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7 mars 2007

Une stabilisation façon tiers-monde

Le contingent ougandais qui se déploie actuellement à Mogadiscio a vu sa mission commencer sous d'inquiétants d'augures, puisque son échelon avancé a été accueilli à sa descente d'avion, hier, par des tirs de mortiers - 8 obus dont seuls 2 ont touché l'aéroport, mais qui ont suffi à troubler l'ordonnancement de la cérémonie prévue pour l'occasion. Par ailleurs, les appels à la lutte armée contre les forces censées stabiliser la capitale somalienne, voire le pays tout entier, n'ont guère tardé à être lancés. Comme toujours, il ne faut guère d'efforts immenses pour entraver l'ordre visible, alors qu'empêcher le chaos est à peu près impossible en l'absence d'un consensus solide. Mais cela ne suffit pas à condamner par avance à l'échec les tentatives de stabilisation menées par l'Union Africaine, dans un pays où les Nations Unies comme les Etats-Unis ont subi un échec magistral.

L'engagement militaire de la communauté internationale en Somalie, entre 1992 et 1994, a laissé des traces. On se rappelle qu'il a été précipité par les images dramatiques d'une population menacée par la famine et par les bandes armées ; après l'intervention massive des Marines, le transfert d'autorité au profit d'un contingent onusien s'est fait parallèlement à l'essor d'une insurrection sans cesse plus meurtrière, culminant avec le massacre de 24 soldats pakistanais. Le déploiement subséquent d'une task force de forces spéciales sous commandement américain, visant à l'élimination du « général » Aïdid, aboutira à l'opération décrite par Mark Bowden dans son livre « Black Hawk Down » (et sommairement portée au cinéma), au choc produit par l'image de cadavres américains traînés dans les rues suite à une action « humanitaire », et au retrait de toutes les forces étrangères.

L'intervention éthiopienne a précipité leur retour sur sol somalien. Est-ce que cette nouvelle intervention s'achèvera comme la première, malgré l'évolution des enjeux au niveau planétaire ? Il est clair que les contingents africains ont une efficacité opérationnelle nettement inférieure à celle de contingents occidentaux, et que leurs penchants connus pour la corruption, pour le chantage ou pour l'usage abusif de la force n'inspirent guère confiance. Pourtant, si la troupe conserve sa cohésion face aux attaques et aux attentats, ses capacités militaires inférieures compteront bien moins qu'une volonté politique supérieure, c'est-à -dire qu'une aptitude à supporter les pertes et à autoriser le niveau de force nécessaire à la réussite de la mission. Et un appui extérieur limité (forces spéciales, renseignement) ou ponctuel (frappes aériennes) pourrait doper cette cohésion.

Les armées du Tiers-Monde ont en Somalie une véritable chance de prouver leur utilité : à la différence de leurs échecs passés, notamment en Afrique subsaharienne, elles ne seront pas confrontées à l'indifférence vaguement méprisante de la communauté internationale, mais agiront au contraire dans l'intérêt de celle-ci - et notamment dans l'intérêt évident des Etats-Unis, satisfaits de voir des troupes supplémentaires se frotter aux djihadistes tout en poursuivant leurs propres objectifs. Il faut juste espérer que des exigences morales insurmontables ne leur seront pas imposées comme une entrave, et qu'elles ne seront pas aussi prédatrices que les bandes armées s'opposant à leur présence. Ainsi pourra se renforcer cette future coalition des Etats luttant conjointement pour leur survie en tant qu'entités politiques et expressions sociétales, et pour lesquels la légitimité est la devise du succès.

COMPLEMENT (8.3 1000) : Le soutien américain public prendra la forme d'un appui logistique fourni par une société militaire privée. Une manière de réduire drastiquement les risques politiques tout en s'engageant dans la campagne...

