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23 janvier 2006

Iran : planification d'emploi (6bis)

Notre expérience de planification participative en source ouverte a vu son rythme ralentir ; la faute à mes activités intenses, mais aussi à la complexité de l'étape consacrée aux facteurs géographiques au sens large. Qu'à cela ne tienne : avec les deux suggestions faites jusqu'ici par Ylyad et Alex, j'ai complété un brin le tableau EDC de ces facteurs, que je laisserai encore quelques jours ouvert avant de passer à l'étape suivante.

Voilà donc où nous en sommes :

Enoncé Déduction Conséquence
L'Iran est un pays de grande taille, mesurant environ 1800 km en longitude et 1300 km en latitude, avec de longues chaînes montagneuses et deux zones désertiques qui entourent et segmentent des zones urbaines d'une densité généralement faible. La dimension et la configuration du pays le rendent défavorable aux opérations offensives aéroterrestres conventionnelles, en raison de la longueur des lignes de communication et des effectifs nécessaires pour les sécuriser, et nécessitent l'emploi de moyens aériens pour le transport et le soutien des éléments au sol. Un engagement durable de troupes au-delà de la zone frontière prendra la forme d'opérations spéciales focalisées sur la reconnaissance / surveillance, la désignation d'objectifs et les actions de guerre non conventionnelle, appuyées par une composante aérienne disposant d'une suprématie constante.
Le Golfe Persique et le Golfe d'Oman longent presque tout le sud de l'Iran, sur une longueur de 2440 km, et sépare ce pays des petites monarchies de la péninsule arabique (à l'exception du Koweït), traditionnellement alliées aux Etats-Unis et ou ceux-ci disposent d'infrastructures permanentes. La protection de ces petites nations et de ces infrastructures nécessite un contrôle de l'espace maritime et aérien qui les sépare de l'Iran, afin d'empêcher des représailles ou des attaques préemptives par le biais d'actions terroristes navales, de raids aériens ou de tirs de missiles balistiques. Avant même le déclenchement de l'opération, une force aéronavale puissante - centrée autour de groupes distants - doit contrôler le Golfe Persique et le Golfe d'Oman, empêcher toute intrusion d'éléments hostiles et déployer une capacité antimissile.
Les installations liées au programme nucléaire iranien sont réparties sur presque tout le territoire du pays ; certaines à proximité des frontières, et d'autres à plus de 600 km de celles-ci. Elles sont souvent conçues pour résister à une attaque aérienne classique, notamment par le biais de structures souterraines, et pourraient posséder une certaine redondance. La neutralisation des activités nucléaires de façon réversible impose des actions précises et simultanées, déclenchées par surprise et capables de franchir les protections dont bénéficient les installations, avec des renseignements suffisamment précis pour limiter l'ampleur des effets nécessaires. Les installations essentielles à la poursuite du programme nucléaire seront mise hors service, en fonction de leur configuration, soit par des frappes aériennes utilisant des projectiles à forte pénétration guidés à partir du sol, soit par des actions directes de destruction / sabotage menées avec des forces spéciales infiltrées préalablement, soit par des coups de main menés avec des formations aéromobiles stationnées sur des bases à proximité de l'Iran.
L'Iran possède des frontières communes avec plusieurs Etats dans lesquels se manifestent des terroristes islamistes, soit l'Irak, la Turquie, l'Afghanistan et le Pakistan. Les réseaux islamistes ont l'habitude franchir ces frontières et utilisent le territoire iranien pour appuyer leurs activités. Une opération militaire menée en Iran renforcerait les convergences d'intérêt entre islamistes d'obédience sunnite et chiite, et les pays voisins appuyant la coalition ou tolérant son action seraient susceptibles de subir des attaques terroristes visant à affaiblir le gouvernement, dresser la population contre l'opération et réduire la cohésion au sein de la coalition. Avant le déclenchement de l'opération, un cordon sanitaire - sous la forme de forces locales appuyées et conseillées par des forces spéciales - devra être en place sur les principaux points de passages aux frontières de l'Iran afin de limiter l'infiltration de terroristes ; la surveillance de ces points doit être renforcée au plus vite pour détecter toute infiltration préventive de cellules clandestines.
Les installations pétrolières et gazières iraniennes sont principalement situées au sud-ouest et au sud du pays, au bord du Golfe Persique ou près de la frontière avec l'Irak. A l'exception des pipelines gaziers passant par la Turquie et le Turkménistan, l'exportation se fait par bateau via le Détroit d'Ormouz. L'emplacement de ces installations impose au régime de Téhéran un déploiement de forces préventif pour en protéger l'exploitation, respectivement pour saboter durablement celle-ci. Les exportations peuvent être rendues impossibles par l'obstruction du Détroit d'Ormouz et le contrôle ou le sabotage massif des pipelines. Afin d'éviter une diminution trop importante des approvisionnements en énergie fossile, les installations doivent être constamment sous surveillance pour détecter tout sabotage et être prises d'assaut dès le déclenchement de l'opération. Le Détroit d'Ormouz doit être tenu ouvert par un groupe naval avant celui-ci.
L'Iran est caractérisé par une physiographie très montagneuse, avec des sommets dépassant les 4000 m au sud et les 5000 m au nord, et sans que ces chaînes de montagnes puissent être contournées pour accéder au centre du pays. Les pénétrantes au sol ou à basse altitude sont en nombre réduit. Le relief défavorise les opérations terrestres par la multiplication des passages obligés, et la hauteur des montagnes complique l'emploi de transports héliportés en limitant la charge utile ou l'autonomie des appareils. Le déploiement et le ravitaillement de forces doit se faire en priorité avec des avions de transport. Le déploiement d'une force de combat conventionnelle sur sol iranien nécessite la prise d'une base opérationnelle avancée dans un secteur éloigné des zones urbaines, susceptible d'être protégé à partir des airs, et à portée utile des avions de combat basés en mer et sur des bases situées dans les pays voisins. Le volume de forces déployées est limité (au maximum une division) et les couloirs aériens utilisés doivent avoir été nettoyés de toute arme air-sol à moyenne et haute altitude.

