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23 février 2006

Compagnies privées et droit international

Le deuxième exposé du symposium, « Compagnies militaires privées et droit international humanitaire », a été présenté par François Sénéchaud, chef de l'unité Force armée et sécurité au CICR.

Les compagnies militaires privées sont actuellement sous les feux de l'actualité, en raison de leur présence importante en Irak, de leurs pertes dans ce conflit ou de leur implication dans les mauvais traitements de la prison d'Abu Ghraib (note : qu'un membre du CICR parle de mauvais traitements dans ce cas me paraît digne d'attention).

Les compagnies militaires privées sont anciennes, que ce soit au sol (avec les condottieri ou les spécialistes tels qu'arbalétriers) ou sur les mers ; cette dernière activité n'a cessé qu'avec la Déclaration de Paris de 1856. La situation actuelle en matière de privatisation et d'externalisation fait que la gamme des prestations offertes dans le privé comprend la formation, le renseignement, la protection de personnes et d'objets, la planification voire même l'exécution d'actions de combats. Parmi leurs clients figurent des Etats, des IO, des ONG, des groupes armés, et même le CICR sous certaines conditions. Ce développement s'explique par la réduction des budgets de la défense, par les besoins du renseignement après le 11 septembre, par le savoir-faire lié aux systèmes d'armes de pointe.

L'externalisation n'en est qu'à ses débuts, d'après de nombreux observateurs, académiques ou non. Le recours aux compagnies militaires privées pose cependant deux défis principaux : juridiques et humanitaires. Le monopole de la violence est une compétence essentielle de l'Etat, et il n'est pas contesté ; le centre de gravité de la chose militaire a évolué, il s'agit davantage de maîtriser l'information qu'appliquer la force. Dans la mesure où les compagnies privées ont mis l'accent sur des fonctions non combattantes, elles ont tiré parti de cette évolution. D'un point de vue humanitaire, le contact entre personnes protégées et employés militaires privés est le principal problème.

Le terme de mercenaire est employé de façon abusive, parce que le Premier protocole additionnel aux Conventions de Genève définit 6 critères pour appeler comme tels des personnages. Le principe de la distinction (combattant / civil) est cependant mis en péril par les sociétés militaires privées, parce que leurs employés sont des civils aussi longtemps qu'ils ne sont pas incorporés dans les forces armées et ne participent pas aux hostilités. Les personnes reconnues comme mercenaires sont également civiles. La responsabilité pénale - bien plus que civile - des compagnies militaires privées est cependant difficile à établir, notamment en raison des sous-traitances entre compagnies ou des problèmes de juridiction.

Les commandants militaires, selon le Premier protocole, sont responsables de toutes les actions commises dans leur secteur d'engagement. Mais les compagnies militaires privées n'ont souvent pas le code pénal ou le code militaire qui sont le corollaire d'une telle responsabilité. Un cadre régulateur visant à rendre les Etats responsables des actions commises à la fois par leurs organes et par les entités qu'ils mandatent devrait permettre de faire face à ce problème. Le CICR s'associe à l'initiative suisse pour l'adoption d'un tel cadre appliqué aux compagnies privées.

Publié par Ludovic Monnerat le 23 février 2006 à 18:26

Commentaires

Ma question est, que fait-on des soldats qui travaillent pour un pays, mais qui, vu leurs missions ne sont attribuables à aucune patrie et ne seront jamais reconnus en cas de capture??

Les Conventions de Genève, ça s'applique un peu en fonction de la météo, non??

Publié par dahuvariable le 23 février 2006 à 21:55

Disons que les Conventions s'appliquent aux conflits armés, et que c'est bien la transformation de ceux-ci qui a périmé les Conventions. En tout cas, j'ai encore constaté ce soir à quel point les membres du CICR - j'entends les juristes - sont persuadés que le droit international humanitaire est très bien, et qu'il suffit que tout le monde l'applique. Et que c'est aux Etats de parvenir à convaincre tout le monde de le faire. Pour la remise en question, on repassera...

Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2006 à 0:04

En ce cas, le droit humanitaire va mourir à force de devenir inapplicable (dans le sens de "impossible à appliquer"). La Société des Nations a aussi de facto disparu avant qu'on ne la déclare morte. Elle a simplement été dépassée par la réalité.

Publié par Sisyphe le 24 février 2006 à 0:10

Il serait temps que l'ONU la rejoigne, d'ailleurs.

Publié par Ruben le 24 février 2006 à 0:41