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25 février 2006

Changer les politiques de défense

Le quinzième et dernier exposé, « Changement des politiques de défense : quel rôle pour les idées ? », a été présenté par le colonel EMG Christian Bühlmann, responsable de la recherche et du développement en matière de doctrine militaire.

Le conflit d'idées a formé l'évolution des politiques de défense en Suisse.

L'armée a subi des changements complets et complexes ces 15 dernières années. Depuis 1848, toutes les transformations militaires ont été vécues avec des débats publics, et 20 initiatives et référendums ont été soumis au peuple depuis 1945. Le changement peut être expliqué par les intérêts personnels, les cultures institutionnelles ou la dynamique des idées. Les croyances sont hiérarchisées (deep core, policy core, secondary effets - Sabatier et Jenkins-Smith) ; les coalitions de causes influencent le débat (classiques : gagner ou rien ; réformistes : armée de milice ; pacifistes : suppression de l'armée). Le modèle politique (policy core) change avec une transformation des conditions militaires stratégiques, un changement de la coalition gouvernementale, et une exploitation des opportunités.

Le Konzeptionsstreit l'illustre. Dès 1941, deux tendances s'opposent dans l'armée suisse quant à l'avenir de la défense, entre une conception axée sur la défaite de l'adversaire (la fin justifie les moyens) et une autre axée la poursuite du combat pour créer des conditions favorables pour l'après-guerre (les moyens déterminent la fin) ; ceci aboutit à 3 groupes, entre la défense mobile, la défense de zone et les môles de résistance. La guerre froide permet un consensus sur la défense de zone, qui est appliquée en 1951.

Le Konzeptionsstreit rebondit en 1955, avec l'apparition d'armes nucléaires (transformation mil-strat) et le changement à la tête du DMF, Chaudet relevant Kobelt (changement gouvernemental), et deux coalitions se forment autour de la défense mobile et de la défense de zone. Après des études de conception et des livres de différentes couleur (opportunité), la défense mobile est acceptée et intégrée à l'organisation des troupes 61. Mais l'affaire des Mirages ruine la crédibilité de cette conception, avec l'incapacité d'acquérir les moyens nécessaires à la défense mobile. Ceci aboutit à une doctrine combinée axée sur la défense de zone, dès 1966 et jusqu'en 1994.

Ces divergences de croyances se répètent entre les années 60 et notre époque. Les mêmes mécanismes expliquent cependant la réforme Armée XXI ; les polarisations continuent, le clivage entre les 2 coalitions s'accroît, d'autant que celles-ci ne soutiennent pas la même armée. Trois risques de choc externe existent sur l'armée : la pression budgétaire, l'écart de valeurs entre société militaire et civil, la pression de la culture d'entreprise à court terme. Une troisième voie pourrait utiliser ces risques à son profit.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 février 2006 à 11:00

Commentaires

"Une troisième voie pourrait utiliser ces risques à son profit".

Je suis intéressé à savoir comment...

Publié par Winkelried le 25 février 2006 à 15:28

La troisième voie en question est celle tracée en particulier par le Parti socialiste suisse : une petite armée de métier focalisée sur les missions à l'étranger. Une manière de marginaliser l'armée sur le plan géographique et sociétal.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 février 2006 à 17:01

Ah! Ah! Ah! vos socialistes suisses ont au moins des projets...même si cette solution rejoint en partie ce qui se passe de l'autre côté des Alpes depuis 10 ans.

Suppression du service national pour des raisons économiques, électoralistes et vaguement stratégiques. Le lien Armées-Nation est sensé demeurer au travers de la journée d'appel préparatoire à la défense (JAPD) et l'action des réserves... Mais bien sur...

Mise sur pieds d'une armée professionnelle au format réduit, exclusivement dédiée aux missions extérieures, projetable...Mais comme les moyens budgétaires votés à cet effet servent de variable d'ajustement aux gouvernements successifs, disons que nous connaissons quelques dysfonctionnements matériels et logistiques ;)

La défense opérationnelle du territoire national est refilé à la gendarmerie nationale.


Mais, la fin du service national voit disparaître également la possibilité d'intégration sociale, économique et culturelle de nombreux "jeunes"...La délinquance augmente...On pense résoudre le problème en augmentant à fond perdu le budget de l'éducation nationale (en piochant dans celui de la défense), mais rien n'y fait, alors, on augmente le budget sécuritaire interne et on détache pour emploi la gendarmerie auprès du ministère de l'intérieur...Le maintien de l'ordre public a de plus en plus de difficultés à être assuré par les CRS et les escadrons mobiles qui sécurisent les banlieues et les trains...

