politique de l'autruche que je perçois en ce moment en Europe. Soyons lucides, et, puisque vous semblez aimer les comparaisons avec la seconde guerre, et bien je dirais que les nazis n'ont pas été guéris à Münich avec des grands mots, mais bien à partir de 1943-1944 avec de grands soldats. »

Je serai plus tendre que vous, avec l'Europe au sens large. Pour commencer, l'Europe puissance n'est plus qu'un doux souvenir, voir une occasion ratée. De plus, nous même « bon » citoyen helvétique, ne le sommes pas au sens politique et chaque état à sa propre vision, pour ne pas dire chaque habitant. Je ne parlerai pas non plus de l'ensemble européen où chacun intervenant tire dans son sens. Nos « durs » réalités économiques, politiques et sociales, nous font stagnés dans un récent intérêt à s'occuper/juger l'étranger ! « Nous » critiquons les USA et les anglo-saxons pour leurs économies inhumaines et leurs politiques « unilatéralistes », bref nous les envions! Nous nous focalisons sur « l'Islam », le monde arabo-musulman et les difficultés du tiers-mondes, tout en niant nos propres retours (et montée) aux populismes et a une certaines rigidités du « Dogme ». Sans oublier nos propres difficultés! Il est plus urgent de traiter le cas (larvé) de dizaine de familles de sans papier et de requérants, tout en occultant les difficultés sociales et le chômage galopant!. C'est plus la difficile constatation, que malgré « les efforts » de « l'Europe » les années 2005+, ne ressemblent en rien aux glorieuses de 1905+. Nous n'arrivons plus « à lutter » comme un acteur majeur, alors nous nous « crépons les chignons » sur des détails « d'importance » comme le retour à l'effroyable « Dresde » (Il est important de ne pas minimiser se bombardement, mais se limiter à celui-ci est tout aussi contre productif). Il est certain que dans une Europe performante, où tout le monde travail/mange/vis correctement, nos priorités et nos perceptions serait tout autres!

Publié par ZC le 14 février 2005 à 3:46

ZC,

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« Faut-il rappeler que rien n'est simple et que tout est compliqué »! . Ceci étant dit, la poudrière du Moyen-Orient est un sujet sans fin et reste éloigner de la « question » de Dresde.
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Il est clair que parler d'Israël dans une suite de commentaires sur les bombardements de Dresdes est hors-sujet.
Cela dit, je pense que vous n'avez pas tout à fait saisi mon idée. Ce n'est pas moi qui ai commencé à parler d'antisémitisme à ce propos, et le but de mon intervention consistait surtout à dire où je voyais, de mon côté, une forme d'antisémitisme et de révisionisme latent; et c'est à ce titre que j'ai évoqué les fameuses "distorsions abjectes" dont Israël est la malheureuse victime.
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Tendis que vous-même vous permettez une distorsion parallèle, qui vous permet de réduire des populations entières (constituée d'individus, tous dissemblables, un peu comme partout sur terre) en une seule catégorie résumée en « arabes » est d'agir comme ceux que vous critiquer ?!
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Le monde est ainsi fait que nous avaons besoin de noms pour exprimer les choses. Si le terme "arabes" (du reste incomplet, puisqu'il faudrait y ajouter les Perses) vous déplaît, disons que je vous propose de le remplacer par Syrio-libano-séoudo-yéméno-omano-katario-irano (etc etc...)-pakistanais, par exemple. C'est plus clair, plus politiquement correct, mais aussi plus long et à mon sens moins élégant comme formulation. Pour faire plus court, on pourrait aussi remplacer le mot "arabes" par l'expression "pays sans ambassade en Israël". Dans tous les cas, nous parlons des mêmes pays.

Pour le reste de vos remarques, il me semble que nous sommes d'accord.

Ruben Begert.

