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10 septembre 2007

Cocorico pour la Suisse !

C'est en cas ce que l'on peut en conclure en lisant le dernier billet de Jean-Pierre Chevallier sur son nouveau blog (le précédent ayant été supprimé pour des raisons pour le moins obscures) :

"La Banque Nationale Suisse mène une politique monétaire a priori normale depuis que la crise du subprime s'est manifestée, ce qui montre que le système bancaire suisse est fondamentalement sain, contrairement à ce qui se passe dans le reste de l'Europe et en Amérique du Nord."
"L'Helvétie bancaire reste propre en ordre : c'est encore le meilleur refuge du monde pour les capitaux. Comment font les petits Suisses, cernés de toutes parts, pour ne pas sombrer dans les turpitudes européennes ?"

Comment ? Probablement en s'inspirant du passé, en capitalisant (c'est le cas de le dire) sur une solide tradition en la matière, mais aussi en évitant les changements trop rapides, en s'adaptant progressivement à la nouveauté sans pour autant trahir les principes qui ont fait l'efficacité de leur place financière. Le Suisse est naturellement conservateur, méfiant, prudent, peu émotif, économe, calculateur, même s'il est capable de grands élans d'ouverture, de changement, d'innovation et de générosité face à des situations qui l'exigent. C'est donc, à moins que je ne m'abuse complètement, l'identité nationale suisse qui fonde en premier lieu ce meilleur refuge du monde, grâce à la stabilité qu'elle suppose. Ou comment ces caractéristiques à première vue ternes, voire risibles, sont une source de succès.

Cette valeur ajoutée à la constance et à la mesure révèle en fait une stratégie. On dit souvent que la Suisse n'a pas de stratégie, qu'elle n'a pas lieu d'en avoir ; on répète d'un air entendu certaines maximes à propos de l'Helvétie ("petits pays, petits soucis"), sans se rendre compte qu'il y a bien une approche générale relevant de la pensée stratégique, même si l'on s'y est tellement habitué qu'on ne l'identifie plus comme telle. Comment un pays dépourvu de presque toute ressource naturelle et outrageusement dépendant de l'extérieur (important aujourd'hui 100% de son énergie fossile et 40% de sa nourriture) pouvait-il atteindre une quelconque prospérité sans se rendre attractif aux yeux d'autrui, et donc sans se différencier par des atouts gagnants à long terme ? Une île au sein de l'Europe ne peut être isolée si elle offre des avantages uniques.

La stratégie suisse est plus éloquente pour qui s'intéresse à l'histoire militaire et aux dispositifs de défense préparés et adoptés depuis l'époque du général Dufour, tant la dimension économique y est étroitement intégrée. Mais c'est surtout la recherche de l'indépendance et la conviction en notre différence qui restent la marque d'une visée stratégique à part entière, et (encore) couronnée de succès. De quoi en revenir au cocorico... :-)

Publié par Ludovic Monnerat le 10 septembre 2007 à 21:10

Commentaires

L.M. a écrit:"La Banque Nationale Suisse mène une politique monétaire a priori normale depuis que la crise du subprime s'est manifestée, ce qui montre que le système bancaire suisse est fondamentalement sain, contrairement à ce qui se passe dans le reste de l'Europe et en Amérique du Nord."

Il me semble que la BNS ait vendu récemment une partie de l'or qu'elle détenait, ce qui n'est pas très raisonnable car (si j'ai bien tout compris), elle a récupéré en échange des billets verts. Et quand on connaît les risques de dévaluation du dollar US...

Une petite appartée sur l'une des rares actions du Sinistre de l'économie Sarkozy en 2004: liquider les derniers lingots d'or de la banque de France à une époque où tout le monde tentait (et tente toujours, la Russie achetant une tonne d'or par semaine, pouvant passer à 5t au besoin) de se débarraser de ses dollars. Il s'agit purement et simplement d'un dumping monétaire en faveur du dollar. De là à y voir un signe d'allégence...

Pour en revenir au système bancaire suisse, j'ai aussi cru comprendre qu'il n'a pas versé dans les excès anglo-saxons et espagnols du crédit immobilier hypothécaire (la France non plus du reste) mais il semblerait que les banques suisses se soient "infectées" avec un tas de titres financiers douteux estampillés "made in USA". Il faut alors attendre pour voir les proportions de ce phénomène.

Enfin mentionnons une théorie assez fascinante selon laquelle la titrisation des subprimes ne serait que la volonté de diminuer la masse monétaire des dollars US entre les mains d'investisseurs étrangers. En gros, on vend des coquilles vides en dollars à bon prix en sachant pertinament que cela ne vaudra plus rien. Du coup, on élimine autant de dollars correspondant lorsque ces titres s'effondrent. Pratique quand on ne publie plus le nombre de billets verts que l'on imprime...