Concomitamment, il est de plus en plus question de voir l'armée de terre assurer les missions de maintien de l'odre. Elle le fait déjà en Opex, a suivi les enseignements des gendarmes et n'hésite plus à le revendiquer intra-muros. Par ailleurs, elle est prête à tout pour éviter les nouvelles réductions d'effectifs prévues et cherche donc à justifier ses postes budgétaires (généraux inclus ;) ) et son (sur)emploi. Le fait qu'elle surchauffe déjà avec pas loin de 11 000 hommes déployés autour de la planète semble lui échapper... :)

Bref, c'est assez schématique et sans doute proche de la caricature(sans vouloir offenser personne), mais voilà une idée de ce qui vous attend si les socialistes ou assimilés se sentent en devoir de s'occuper de votre avenir...avec leur troisième voie.

Bon courage à vous! ;)

Publié par Winkelried le 25 février 2006 à 20:42

Je propose une nouvelle politique de défense :
A chaque patriote son gouape !

:D

Publié par Alceste le 26 février 2006 à 0:14

A Winkelried : concernant les projections intellectuelles du PS, nous n'en sommes pas encore là , car mes concitoyens auront leur mot à dire. Disons simplement qu'il est toujours pénible de travailler dans une institution dont les missions, les budgets, les structures et la doctrine sont sans cesse remis en question alors même que le peuple s'est prononcé clairement en la matière.

Publié par Ludovic Monnerat le 26 février 2006 à 9:49

@ Ludovic:

les problèmes que vous soulignez, "alors même que le peuple s'est prononcé clairement en la matière", serait il le reflet de quelques imperfections du système démocratique, où certains prétendent s'affranchir de l'avis de ceux qu'ils représentent.

Ce genre d'"élus", feraient bien pour le coup de s'inspirer de Tocqueville et de songer à monter plus de respect et de considération aux citoyens électeurs...Sans quoi ces derniers pourraient bien, un jour, prendre la mouche ...

Publié par Winkelried le 26 février 2006 à 11:09

"alors même que le peuple s'est prononcé clairement en la matière."

Je ne suis pas d'accord... Le sucre de la diminution des jours de service n'aurait jamais dû être couplé avec la votation armée XXI... Il fallait deux votations séparées :o) Et là seulement on pourrait tirer des plans sur la comète.

Publié par Deru le 26 février 2006 à 11:33

"Ce genre d'"élus", feraient bien pour le coup de s'inspirer de Tocqueville et de songer à monter plus de respect et de considération aux citoyens électeurs..."

Nous ne sommes pas en dictature. :o)

Le souverain doit trancher au moyen d'un instantané une question précise, sans possibilité de recours immédiat. Mais rien interdit de penser autrement ou de reposer la question ultérieurement.

Vous montrez bien peu de considération en notre démocratie en la réduisant en un seul jeu de pouvoir ou les "perdants" devraient se taire, voire s'oter la vie en signe de repentance pour avoir eu l'outrecuidance de penser différement à un moment déterminé du peuple souverain.... C'est bien triste d'avoir aussi peu d'égard pour ceux qui pensent différement...

Publié par Deru le 26 février 2006 à 11:37

@ DERU:

"Vous montrez bien peu de considération en notre démocratie"...

Là n'est pas le problème.

En revanche, ceux des élus qui ne jouent pas le jeu et cherchent toujours à contourner les décisions venus des urnes lorsque'elles n'épousent pas leur idéologie sont dangereux pour la démocratie elle même. Leurs manoeuvres cauteleuses en donnent une piètre image...

Je ne sais pour la Suisse, mais en tant que français, j'ai encore en mémoire le référendum relatif à la constitution européenne...

Certains considèrent peut être que lorsque le peuple ne convient plus, les "élites" doivent en changer, le modifier... tel n'est pas mon cas. Et ceux-là je les attends de bulletin ferme! :)

La décision du peuple, l'expression populaire, pour faire moins soviet est souveraine. Ou alors elle n'a aucune raison d'être et on devrait au moins avoir l'honnêteté et la franchise de dire que l'on entend s'en passer.

