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9 novembre 2009

Les raisons de la vraie chute

Alors que les célébrations de la chute du Mur de Berlin vont bon train, il vaut la peine de s'intéresser aux véritables raisons de cet événement, qui annonçait l'effondrement du Pacte de Varsovie. La fin de cette prison géante qu'était l'Allemagne de l'Est ne saurait être travestie en victoire de la désobéissance civile, du pacifisme, des bons sentiments : la vraie question est de savoir pourquoi la révolte des Allemands de l'Est en 1989 n'a pas été écrasée par les chars comme celle des Hongrois en 1956, des Tchécoslovaques en 1968 ou celle des Polonais en 1980. Ce n'est donc pas l'opposition des peuples aux régimes communistes qui était le facteur déterminant, vu qu'elle s'était manifestée dès les années 50, mais bien l'incapacité soudaine de ces régimes - et notamment du plus puissant d'entre eux, point de mire planétaire de tous les croyants de l'idole collectiviste - à perpétuer leur emprise sur ces peuples.

L'Union soviétique du début des années 80, celle qui a permis au général Jaruzelski de contenir la révolte en Pologne, paraissait d'une puissance irrésistible : elle venait d'envahir l'Afghanistan pour se rapprocher d'un accès au Golfe et renforcer sa position stratégique, elle contrastait outrageusement avec les États-Unis toujours hantés par l'échec vietnamien et humiliés par la prise d'otage en Iran, et plusieurs experts des questions de défense au sein de l'OTAN annonçaient à grands cris le danger d'une infériorité militaire irrémédiable face au Pacte de Varsovie. Les Jeux Olympiques de Moscou, en partie boycottés, étaient le symbole de l'Est triomphant par opposition à l'Ouest déclinant. Les dirigeants momifiés comme Brejnev, immuables sentinelles érigées par la Grande guerre patriotique, assistaient en silence au spectacle de leur puissance militaire. L'indigence insupportable des populations soumises au communisme était largement ignorée.

L'Union soviétique de la fin des années 80, celle qui a laissé le Mur de Berlin être abattu, symbolisait au contraire une impuissance fatale : elle se retirait d'Afghanistan après perdu 16'000 hommes et ses rêves de conquêtes, elle contrastait tristement avec un Occident en pleine révolution technologique et transfiguré par l'informatique et les télécommunications, et ne parvenait plus à cacher l'échec monumental du communisme, à la surprise générale de ses thuriféraires de par le monde et de ceux - immensément nombreux - qui avaient cru à ses apparences. L'aura de victoire inévitable, l'impression d'incarner le sens de l'histoire, étaient balayés par le marasme économique et par la défaite militaire. Un dirigeant jeune et dynamique comme Gorbachev devait admettre la faillite du régime qui l'avait porté au pouvoir. L'aspiration des populations à goûter la liberté incarnée par l'Ouest s'était même étendue aux forces armées, gardiennes ultimes des tyrans.

Que s'est-il passé pendant cette décennie décisive ? On pourrait le résumer par l'échec des armées, par la banqueroute du système et par l'exode des esprits.

En vérité, le régime communiste est-allemand et ceux qui l'entouraient se sont effondrés parce que ceux qui étaient chargés de les perpétuer, c'est-à-dire de les imposer, ont fini par ne plus y croire. Au grand désespoir des exaltés ayant placé leur existence individuelle, leur rôle sur cette terre, sous le signe de l'idéologie collectiviste. Et sans pouvoir effacer les dizaines de millions de victimes ayant payé le prix d'illusions tellement séduisantes que d'aucuns souhaitaient et souhaitent encore les imposer.

Publié par Ludovic Monnerat le 9 novembre 2009 à 21:21