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16 mars 2007

Les armes d'hier pour demain

La dernière édition de l'hebdomadaire Defense News fait l'inventaire des 60 plus grands programmes d'armement en cours. Un aspect intéressant est la durée que prennent certaines acquisitions européennes pour commencer leur carrière opérationnelle, alors que leur conception remonte aux années 80, comme les avions de combat Eurofighter et Rafale, l'avion de transport A400M (les premiers pas ont été faits en 1982 !) ou le sous-marin nucléaire Astute. Cette durée s'explique parfois par la complexité des coopérations multinationales nécessaires, mais surtout par la réduction des budgets militaires, et donc l'étalement artificiel des programmes sur une période plus longue. Avec à la clef des questions sur l'adéquation de l'enveloppe opérationnelle obtenue par rapport aux besoins futurs, allant jusqu'à près d'un demi-siècle au-delà des premières esquisses.

De telles questions restent d'actualité. Etant donné que la durée de vie d'un système d'arme moderne est d'environ 30 ans (suivant naturellement les investissements prévus ou non pour sa prolongation) et qu'il faut au moins 10 ans entre le lancement d'un programme et l'entrée en service des systèmes acquis (ceci décrit assez bien le déroulement du programme F/A-18 en Suisse), la planification des acquisitions devrait en théorie reposer sur une appréciation prospective d'une portée allant jusqu'à 40 ans, et fournissant des réponses claires à une perspective de 20 ans. Dans la pratique, une prospective à 30 ans doit déjà beaucoup à l'imagination de ses auteurs, alors que les réflexions à moyen terme sont plutôt calibrées sur la prochaine décennie. Ce qui condamne les armées à être engagées demain avec les armes d'hier, conçues avant tout sur les leçons des conflits et des opérations d'avant-hier.

Il existe certaines solutions matérielles à ce dilemme. L'une d'entre elles consiste à renoncer aux grandes quantités qui inexorablement alourdissent et prolongent les programmes d'armements, malgré les économies d'échelles réalisées, et se concentrer sur l'acquisition progressive de prototypes évolutifs, ayant une compatibilité ascendante, et dont la production est directement liée aux leçons tirées de l'emploi des versions précédentes ; avec le risque d'une armée malgré tout à plusieurs vitesses. Une autre solution consiste à maintenir un vaste éventail de capacités différentes et complémentaires, afin que l'équlibre tactique remédie tant bien que mal au déséquilibre technique - ce qui a toujours été l'une des clefs du combat interarmes ; avec le risque que des capacités essentielles soient sacrifiées sur l'autel des économies à court terme.

Mais peut-être l'approche la plus prometteuse consisterait-elle d'abord à investir dans le personnel, dont la carrière militaire équivaut à souvent celle des systèmes d'armes les plus endurants, et qui peut encore moins se permettre de ne pas être à la page...

Publié par Ludovic Monnerat le 16 mars 2007 à 21:04

Commentaires

"Il existe certaines solutions. L'une d'entre elles consiste à renoncer aux" investissements militaires
et à s'en remettre à la protection des US qui est très efficace et gratos

Publié par JPC le 16 mars 2007 à 22:45

Sale langue !! :-)

Gratos, gratos, faut voir...

Publié par Ludovic Monnerat le 16 mars 2007 à 23:02

"...et gratos."

La Grande-Bretagne n'a fini de rembourser que l'année passée sa dette de guerre, envers les USA, pour le matériel livré pendant la seconde guerre mondiale.

Publié par fass57 le 16 mars 2007 à 23:07

Une question: est-ce-que nos stratèges commencent déjà à échafauder des scénarios d'acquisition et des cahiers de spécification pour la période où l'approvisionnement en carburant sera peut-être plus difficile ou est-ce encore de la politique-fiction?

Publié par fass57 le 16 mars 2007 à 23:12

"Une question: est-ce-que nos stratèges commencent déjà à échafauder des scénarios d'acquisition et des cahiers de spécification pour la période où l'approvisionnement en carburant sera peut-être plus difficile ou est-ce encore de la politique-fiction?"