Publié par Winkelried le 26 février 2006 à 12:05

Winkelried, j'applaudis (vous voyez que tout arrive ;o) )

Publié par Ruben le 26 février 2006 à 13:54

@Pan:

"j'applaudis"

Voilà qui m'en fiche un sacré coup, à l'heure de la sieste...heureusement que je suis assis :)

Publié par Winkelried le 26 février 2006 à 14:30

Voilà de belles réflexions ! Le peuple, le Souverain en Suisse, a au moins la reconnaissance de son nom, par le vote directe. Ici au Canada c'est un demeuré que l'on flatte dans le sens du poil en lui répétant à satiété qu'il est chanceux de vivre dans ce beau et grand pays. Qu'il devrait la fermer car la GoGauche ( déguisé en sociale démocratie à la sauce Alter mondialiste ) s'occupe de son bien être ou peut être de son mal être. Heureusement qu'il y a les " Cow boys " de l'Ouest pour rebalancer de temps en temps ce beau projet et sa composante militaire, dont la réussite n'est que le fruit d'un gros acheteur US ( 80%, dont on a même pas la reconnaissance du ventre ), tout prêt de chez nous. De l'accaparement d'un immense territoire habitable par une poignée de nantis. Ici on ne construit pas de grands murs pour cacher les bidons villes, ils sont perdu dans le Grand Nord.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 26 février 2006 à 16:55

La perversion insidieuse des discours gocho-bobo a déjà fait beaucoup de dégât dans la tête des plus jeunes. Les mots de "Guerre", "Armée", etc. sont entâchés pire que les 7 pêchés capitaux. Ils n'y a aucune connaissance et reconnaissance pour les soldats qui ont donné leur vie pour qu'aujourd'hui nous puissions vivre démocratiquement. Ils sont salis par le fait même d'être morts "à la guerre". L'uniforme n'a plus la côte, pour les militaires comme pour les policiers, il n'y a plus de respect. Les porteurs d'armes quelque soit le motif sont apriori du mauvais côté.

Deux annecdotes emblèmatiques:
En visite à Edimburg au musée des armées, il a un temple avec à l'entrée le noms de tous ceux qui sont morts pour la GB. Un jeune faisait la visite avec nous, dont je sais qu'il reçoit pourtant une éducation critique. Il était horrifié qu'on dédit "un temple à la guerre, qu'on glorifie la guerre". Il a fallu un moment de discussion pour lui faire comprendre que ce n'était pas un monument dédié à la guerre, mais à ceux qui avaient donné leur vie pour que nous puissions vivre selon nos valeurs.

Il m'est arrivé plusieurs fois d'accompagner des jeunes à leur fraternelle des jeunes tireurs. J'ai pu remarquer à chaque fois que la majorité des jeunes sont extrême-droite, et même tendance nazie affichée, sans qu'apparemment cela pose problème aux instructeurs. Le résultat c'est que les quelques jeunes qui étaient intéressés à en apprendre plus sur le maniement du FAS 90 et s'entraîner au tir, abandonnent assez vite.

Pourtant face au terrorisme qui peut frapper n'importe quand, n'importe où, l'armée de milice est la meilleure arme. le citoyen milicien à l'israelienne a été façonné par cet environnement hostile.

Publié par elf le 26 février 2006 à 23:47

@ elf, Vous venez de décrire en peu de mot avec des exemples tellement d'actualité la situation de toutes nos démocraties. Vos gocho-bobo ou mes GoGauches sont des fossoyeurs de démocratie. Ils surfent sur la vague de retour de ce grand tsunami socialisant et vont se perdre dans les abîmes de cet océan de bêtises en faisant des milliers de victimes jeunes qui auront à tout réapprendre si l'ennemie leur en laisse le temps... car il y a toujours un ennemie à l'affût. Il y a d'abord la vieillesse qui dit après moi le déluge puis la Grande faucheuse qui se charge de faire disparaître tout ce qui vie mais aussi ces Civilisations décadentes et bien entendu les Barbares prêts à se repaître du festin. Est-on assuré de renaître dans une autre Civilisation démocratique et respectueuse de la vie ? je pense que cette police d'assurance n'existe pas.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 27 février 2006 à 3:33

@Winkelried, j'applaudis également.

Cependant, quand vous dites "Certains considèrent peut être que lorsque le peuple ne convient plus, les "élites" doivent en changer, le modifier... tel n'est pas mon cas. Et ceux-là je les attends de bulletin ferme! :)": c'est facile de les attendre, il n'y a qu'eux de disponible au bureau de vote. Moi, c'est les autres, les "justes", que j'attends de bulletin ferme, mais il m'arrive de désespérer...

Publié par ylyad le 27 février 2006 à 10:48

@ Ylyad:

Ce n'est pas faux... :)

Publié par Winkelried le 27 février 2006 à 13:30