Publié par Ludovic Monnerat le 7 mars 2007 à 22:23

Commentaires

Si, tout comme moi, vous aviez passé plusieurs séjours (de 1 mois à 6 mois) échelonnés sur 7 années, vous sauriez que le mal récurrant des nations africaines (administration, police, armée) c'est une corruption "galopante" qui détruit à l'avance même l'espoir le plus insignifiant!
Ce genre d'opérations de la paix, bien souvent confiées à des armées sous-équipées et sous-entraînées auquel s'ajoute le phénomène de corruption ne peut mener qu'à un fiasco.
C'est dur à dire et peut-être plus à admettre, mais c'est la réalité...

Publié par Jacques-Henry le 8 mars 2007 à 7:28

Jacques-Henry, je pense avoir mentionné dans mon texte ces éléments négatifs. Mais les troupes africaines sont elles pires que les bandes armées qu'elles doivent maintenant affronter ? C'est bien relativement que cela doit à mon sens être évalué. Un fiasco dans une perspective occidentale peut ne point en être un dans une perspective africaine, si cela produit une amélioration...

Publié par Ludovic Monnerat le 8 mars 2007 à 7:36

Et si l'on parlait des tensions croissantes entre d'une part la Russie et d'autre part les Etats-Unis et l'Europe (bouclier antimissile)?!

Publié par Alex le 8 mars 2007 à 8:27

Vous souhaitez que j'ouvre un billet sur ce thème ? Vous vous chargez de l'intro ? :-)

Publié par Ludovic Monnerat le 8 mars 2007 à 8:31

Et bien moi je vais vous dire, la Somalie, l'Irak,le Kosovo, le Darfour, la Coréee du Nord,etc... je m'en tape royalement ! (c est du 2ème degré,je rassure ainsi les âmes sensibles) Quand je vois que dans ma chère ville de Lausanne (j'y travaille et heureusement n'y vit pas) a connu en 2006 27,8% d'augmentation des délits avec violence je me dis que notre système politique et judiciaire est en panne ! Nous avons souvent dans les salons (pardon, au café du peuple pour les gauchistes) des solutions aux conflits du monde entier et jamais une bribe de réponse concernant des problèmes tout proches..Je remercie d'ailleurs Ludovic, qui lui, a souvent soulevé le problème !

Publié par zingg le 8 mars 2007 à 8:45

Pourquoi pas, mais peut-être pas aujourd'hui...

Alex

Publié par Alex le 8 mars 2007 à 9:44

A noter que "Tiers Monde" est maintenant considéré comme péjoratif. Il faut dire "pays en voie de développement" ;)

Sinon, cela fait une dizaine d'années que l'on parle de la formation des forces africaines par les forces occidentales dans le cadre de telles missions, il est temps qu'elles fassent leur preuves.

Publié par Frédéric le 8 mars 2007 à 9:47

> USA-Russie : les rodomontades russes servent surtout à rappeler les marches de l'empire, à commencer par l'Ukraine, à l'obéissance. Sinon, les Russes em..... un maximum les Américains par des actions périphériques (exple : livraison de missiles sol-air à l'Iran).

Cette stratégie flatte le nationalisme russe, mais est-lle vraiment profitable à la Russie ? J'en doute .

> Ethiopie-Somalie : le plus gros handicap des armées occidentales étant leurs opinions publiques qui veulent ignorer que la guerre est sale meurtrière mais parfois nécessaire, le recours à des supplétifs, technique bien connue des ex-puissances coloniales ne paraît pas idiot.

Publié par fboizard le 8 mars 2007 à 11:17

Frédéric a dit :
A noter que "Tiers Monde" est maintenant considéré comme péjoratif. Il faut dire "pays en voie de développement" ;)

Ce n'est pas que maintenant c'est péjoratif, plutôt que ce classement est trop réduit. En effet peut-on vraiment placer le Brésil, la Somalie, l'Iran et le Vietnam dans la même catégorie? Sur ce sujet vous pouvez lire :

Gaudard,G, 1999, "Réseaux,cadres et inégalités des relations économiques extérieures", centre de recherches en économie de l'espace de l'Université de Fribourg(Suisse), p121 et suivantes

Publié par pech le 9 mars 2007 à 16:52