Bien entendu, au regard de la technicité de ces propos, je ne peux garantir leur exactitude compte tenu de mes faibles connaissances (je ne m'y intéresse que depuis peu).

D'un point de vue stratégique, on peut se demander si il est possible de voir éclater un conflit entre les USa et leur principal créancier institutionnel: la Chine. Quelle serait la réaction des USA si la Chine se débarrassait des 1400 millards de bons au Trésor qu'elle détient ? Le dollar s'écroule et l'économie US basée sur le crédit le suit. Retour à l'âge de pierre. Fin de la puissance US. D'ailleurs, les Chinois ne se sont pas cachés d'envisager l'arme monétaire en cas de coup dur.

Si en outre, on se souvient des liens unissant Chine et Iran (qui ne veut plus vendre son pétrole en dollars mais en euros), cela commence à faire un joli scénario.

Voilà Monsieur Monnerat, c'est ce à quoi je pensais alors que je vous interrogeais sur les conséquences d'un krach financier.


Publié par Xavier le 10 septembre 2007 à 22:33

Pour revenir sur le billet en lui-même, si la Suisse peut se targuer d'avoir une bonne stratégie monétaire, c'est surtout parce qu'elle a su gardé sa souveraineté en la matière.

En un mot, comme en cent: fuyez l'UE et son euro !

Publié par Xavier le 10 septembre 2007 à 22:51

...1400 milliards ne font qu'un peu plus de 10% du PIB des Etats-Unis. Cela pourrait créer une crise financière (si le contexte global s'y prête), comme il y en a déja eu et comme il y en aura encore. Le premier effet pourrait être que les ménages américains ne pourraient plus acheter de produits chinois, envoyant des million de chinois au chômage et dans la rue... peut-être la fin de l'une des dernières dictatures communistes... mais ça fait beaucoup de conjonctures

Publié par Philippe le 10 septembre 2007 à 23:30

Cocorico pour les banques Suisses humm pas si sur...


Si le système Suisse repose essentiellemenent sur une banque privée & gestion de fortune de qualité il n en reste pas moins que la position de cette dernière s'est affaiblie ces dernières années et ceci dans plusieurs domaines.


D'une part la Suisse a du faire part à la montée de places concurrentes qui offrent un sérieux et un secret bancaire équivalent c'est nottament le cas de Singapour qui draine de plus en plus de capitaux à l'heure actuelle. Une chose est sure la banque Suisse n'occupe plus en ce domaine une place aussi prépondérante qu'elle a pu avoir par le passé.


Le conservatisme des banques Suisses leur permet peut etre aujourd hui d'éviter la crise des subprimes ( encore que je demande à voir la composition exacte des fonds moné dynamiques d'UBS et consort ) mais au fond combien d'occasions ratées pour ces établissements. Dérivées actions, fusions acquisitions etc ... autant de domaines ou les banques Suisses ont laissé le leadership à leurs concurrents. ( dont certains français... )


IL est clair selon moi qu'en raisonnant à long terme la banque Suisse est sur le recul. Si nous étions encore l'époque de Voltaire nul doute que Berne serait la City de l'Europe et que nous regarderions l'ouverture des cours à Berne ou Zurich plutot qu'à New York, Londres, Paris ou Tokyo...


Pour finir j'aime souvent comparer le banque Suisse à la viticulture française. Il y a là une tradition et un savoir faire indéniable mais à force de se reposer sur cette tradition les concurrents eux évoluent et conquérissent de nouveaux marchés... Au final ils viennent meme nous attaquer sur nos marchés traditionnels et on se rend peut etre compte qu on a confondu tradition et immobilisme.


Le tableau est peut etre un peu noir et les banques Suisses aussi bien que la viticulture française peuvent encore largement s'en sortir par le haut mais j'aurai aimé que ce cocorico découle d'une analyse moins court termiste de la situation.

Publié par kiwi2000 le 11 septembre 2007 à 0:25

@ Philippe, oui cela ne fait que 10% du PNB mais cela fait environ 15 % de la dette US officielle (9 000 milliards). Mais cela peut suffire à entamer un mouvement général de vente auprès des autres investisseurs. Et peut-être plus grave encore, rendre plus difficile l'écoulement de nouveaux bons au Trésor US.

Par contre, vous soulignez avec raison que le principal moteur de la croissance chinoise reste la consommation US. La Chine serait-elle donc prête à mordre la main qui la nourrit ?

Publié par Xavier le 11 septembre 2007 à 7:44

"Pour revenir sur le billet en lui-même, si la Suisse peut se targuer d'avoir une bonne stratégie monétaire, c'est surtout parce qu'elle a su gardé sa souveraineté en la matière."

