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7 juillet 2006
Une erreur de perspective
Dans la lignée de ces réflexions sur l'inertie des armées et leur inadaptation aux conflits de notre ère, je conseille vivement de lire la dernière colonne de Max Boot, l'un des meilleurs experts contemporains en matière de conflits de basse intensité. Ce dernier porte en effet un regard critique sur la mise en oeuvre opérationnelle de la guerre dite contre le terrorisme, et notamment sur l'inertie de la culture militaire américaine en matière de projection et d'action. Extrait :
In large part for reasons of security and convenience - a few big installations are easier to defend and supply than a lot of small ones - more and more soldiers and support personnel are congregating in a handful of mega-bases, such as Logistics Support Area Anaconda in Iraq, which has about 30,000 inhabitants. When spending time on such installations, it's easy to forget where you are. The only reminder that you're not in Ft. Hood, Texas, comes in the form of occasional, inaccurate mortar rounds or rockets fired by insurgents.
Successful counterinsurgency operations require troops to go out among the people, gathering intelligence and building goodwill. But few Iraqis are allowed on these bases, and few Americans are allowed out - and then only in forbidding armored convoys.
Most of our resources aren't going to fight terrorists but to maintain a smattering of mini-Americas in the Middle East. As one Special Forces officer pungently put it to me: "The only function that thousands of people are performing out here is to turn food into [excrement]."
How to explain this seemingly counterproductive behavior? My theory is that any organization prefers to focus on what it does well. In the case of the Pentagon, that's logistics. Our ability to move supplies is unparalleled in military history. Fighting guerrillas, on the other hand, has never been a mission that has found much favor with the armed forces. So logistics trumps strategy. Which may help explain why we're not having greater success in Iraq and Afghanistan.
Les chiffres mentionnés dans l'article balaient plusieurs lieux communs sur les opérations actuelles en Irak, et dans une moindre mesure en Afghanistan (où l'on commence également à crier au manque de troupes) : ce n'est pas qu'il n'y a pas assez de militaires US en Irak, c'est qu'ils doivent bien trop se focaliser sur la protection de leurs propres infrastructures et convois pour avoir une action décisive en matière de reconstruction ou d'attrition ; ce n'est pas que les militaires US passent leur temps à se planquer dans leurs bases, c'est que la complexité de leur exploitation et la longueur des lignes de communication réduisent leur impact global sur le théâtre d'opérations. Ce qu'il manque aux forces armées US, c'est une vraie culture expéditionnaire, une démarche néocolonialiste qui les amènerait à ne pas tous ou presque transporter leur bout d'Amérique avec eux et qui leur permettrait d'intégrer un autre pays, une autre population, une autre culture, fut-ce pour les influencer ou les contrôler.
Mais peut-être cette lacune n'est-elle finalement pas si négative...
Publié par Ludovic Monnerat le 7 juillet 2006 à 15:18
Commentaires
"... Ce qu'il manque aux forces armées US, c'est une vraie culture expéditionnaire,...fut-ce pour les influencer ou les contrôler."
Je ne vois pas d'autres méthodes que de lever des troupes supplétives... et se battre au nom d'Allah ! l'armée française s'est servis de l'Islam pour justifier les actions de nos troupes supplétives dans la pacification du Maghreb " Allah punished them by placing them under the domination of the Christians. So, the Spahis argued, in taking sides with the French, they became the instrument of Allah's punishment; and, in reality, merely aided their co-religionists on their road to Paradise by hastening the period of their expiation. Centaurs of Many Lands by Edward Larocque Tinker ". Se servir de l'armée iraquienne comme au service de la démocratie, c'est courir après le trouble ! La démocratie c'est de la politique et ça n'a pas sa place dans des actions armées fasse aux Musulmans. La Démocratie s'oppose bien au Communisme sur le champ de bataille mais ne peut être en compétition avec "Dieu", c'est perdu d'avance dans la mesure ou l'on veut faire vite...tambour battant comme au Maghreb.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 7 juillet 2006 à 19:33
C'est là qu'on voit la différence entre la Suisse et la France : le Suisse tolère beaucoup mieux les anglicismes, comme il a adopté des germanismes.
Publié par François Guillaumat le 8 juillet 2006 à 4:42
LM, comment expliquriez-vous le succès des campagnes de Hulagu Khan par rapport à la prudence des USA?
Publié par Mikhaël le 8 juillet 2006 à 8:47
Un témoignage intéressant sur l'engagement américain en Irak, de la part d'un officier d'infanterie dont la mission participait à l'instruction des troupes irakiennes.
Publié par fass57 le 8 juillet 2006 à 12:05
Toujours au sujet de Max Boot, cet homme a tout compris : il a proposé récemment la création d' une Légion Etrangère américaine, puisse-t'il un jour être entendu !
Cet homme, qui réfléchit "outside the box", a toujours proposé des solutions intelligentes et créatives aux forces armées US.
