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6 janvier 2005

Irak : un claquement de doigts

Un excellent reportage dans Stars & Stripes sur une patrouille américaine à Bagdad montre la dualité des soldats dans les conflits de basse intensité : à la fois militaires et humanitaires, bienfaiteurs et interrogateurs, souriants et menaçants, en passant de l'un à l'autre le temps d'un claquement de doigts. Cet article ne donne que la perspective américaine, mais il résume bien les activités quotidiennes des troupes.

Pour être plus précis, les formations militaires modernes doivent être capables de simultanément déployer trois types d'actions dans un secteur donné : la coercition (ou l'usage décisif de la force), la contention (ou la maîtrise de la violence) et la coopération. Les Forces armées américaines ont désigné sous le terme de "three-block war" cette réalité qu'elles vivent au quotidien en Irak et en Afghanistan.

La principale difficulté consiste non seulement à réussir le passage délibéré d'un type d'engagement à l'autre, mais à le faire également en guise de réaction à des activités hostiles. Le claquement de doigts peut fort bien provenir d'une attaque ennemie, ou de la suspicion d'une telle action, au cours d'activités planifiées. Et ce sont d'un seul coup d'autres comportements, d'autres positions et d'autres règles d'engagement qui doivent être adoptées - ce qui exige une doctrine claire, un entraînement intensif et des soldats de qualité pour être maîtrisé.

Le point essentiel à ne pas perdre de vue est le suivant : l'emploi des armes, l'acquisition du renseignement ou les chasses à l'homme ne sont pas des mesures offensives dans un tel contexte, mais au contraire défensives ; c'est la reconstruction, l'aide humanitaire, le développement économique, l'éducation et la participation politique qui forment la véritable offensive, celle qui touche le coeur et l'esprit de la population, et donc le centre de gravité de toute opération de stabilisation.

Une compréhension qui manque à la plupart des "bilans" que l'on peut lire, entendre ou voir sur l'Irak, parce qu'ils se concentrent sur quelques incidents marquants au lieu de prendre en compte l'essentiel.

COMPLEMENT I : Pour souligner mon propos, l'agence AP rapporte qu'un groupe islamique radical s'est rendu dans la province d'Aceh pour contribuer à l'aide humanitaire en cours. Une offensive mineure, mais à prendre en considération.

Publié par Ludovic Monnerat le 6 janvier 2005 à 18:57

Commentaires

Le tsunami montre aussi la difficulté pour les laïcs (dont je suis: j'ai beaucoup appris sur ces questions grâce à vous depuis 2 ans) à appréhender cette diversité. A cet égard j'ai été amusé de voir les réactions contrastées de Andrew Sullivan (qui se considère toujours comme de droite même s'il a appelé à voter Kerry), http://www.andrewsullivan.com/index.php?dish_inc=archives/2005_01_02_dish_archive.html#110480961765372773 et http://www.andrewsullivan.com/index.php?dish_inc=archives/2005_01_02_dish_archive.html#110487247089265429, et de Arthur Chrenkoff (qui témoigne que l'on peut être de droite et pourtant plus humain que certains homme de gauche)http://chrenkoff.blogspot.com/2005/01/startling-discoveries-about-soldiers.html au témoignage de ce militaire confiant qu'il préférait sauver des vies plutôt que faire la guerre...

(Désolé, c'est un peu chenil, mais à en croire la prévisualisation vos commentaires ne prennent pas le html...)

Publié par François Brutsch le 6 janvier 2005 à 23:21