Je ne connais aucune armée au monde où une telle démarche est entreprise de manière systématique en matière d'acquisition ; ces réflexions doivent cependant exister pour les grands navires de guerre concernant leur mode de propulsion, nucléaire ou conventionnel. Mais les armées s'intéressent bel et bien à des situations où les énergies fossiles deviennent rares, ou du moins bien plus chères...

Publié par Ludovic Monnerat le 17 mars 2007 à 7:15

C'est pour ça que les militaires s'entraînent régulièrement et font du jogging, pour le cas où il n'y a plus de pétrole ! ;-)

Publié par Juan_rico le 17 mars 2007 à 7:40

Le retour de la cavalerie ? ;)

A noter que le F-35 à des réacteurs pouvant utiliser le pétrole artificielle tiré du charbon.

Il semble que le remplacement ultra rapide des matériels dans les années 40-60 avec des nouveaux modéles de chasseurs apparaissant tout les ans soit terminé.

On se retrouvent dans une époque ou comme en 1940, on utilise
des fusils des années 1890.

Publié par Frédéric le 17 mars 2007 à 9:14

"Gratos, gratos, faut voir..."
on a déjà vu ici (sur votre blog) précédemment avec les stats sur les investissements et dépenses militaires des Européens du Nord et de l'Est (qui sont très faibles)
les US proposent une protection avec par exemple les anti missiles installés chez les Européens de l'Est face aux menaces des (toujours) communistes russes
les US fournissent ces services sans les faire payer, donc "gratuitement", ou gratos (c'est kif kif, faut évoluer avec la société ! cf vos billets précédents)
... les US sont même obligés de rendre ces services (très couteux) sans les faire payer de façon à diminuer la valeur de leur monnaie pour pouvoir continuer à jouer avec leurs partenaires économiques moins performants

Publié par JPC le 17 mars 2007 à 10:36

Oui et demain on rase gratis.

Publié par fass57 le 17 mars 2007 à 10:59

"les US proposent une protection avec par exemple les anti missiles installés chez les Européens de l'Est face aux menaces des (toujours) communistes russes."

Ah, je croyais que la dernière excuse invoquée par l'Empire, c'était les supposés missiles nord-coréens et iraniens!

Publié par fass57 le 17 mars 2007 à 11:02

En reprenant et développant votre seconde solution, le rétrofittage et les bricolages d'ateliers sur le terrain façon Irak me paraissent intéressants.
Maintenant, ceci ne me semble applicable que pour une part restreinte du matériel militaire.

Publié par Stauffenberg le 17 mars 2007 à 12:23


En terme d équipement, le simple soldat que je suis attend avec impatience que le gore tex puisse aussi être disponible pour le soldat lambda et qu'on me debarasse de mon casque guerre 14-18.

Pour ce qui est de l'investissement sur le personnel de quoi parlez-vous concrétement ?

Plus d'effectif au niveau officier de carrière ?
Une meilleure formation ?
Ou alors une meilleures gestion des RH ?
Si oui qu est ce qui n'est pas optimum ?

Publié par Crys le 17 mars 2007 à 14:56

@fass57 : vous vous questionniez sur les scénarios sans pétrole, le dernier science et vie évoque un peu les moyens, entre autre utilisés par les allemands pendant la 2eme GM, pour obtenir du pétrole à partir du charbon.

Publié par Juan_rico le 17 mars 2007 à 21:28

Oui, la Suisse aussi fabriquait de l'essence d'aviation synthétique pendant le second conflit mondial. Et je pense que d'ici dix à quinze ans, on n'envisagera pas d'achat de matériel roulant militaire, sans la possibilité d'utiliser les engins en question avec plusieurs types de carburant.

Publié par fass57 le 17 mars 2007 à 21:48

excellent billet, merci pour cette perspective.

Elle a une conséquence importante. Un armement qui est développé en petite série, s'adaptant en continu aux conditions rencontrées en réalité, c'est l'opposé exact du Grand Projet commandé sur appel d'offres à un consortium industriel externe.

Ça demande au contraire le partenariat continu entre un centre de décision qui est l'armée elle-même, et une multitude de PME réactives. (Fonctionnement typique de la nouvelle économie dans bien d'autres domaines ... comme le marketing, la mode, etc.).

Publié par FrédéricLN le 18 mars 2007 à 14:18