Rappelons que la Federal Reserve n'est pas une banque d'état, mais un consortium de banques privées qui prête de l'argent à l'état américain. C'est d'ailleurs pourquoi le candidat républicain (1) à la présidence Ron Paul souhaite fermement abolir la réserve fédérale.

(1) mais authentiquement républicain, à la différence de ses "camarades" de parti.

Publié par fass57 le 11 septembre 2007 à 9:13

"Pratique quand on ne publie plus le nombre de billets verts que l'on imprime..."

Le système est simplissime: l'état américain a besoin de 10 milliards. La Federal Reserve imprime 10 milliards en billets qu'elle cède à l'état américain à un fort taux d'intérêt. Cela pour le plus grand profit des intérêts transnationaux qui contrôlent la réserve fédérale. Rappelons que la Federal Reserve fut instaurée par le président Wilson.


Il aurait plutôt fallu écouter les avertissemetns du président Thomas Jefferson:

"If the American people ever allow private banks to control the issuance of their currency, first by inflation and then by deflation, the banks and corporations that will grow up around them will deprive the people of all their property until their children will wake up homeless on the continent their fathers conquered."

Publié par fass57 le 11 septembre 2007 à 9:27

Considérer ceci...

"until their children will wake up homeless"

... en rapport avec la récente crise immobilière.

Publié par fass57 le 11 septembre 2007 à 9:29

La clé de la survie économique de la Suisse passe par sa capacité à résieter aux chantages de l'Union Européenne. Elle sera réduite à la stagnation si elle se soumet .

Mais dans l'immédiat, c'est le Droit du Suisse de porter les armes qui est menacé. Seul un peuple sans mémoire historique peut méconnaître que ce Droit est celui des hommes libres.

Publié par Hunden le 11 septembre 2007 à 14:01

Jefferson ne comprenait pas que c'est le monopole de l'émission des billets, et non la capacité des banques à créer des instruments monétaires, qui définit leur rôle spécifique, qui est source de vol et d'insécurité financière.

Son successeur Andrew Jackson l'avait compris qui, en 1836, a empêché le renouvellement du privilège de la Second Bank of the United States ; malgré le chantage à la crise financière il a tenu bon, et le spectre de la banque centrale s'est éloigné jusqu'en 1913.

Aucune politique monétaire ne peut être bonne, et il vaut mieux supprimer l'institution qui a le pouvoir de la mener ; cependant, certaines sont délibérément inflationnistes ou déflationnistes, et la chance de la Suisse est peut-être que la zone de circulation y est assez restreinte pour qu'une mauvaise politique de ce genre soit de toutes façons rapidement sanctionnée.

Publié par François Guillaumat le 11 septembre 2007 à 14:10

bien sur, vous (LM) avez lu mon billet en tant que militaire dans une optique stratégique helvète, qui n'était pas la mienne !
et vous avez bien répondu à la question que je posais, mais je suis toujours étonné de constater que les petits Suisses réagissent bien alors que les Français sont en dessous de tout, idem pour les autres (en un peu "moins pire")
et la logique paradoxale s'applique très bien aux banques suisses : elles tirent leur force de leur faiblesse dans les hedge funds, et les autres places US et européennes tirent leur faiblesse de leur force dans ces fonds spéculatifs !
"...en s'inspirant du passé..." écrivez vous ! c'est exactement ce qu'a dit ce représentant des banques suisses qui ont été victimes de ces investissements imprudents dans les années 90 et qui en ont tiré les leçons !
+ : un pays ne tire pas sa prospérité de ses richesses naturelles ! contrairement à ce que croient beaucoup de gens,
les pays les + riches sont ceux qui n'en ont pas et qui comptent sur la richesse des hommes, ie de leur aptitude à produire de la valeur ajoutée, ie de leur productivité, cf l'Helvétie, l'Irlande, Singapour
et... je ne suis toujours pas sûr que certains idiots qui s'expriment ici soient utiles... la logique paradoxale a ses limites !

Publié par Jean-Pierre Chevallier le 11 septembre 2007 à 16:46

"je ne comprends pas pourquoi le franc est si faible", a déclaré le Président de la BNS !
manifestement, il n'a pas tout compris en matière de stratégie !
dur dur de jouer dans la cour des grands pour les petits Suisses...
il y a des ratés qui coutent cher

Publié par Jean-Pierre Chevallier le 16 septembre 2007 à 19:20

"manifestement, il n'a pas tout compris en matière de stratégie !
dur dur de jouer dans la cour des grands pour les petits Suisses..."
Merci pour vos brillantes explications, M.Chevallier.

Publié par Roland le 16 septembre 2007 à 20:00