Il reste donc encore de la place pour ajouter d'autres éléments. J'en traiterai quelques uns, mais je me laisse volontiers conseiller et aider en la matière ! :)

COMPLEMENT I (31.1 2100) : Un dernier élément a été ajouté au tableau ci-dessus. Il est temps de passer à l'étape suivante.

Publié par Ludovic Monnerat le 23 janvier 2006 à 21:53

Commentaires

Merci pour la citation, parce que je n'aurais même jamais remarqué l'emprunt.

Quand je vois le lien sur les installations souterraines, je me prends à réclamer que Google augmente la précision d'Earth sur l'Iran (l'Irak est de plus en plus précis, soit dit en passant). Quel outil fantastique!

Publié par ylyad le 23 janvier 2006 à 22:52

Bravo! Superbe site et extrêmement interressant.

Publié par Woland le 24 janvier 2006 à 18:41

Sur Radio-Courtoisie, Jean-Christophe Mounicq fait l'éloge de Ludovic Monnerat à l'émission de Claude Reichman.

Rediffusion à 0h00 et 7h30 demain matin sur http://www.tv-radio.com/player/mini.php?from=site&station=courtoisie&format=3&WM=1&RM=1&QT=1

Publié par François Guillaumat le 24 janvier 2006 à 19:09

En relisant le tableau "Iran : planification d'emploi (6bis)", je me pose une question et suggère une voie impertinente.

La description du tableau procède d'un raisonnement logique, d'un calcul rationnel et d'estimations faites dans notre référentiel. Excellent mais n'est-ce pas là le champ de bataille choisi par les dirigeants iraniens et sur lequel ils nous attendent ?

