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9 octobre 2009

Le prix Nobel de l'apaisement

L'attribution du prix Nobel de la paix 2009 à Barack Obama est l'un de ces événements qui montrent à quel point certains esprits laissent leurs inclinations teinter et gauchir leur perception du monde. Apparemment, il n'était pas possible au jury norvégien d'attendre qu'Obama fasse quelque chose avant de lui décerner cette récompense, dont le prestige est certes bien terni ; il fallait bien maintenant montrer à quel point l'élection du personnage annonçait à elle seule une ère nouvelle, une promesse de paix imminente, à l'opposé des 8 années précédentes de la présidence américaine.

Je pense que mon analyse de novembre 2008 expliquant la perception d'Obama par celle de Bush reste valable dans son diagnostic :

"Il est un aspect frappant du manichéisme médiatique qui retient l'attention : alors que depuis presque 8 ans George W. Bush est présenté comme le summum de la bêtise, de l'obscurantisme et de la haine, en bref comme la source de tous les maux, Barack Obama a rapidement été paré des attributs propres à l'intelligence, à la modernité et au respect, étant même érigé en symbole de tout ce que l'Amérique a de bien. D'un côté le Mal (et pas malin, en plus !) et de l'autre le Sauveur. Faut-il donc s'étonner qu'au lendemain de son élection certains de nos médias se demandaient si Obama pourra sauver le monde ?
Cette rhétorique messianique, qui justifie tous les raccourcis et tous les accommodements avec la réalité pour atteindre l'hagiographie, est ainsi le syndrome inverse de la diabolisation de Bush et consorts. Il lui succède de façon logique : pour tirer un trait définitif sur un Mal épouvantable, il fallait un Bien hors du commun - et peu importe que ce dernier doive beaucoup à l'imaginaire et s'applique à un homme dont finalement on ne sait pas grand chose. Le délire anti-Bush a mené à l'adoration pro-Obama."

Nous ne sommes pas encore sortis de cette phase pathologique, au vu de ce prix Nobel déconnecté du monde réel. Peu importe que le bilan de l'administration Obama en matière de paix internationale soit pour l'instant égal à zéro : cela ne peut être qu'un état tout provisoire. Peu importe que le mythe Obama repose sur les apparences, et que derrière se cache une machinerie politique et financière particulièrement rouée : les juges norvégiens se satisfont des promesses. Obama a été élu pour ce qu'il paraît être, et c'est sur la base de ses discours, de ses écrits ou des apparitions qu'il est "jugé". Les actes ne comptent pas.

A tout prendre, le jury du prix Nobel aurait pu mentionner que la Suisse s'est fortement engagée pour le rétablissement - désormais imminent - des relations diplomatiques entre la Turquie et l'Arménie, une initiative qui contribue effectivement, quoique de façon modeste, à la paix dans le monde. Mais ce n'est pas cette paix, faite de labeur discret et modeste, d'écoute et d'obstination, qui intéresse les bien-pensants d'Oslo : la paix qu'ils ont choisi de récompenser sur la scène internationale n'est autre que celle distillée par Barack Obama dans leur propre esprit.

Mais ce prix Nobel de l'apaisement ne sera pas de tout repos...

Publié par Ludovic Monnerat le 9 octobre 2009 à 17:10