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31 mars 2007

Le contrecoup de l'insurrection

Comme prévu, les Forces armées éthiopiennes sont confrontées en Somalie à une insurrection qui leur inflige des pertes régulières et leur pose des problèmes majeurs :

L'insurrection, qui contrôle presque tout le sud de Mogadiscio, apparaît de plus en plus déterminée et redoutablement bien armée. Selon le GFT, le mouvement ne serait qu'une lutte d'arrière-garde d'anciens miliciens islamistes tentant de reconquérir le pouvoir perdu. De fait, l'ossature du mouvement est composée de Chebabs, l'aile la plus extrémistes des Tribunaux. Mais ces miliciens ont été rejoints par certains chefs de clans Hayiwe, le principal groupe de Mogadiscio hostile au gouvernement perçu comme dominé par le clan rival des Darods.
Au fil des semaines, cette insurrection a gagné du terrain. Les attaques contre les soldats éthiopiens et les hommes du GFT sont plus régulières. Conscients des risques, les Éthiopiens ont lancé jeudi une vaste offensive destinée à « vider » la capitale des miliciens. À l'aube, les troupes d'Addis-Abeba ont envahi les quartiers sud de la ville, bastion des insurgés. Ces derniers, repartis en petits groupes, ont réagi, ouvrant le feu à l'aide d'armes légères mais aussi de lance-roquettes, bloquant l'avancée des Éthiopiens. Dès lors, les Éthiopiens ont déployé toutes leurs forces, engageants chars et hélicoptères sans parvenir pour autant à se rendre maître du quartier. Et les pertes de part et d'autre s'accumulent.

Alors que les milices islamistes avaient payé cher leur conquête progressive du pays, en décembre dernier, ce sont maintenant les militaires éthiopiens qui sont sur la défensive, malgré leurs actions offensives au sol, et qui subissent les coups de leurs ennemis, soudés par l'identité et les croyances. Les premières étaient vulnérables sous l'angle des capacités, qui les empêchaient des contrôler les espaces, alors que les seconds sont vulnérables sous l'angle des volontés et de la légitimité, qui les empêchent de contrôler les esprits. Pour l'Ethiopie, un retrait des troupes derrière les éléments gouvernementaux et les forces multinationales apparaît rapidement comme la seule option valable. Quitte à retourner en force sur terre somalienne si la situation en venant à nouveau à menacer ses intérêts.

Le cas d'école somalien montre ainsi assez bien les forces et les faiblesses des forces régulières et irrégulières, des organisations ordonnées et chaotiques, dans un contexte africain qui limite les contrastes que produisent les interventions occidentales. Et le contrecoup de l'insurrection, après le succès conventionnel des militaires, montre la nécessité pour ceux-ci de maîtriser également cette partition stratégique. Là comme ailleurs...

Publié par Ludovic Monnerat le 31 mars 2007 à 8:30