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22 mai 2006

De la petite guerre à la guérilla, le soulèvement vendéen

La première communication a été présentée par Sandrine Picaud, agrégée et docteur en histoire, membre de la Commission Française d'Histoire Militaire. Elle vise en particulier à déterminer la meilleure qualification des guerres de Vendée entre petite guerre, guérilla et guerre de partisans, puis à montrer successivement leurs similitudes et leurs différences avec la petite guerre du XVIIIe siècle.

La pensée militaire française s'est tarie durant la Révolution, et les guerres de Vendée n'ont par exemple pas été traitées par le maréchal de Marmont, dans son traité sur l'art militaire, seul maréchal de l'Empire à avoir écrit un ouvrage de ce type. En tant que guerre civile, elles ont une charge émotionnelle qui réduit l'incitation à en tirer les leçons tactiques ; à part Le Mière de Corvey, ce sont surtout les écrivains prussiens qui ont abordé les guerres de Vendée - Karl von Decker, Valentini, Boguslawski et Clausewitz.

En premier lieu, les guerres de Vendée ne relèvent pas de la petite guerre pour Decker et Valentini, ce qui est curieux puisque la forme de la guerre s'y apparente, mais bien d'une guerre de partisans : elles utilisent des « inspirations du génie » et non des procédés mécaniques - expéditions de partisans, mouvements isolés et soudains. Le partisan n'existe pour Decker que s'il a une grande liberté de manœuvre, un lien très lâche avec les opérations de l'armée dans leur ensemble. Dans ce contexte, le chef a une importance considérable - encore plus dans un conflit comme la Vendée : audace et ténacité sont nécessaires, et rarement réunies dans le même homme.

Par ailleurs, les modes d'action privilégiés des guerres de Vendée étaient les embuscades et les surprises de postes. Les chefs vendéens surent s'adapter au terrain et à leurs combattants, des paysans connaissant bien la région mais n'ayant que peu de formation militaire. Au passage des colonnes républicaines dans les chemins creux, les Vendéens tiraient sans être vus sur les flancs et tentaient de percevoir le moment où la troupe républicaine commençait à chanceler, pour à cet instant se précipiter sur elle et l'achever au corps-à -corps ; les républicains essayaient bien d'utiliser le feu notamment d'artillerie pour répliquer, mais ce dernier était inefficace. Les Vendéens étaient capables de disparaître dans la nature, dans les bois environnants, jusqu'au point de ralliement.

De ce fait, la petite guerre des Vendéens était une action d'infanterie, la cavalerie vendéenne étant très modeste, mais sinon tout à fait dans la ligne des méthodes employées au siècle précédent.

Il existe un paradoxe entre la clémence et la cruauté dans ces guerres. Les paysans vendéens s'étaient levés pour défendre leur religion, leurs usages, leurs seigneurs, la royauté, et dès lors la voie catholique les a engagés à faire preuve de clémence ; cette attitude peut paraître étonnante dans une guerre civile, alors que les guerres mettant aux prises des populations ayant des motifs personnels de se battre sont souvent réputées plus cruelles, parce que la défense de ce à quoi on tient le plus encourage le jusqu'au-boutisme, mais aussi parce que le droit des gens n'existe pas - les combattants étant jugés des brigands, et leurs actes de pure sédition relevant du droit de commun. Le sort des prisonniers de guerre devient très incertain.

Après 1793, il s'est agi pour les Républicains d'éradiquer la population soutenant les Vendéens, alors que les Vendéens ont également commis des excès par vengeance, et les principes de noblesse ont disparu. Les mêmes motifs personnels des combattants ont ainsi pu aboutir à des résultats largement opposés du point de vue moral.

La tactique de petite guerre était utilisée en partie parce que les paysans combattants avaient peu de formation militaire ; les chefs vendéens n'avaient pas d'a priori par rapport à la petite guerre, mais n'avaient pas le choix de la tactique. Seule une minorité de Vendéens possédaient des armes à feu, les non armés se contentant au début de recharger les armes disponibles et confiées aux meilleurs tireurs - jusqu'à ce que les victoires fournissent des fusils en nombre.

En conclusion, l'étude des guerres de Vendée a profité de la guerre d'Espagne, de sorte qu'elles ont été considérées comme une guérilla. Les deux sont souvent citées conjointement dans la réflexion sur l'art de la guerre tout au long du XIXe siècle.

Commentaire du scribe : ce conflit peut être décrit comme un exemple typique d'insurrection populaire, tel qu'il s'est produit à réitérées reprises au cours des siècles, mais dans un contexte politique, géographique et sociétal particulier. C'est la nature du terrain et des combattants qui a dicté la forme de guerre, mais ce sont ses enjeux - de niveau sociétal, car touchant aux convictions religieuses et idéologiques - qui en ont dicté l'ampleur, la durée et l'âpreté. Comme de juste, une solution purement militaire au conflit n'existait pas.

Publié par Ludovic Monnerat le 22 mai 2006 à 21:17