« Irak : un claquement de doigts | Accueil | Déploiements militaires en Asie »

6 janvier 2005

Les journalistes-combattants

Le site HonestReporting.com vient d'épingler le quotidien britannique de gauche The Guardian pour un mensonge caractérisé dans un incident survenu hier dans le conflit israélo-palestinien. Un article a en effet affirmé qu'un char israélien a tiré sur des enfants en train de cueillir des fraises, alors qu'en réalité ce sont des combattants palestiniens tirant au mortier qui ont été pris pour cibles. Pour HonestReporting, ce sont ces manipulations quotidiennes qui expliquent pourquoi le public britannique a une opinion aussi mauvaise d'Israël.

En fait, le Guardian n'a rien fait d'autre que propager la version palestinienne des faits sans la relativiser avec la version israélienne, et donc sans la vérifier - dans la mesure du possible. Ce comportement est d'autant moins admissible que les Palestiniens ont derrière eux une longue histoire d'allégations outrancières et de mensonges caractérisés, comme l'a démontré le cas du faux massacre de Jénine, qui d'ailleurs rebondit avec la plainte de soldats israéliens contre un réalisateur palestinien propagateur de telles manipulations.

Nous vivons désormais à une époque où la couverture de l'actualité est influencée par des opinions politiques et des objectifs militants, sans que ceux-ci ne soient ouvertement proclamés ; on remarque d'ailleurs que quand Ignacio Ramonet tente de décrire ce mal sournois dans Le Monde Diplomatique, il omet soigneusement d'examiner le comportement de la presse française quant à l'Irak ou à l'Afghanistan, alors même que ses manipulations ont été démontrées - notamment par Alain Hertoghe. Les médias sont devenus des protagonistes dans la lutte pour les perceptions, et les journalistes des combattants de la persuasion.

Ce statut explique en partie pourquoi les reporters sont de plus en plus victimes des conflits. La disparition apparente de l'envoyée spéciale de Libération en Irak, Florence Aubenas, rappelle que la sécurité physique des journalistes est une manière courante d'orienter la couverture médiatique. En même temps, les écrits de Mme Aubenas montrent bien qu'elle aussi tente d'influencer le public dans le sens de ses opinions : en écrivant hier que "plusieurs groupes armés de la minorité sunnite ­[...]­ menacent tous ceux qui participeront au vote tant que les Américains occuperont le pays", elle déforme complètement le message des terroristes qui refusent toute élection démocratique, indépendamment de la présence américaine.

Ces dérives déontologiques se font en définitive au détriment des médias eux-mêmes. En perdant la neutralité et l'objectivité de leur démarche, les journalistes se divisent automatiquement en opposants et en soutiens d'une idée, d'un parti, d'un gouvernement ou d'une armée, et sapent la crédibilité de leurs contributions. Ce qui, avec la perte du monopole de l'information, les place sur une pente dangereusement glissante, ne serait-ce que sur le plan économique.

Publié par Ludovic Monnerat le 6 janvier 2005 à 19:49

Commentaires

à lire

Publié par p le 28 janvier 2005 à 16:59