Pour autant que je sache l' écrasante machine bureaucratique américaine, dénuée de bon sens et prisonnière de ses propres règles, ne l' écoute pas.
LM vous parlez de "l'inertie de la culture militaire américaine en matière de projection et d'action", on pourrait carrément généraliser cela en "Inertie de toute l' Amérique".
On ressent bien cela à la lecture de l' article de fass57.
Publié par Arnaud le 8 juillet 2006 à 14:19
Pour le recrutement de " Freedom Legion " c'est ici ;-)
http://clesnes.blog.lemonde.fr/etatsunis/2005/03/freedom_legion.html
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 juillet 2006 à 16:21
Comme je l'avait déja indiqué, l'année derniére plus de 30 000 militaires des forces armées américaines n'avaient pas la nationalité US ;)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_arm%C3%A9es_des_%C3%89tats-Unis
Publié par Frédéric le 10 juillet 2006 à 17:27
Oui mais ils possédaient une green card qui est beaucoup plus dure à obtenir que la nationalité Américaine.
Et ne me racontez pas que l' armée US propose des green card à ses étrangers, c' est une pure déformation de la part de journalistes mal informés et désinformateurs.
Je suis assez bien placé pour en parler après avoir été foutu dehors des bureaux de recrutement de New York et Las Vegas.
Pour en revenir au sujet principal, en le relisant je me dis que c' est l' exemple type d' une analyse intelligente et opportune qui ne sera jamais écoutée. Vive les armées commandées par des bureaucrates :-(
Publié par Arnaud le 11 juillet 2006 à 14:02
Entendu, je vais mettre la précision.
Publié par Frédéric le 11 juillet 2006 à 16:44
A LM
La dernière réflexion laisse songeur et soulève une question qui n'est pas du tout abordée, dommage.
Alex
Publié par Alex le 12 juillet 2006 à 13:07
Comme vous l'aurez deviné, je suis toujours en vacances, avec uniquement mon smartphone pour communiquet. Merci pour votre patience !
Publié par Ludovic Monnerat le 12 juillet 2006 à 14:50
Funeste erreur que de confier la défense de sa nation au mercenariat, parce que les nationaux n'ont plus la force vitale de se battre.
"Il y a une raison, O Athéniens, à toutes vos défaites. C'est que vos citoyens ont cessé d'être des soldats."
Démosthène
Publié par fass57 le 12 juillet 2006 à 15:30
Mais pourquoi pas le néo-colonialisme ou le néo-impérialisme ?
Après tout, c'est pas ce qu'on a dû déjà faire avec les Allemands ou les Japonais ?
D'aileurs, fait-on actuellement autre chose... dans les Balkans ?
voir:
Publié par jc durbant le 14 juillet 2006 à 11:47
@ jc durbant, " Pour un néo-impérialisme ou néo-colonialisme humanitaires " (Robert Cooper)
Mais notre impérialisme ou colonialisme n'a pas été autre chose qu'humanitaire. Bien sure l'humanité en 1492 n'était pas la même qu'en 1900 ou au moment du processus d'indépendance mais les ordres religieux suivaient les armées et souvent les religieux étaient en conflit avec les nombreuses restrictions imposées par l'armée ( exemple : l'interdiction d'employer un mors pour diriger les chevaux par les catéchumènes indiens dans les missions franciscaines de Californie qui jouaient " un rôle d'ONG " tout autant que religieux ). La colonisation a été à géométrie variable et la pénétration " de l'Homme Blanc " fut multiple et généraliser les effets du colonialisme sans prendre en compte les contextes, les civilisations et les religions rencontrées est une ineptie. J'ai l'impression que l'on fait souvent le procès du Colonialisme avec des griefs résultant du Néo-Colonialisme qui fut le fait des Colonisés eux même qui se sont bien gardés de faire un effort pour s'en sortir ( Cuba avec un embargo, un dictateur et une position insulaire fait mieux que tous ces pays qui braillent au lieu de travailler... ). Tant qu'aux pays musulmans la dimension religieuse fut strictement préservée et tout prosélytisme était très mal vu et même interdit de la part des autorités colonialistes. Les religieuses (qui portaient le voile à l'époque ) étaient en charge des hôpitaux et je me souviens que les Musulmans les respectaient et n'avaient aucunes crainte de se voir jugé ou incité à la conversion. Je ne pense pas que les ONG actuels ont les même scrupules pour imposer leur gauchisme atavique et leur haine de cet Occident qu'ils trouvent trop libérale je suppose. Qu'elle est douce la dictature du prolétariat dans sa forme moderne de l'alter mondialisme... Oui les Américains ont un problème car ils vont devoir coloniser ou partir mais aucune de ces solutions ne les satisfait ! alors ils espèrent passer le bâton aux nouveaux Khalifes qui vont s'empresser d'y planter des pointes car le professionnalisme occidental est trop laïque et pas assez efficace à leur goût.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 14 juillet 2006 à 16:49