En fait, il n'ont que deux forces de dimension internationale;
-celle du complexe nucléaire en voie de produire un danger vital pour nos sociétés et
-celle du pétrole, source de fonctionnement pour nous (point d'appui du chantage) et de revenus pour eux.

La rupture de la source pétrolière iranienne serait très désagréable à court et moyen termes pour nous mais peut-être bien moins coûteuse, notamment en vies humaines, que la tentative de la préserver.

Imaginons un scénario où la coalition commence par détruire profondément l'industrie pétrolière iranienne (ce qui ne détruit d'ailleurs pas le pétrole en sous-sol) avant de s'en prendre à l'industrie nucléaire. Violent, bref, avec toutes sortes de vecteurs mais sans occupation territoriale.

Le levier principal du paradigme de l'appareil révolutionnaire est cassé! Le champs de bataille n'est plus celui qu'avait choisi l'Iran islamiste. Leur affaiblissement réduit drastiquement leur capacité nuisible de long terme, voire favorise l'émergence d'un régime plus ouvert.

Plausible ?

Critique bienvenue...

Publié par Respire le 27 janvier 2006 à 23:25

La voie suggérée est peut-être impertinente, certainement faisable, mais pas vraiment souhaitable. Ce que vous décrivez, c'est une attaque somme toute traditionnelle des capacités industrielles et énergétiques iraniennes. Je ne doute pas un seul instant de la nécessité d'avoir un effet capacitaire, notamment sur le programme nucléaire, mais pensez-vous vraiment qu'une campagne de bombardements affaiblisse un régime qui ne survit que par son appareil répressif ?

A mon sens, ce serait une grave erreur que de traiter l'Iran comme un bloc, comme un ensemble de cibles à la Warden, alors que ses divisions appellent précisément des effets plus diversifiés que la seule destruction. Il s'agit également de prendre en compte la perception d'une telle action sur la population iranienne : une campagne n'offrant aucune perspective que celle de subir des bombardements ne peut que jeter la population iranienne dans les bras du régime.

Publié par Ludovic Monnerat le 28 janvier 2006 à 20:44

A force de nier la présence de la grippe aviaire dans la région, le régime iranien fera face à une épidémie et aura donc une seule alternative, se comporter comme les nord-coréens (laisser mourir sa population) ou demander l'aide occidentale (qui aura des conditions). Dans les deux cas, le pouvoir fascinateur de ce régime sera laminé dans la région.

Pourquoi prendre le risque d'une guerre alors que la patience, la nature et la bêtise humaine suffisent ?

Publié par Deru le 28 janvier 2006 à 20:57

Spéculer sur les erreurs de l'autre n'est pas exactement une méthode recommandée en stratégie, ne serait-ce que parce que la bêtise humaine est souvent équitablement répartie. Je ne pense qu'un Iran nucléaire connaissant une pandémie soit exactement moins dangereux qu'un Iran nucléaire tout court.

Publié par Ludovic Monnerat le 28 janvier 2006 à 21:20

Le Peuple iranien est déjà entré en résistance douce mais active. Les Notables iraniens attendent, souvent à l'étranger pour se manifester. Il reste l'armée, disons une parti de l'armée à convaincre d'entrer en dissidence. L'effort le plus important doit se focaliser sur des Chefs susceptibles d'être suivis pour cette mission d'un Iran moderne, ouvert sur le monde et au service du Peuple iranien.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 29 janvier 2006 à 2:14

Un appel ouvert d'une coalition élargie ( au delà de la Troïka ), à ces Chefs potentiels pour reprendre l'Iran et l'offrir à son Peuple. Garantissant ceux ci de l'appui de l'Occident au développement dans tous les domaines, même ceux du nucléaire serait peut-être ce détonateur nécessaire pour faire bouger les Militaires.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 29 janvier 2006 à 2:26