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5 octobre 2009

La projection d'une puissance multiforme

Les activités d'aide humanitaire d'urgence, illustrées par l'engagement actuel de la Chaîne suisse de sauvetage, bénéficient presque universellement d'une image flatteuse qui rejaillit sur le pays qui en est à l'origine. Sauver les vies d'autrui, ou à tout le moins tenter de le faire dans des conditions difficiles et risquées, est un narratif très efficace. Les fonds promptement rassemblés et distribués suite à une catastrophe, même s'ils s'inscrivent dans une autre dimension temporelle, n'ont pas le même impact. Oserais-je cependant avancer une expression quasi blasphématoire en affirmant qu'on assiste ici à une projection de puissance particulièrement bien adaptée à la situation ?

Bien entendu, je ne prête aucune visée sordidement intéressée aux Confédérés qui œuvrent en ce moment à Sumatra, dont certains ont d'ailleurs leur bureau bernois à quelques mètres du mien. Je dis simplement que déployer en quelque 48 heures un détachement de 120 spécialistes en recherche et sauvetage en milieu urbain à 10'000 km de la Suisse est une performance appréciable et appréciée. Et que la bonne volonté suscitée par de telles actions, produit typique de la puissance douce tant vantée ces dernières années, ne saurait être naïvement détachée de ses retombées potentielles sur le plan économique et diplomatique. L'augmentation des échanges commerciaux avec l'Indonésie depuis 2004 semble le souligner.

Le terme de puissance suscite toujours un réflexe de rejet dans bien des sphères, comme si les rapports de forces entre nations - ou entre individus - étaient une chose néfaste, à bannir au plus vite. Pourtant, la Suisse est bien une puissance économique et financière, de tout premier ordre sur le plan qualitatif, et c'est de la sorte qu'elle est perçue et parfois combattue au-delà de nos frontières ; les assauts répétés sur le secret bancaire et sur la concurrence fiscale le montrent clairement. Dans la mesure où un franc sur deux gagné dans ce pays est issu de l'exportation, notre intérêt est de bien comprendre les rapports de forces qui expliquent cette réalité satisfaisante et exploiter au mieux nos vecteurs de puissance.

Nous n'en sommes sans doute pas encore là dans notre compréhension des outils en mains de la Confédération, qui pourtant joue au-delà des frontières un rôle totalement différent de celui, judicieusement équilibré par le fédéralisme, qu'elle assure dans le pays. Les lâches capitulations devant la Libye du colonel Kadhafi ne s'expliquent-elles pas avant tout par une vision sectorielle, à court terme et marquée par le dilettantisme ? La Suisse a suffisamment de ressort et d'opportunités dans le monde pour ne pas devoir s'agenouiller devant un dictateur illuminé et vautré sur les réserves pétrolières de son pays. A condition bien entendu d'accepter d'entrer dans le jeu que jouent toutes les nations, toutes les sociétés et tous les individus.

Un jeu dans lequel nos cartes sont plutôt bonnes...

Publié par Ludovic Monnerat le 5 octobre 2009 à 11:25