Publié par Ruben le 14 février 2005 à 5:17

Mon père était à Halle dans une usine de caoutchouc (classe 42) et il se souvient très bien du bombardement de leipzig 1 an avant ou le jour s'est levé à 11h du matin, personne ne comprenait pourquoi.
Il m'a toujours dit que les 130'000 mort de Dresde (au moins selon lui) lui restera une incompréhension, il n'a jamais compris pourquoi, 2 jours avant les accords de Yalta étaient signés et dans son camp "ca sentait la fin, c'était fini" comme il m'a toujours dit.
A Dresde il n'^y avait rien....RIEN...
Pas de Dca, pas d'artillerie.
A noter le lendemain le raid des chasseurs américains mitraillant les habitants évacuant la ville , une torche brulante.
Alors dites ce que vous voulez dont ce Bishop qui semble soit être soit un ignorant, soit un menteur, dont je tiens à dire que Churchill lui même a déclaré plus tard que c'était parfaitement inutile, mais je prefere croire mon père et d'autres témoignages proches que cette légende qui voudrait que la ville de Dresde représentait une menace et ou il n'y a eu que 35'000 mort (20'000 l'autre soir sur A2).
Cette manipulation de l'histoire est parfaitement ignoble.

Publié par xc le 21 février 2005 à 20:58

je dirai qu'effectivement ce bombardement et les autres ( hamburg nagasaki ...) peuvent etre qualifiés de crimes contre l'humanité.Je croi qu'il est necessaire de prendre conscience du fait que les alliés ne voyaient plus la fin de la guerre.Ils étaient démoralisés eux aussi.Cela n'excuse pas mais permet de comprendre le comportement allié.Bien sur que ce massacre n'a rien amené de bon pour la stratégie Allié, je pense également que l'argument selon lequel la précision était de l'ordre du kilometre est a rejeter car sinon quelle virtuosité des bombardiers ce soir là si je puis me permettre.De nuit, sur une ville pas si grande que ca, et ils ont tout rasé sauf l'église!!! Non ils etaient tout à fait precis! je pense simplement que ce bombardement leur a paru justifié sur le moment.Le bilan fut horrible,mais la guerre est horrible, et c'est souhaitable qu'elle le soit car sinon on en ferait a tour de bras! et d'ailleurs.On dit que ces bombardements n'ont rien apporté mais je dirai au contraire que c'est cette horreur des bombardements et de toutes les autres actions entreprisent ayant entrainé la mort de millions d'innocents,qui nous a permis d'éviter de recommencer.Car je croi que nous avons recus une terrible lecon, que malheureusement nous oublions peut à peut.
Ce bombardement est un crime contre l'humanité, mais s'il s'était agit de 25 000 soldats, ce serait toujours un crime contre l'humanité! La guerre est un crime contre l'humanité et quelle que soit la cible d'attaques militaires, c'est toujours un crime contre l'humanité!

Publié par maxov le 26 octobre 2005 à 21:22

L'histoire est écrite par ceux qui gagnent les guerre et celle du bombardement de Dresden aussi. L'Histoire est devenue dogmatique et exprimer le bon sens devient de plus en politiquement incorrect et révisioniste. Ce que je pense, c'est qu'une guerre capable de produire de telles horreurs, de tels crimes, n'est pas une guerre "ordinaire" mais une lutte entre deux messianismes qui ne pouvait se terminer que par la disparition de l'un ou de l'autre et que pour cela, tous les moyens étaient bons. Aucun des camps n'est excusable dans l'absolu, mais le survivant est bien obligé de s'absoudre d'une façon ou d'une autre comme nos députés s'aut-amnistient de temps à autre.
Relire les textes de propagande et d'incitation à la haine "ethnique" d'ylia Ehrenburg qui ne faisait aucune différence entre soldat, femme, enfant et vieillard pourvu qu'ils soient allemands dont il préconisait le massacre est instructif sur le climat de l'époque. Le bombardement de Dresden a eu lieu. Il n'est pas le seul... il y en aura d'autres et si on veut faire l'économie de la compréhension de ce qui s'est produit, tout cela recommencera, d'une manière différente, bien sur, mais sur les mêmes fondements. L'antisémitisme est loin d'être mort, et ce qui reste du peuple allemand ne s'y risquera plus. Mais attention au Monde arabe, attention au devenir du sous-continent indien, attention au monde asiatique.Le libéralisme économique n'est pas forcément synonyme de notre soi-disant démocratie


Publié par andré heymes le 9 janvier 2006 à 19:01