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22 décembre 2005

Le défi de la solidarité

Ces derniers mois, j'ai abordé à plusieurs reprises (ici et ici) le rôle offensif de l'aide humanitaire dans la conquête des cœurs et des esprits - et même des âmes, afin d'intégrer la dimension morale aux dimensions psychologiques et cognitives. J'avais également annoncé, sans prendre de grand risque, que l'engagement militaire américain au Pakistan après le tremblement de terre allait leur valoir des retombées positives. C'est aujourd'hui chose faite, comme tendent à le montrer plusieurs reportages récents, et comme semble le confirmer cet article du Wall Street Journal :

Since then, U.S. helicopters have flown 2,500 sorties, carried 16,000 passengers and delivered nearly 6,000 tons of aid. Just as importantly, the Chinook has become America's new emblem in Pakistan, a byword for salvation in an area where until recently the U.S. was widely and fanatically detested. Toy Chinooks (made in China, of course) are suddenly popular with Pakistani children. A Kashmiri imam who denounced the U.S. in a recent sermon was booed and heckled by worshippers. "Pakistan is not a nation of ingrates," a local businessman told me over dinner the other night. "We know where the help is coming from."

Cette réalité admise, il convient de porter notre attention sur le défi actuel de la solidarité. Une planète chaque année davantage interconnectée, où les zones échappant au regard pénétrant des médias deviennent toujours plus rares, est comme une scène rassemblant de plus en plus de spectateurs : tout le monde entend et voit ce qu'il s'y passe sans être nécessairement mieux placé pour agir. En d'autres termes, la nécessité perçue de l'action augmente de façon découplée avec la capacité réelle d'influer sur la situation. Parfois, l'incitation morale amène ainsi à entreprendre des actions dont on n'imaginait pas être capable ; c'est ce que l'armée suisse a appris en se déployant pour une mission d'aide humanitaire à Sumatra, au point que désormais son secteur d'engagement potentiel se confond au monde entier.

De fait, la solidarité face aux urgences médiatisées est aujourd'hui une obligation, et la non participation à une opération multinationale d'aide humanitaire engendre un coût politique et diplomatique. Même une action d'ampleur limitée, dans une situation catastrophique, peut avoir des effets disproportionnés, impressionner les populations touchées, modifier les perceptions loin à la ronde par un mélange de séduction et de générosité qu'illustre parfaitement l'emploi des hélicoptères de transport militaires au Pakistan comme en Indonésie. Mais la capacité de mener de telles actions, dans des délais compatibles avec les opportunités stratégiques ouvertes par une crise donnée, exige des transformations et des développements majeurs aussi bien au niveau de l'instruction et de l'équipement que de la conduite.

Aider son prochain ne s'improvise pas.

Publié par Ludovic Monnerat le 22 décembre 2005 à 19:03

Commentaires

Mais les islamistes ont aussi sorti le grand jeu et marqué des points dans la population locale, vu le peu d'efficacité des services gouvernementaux.

Publié par Frédéric le 22 décembre 2005 à 19:48

"...Aider son prochain ne s'improvise pas..."

Une belle phrase à répéter au moment des votes sur les budgets militaires ;-)

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 22 décembre 2005 à 19:49

Je me demande si l'utilisation d'hélicoptères aussi particuliers visuellement que les Chinooks correspond à un hasard logistique ou à une volonté délibérée de reconnaissance? En tous cas, les Pakistanais ne s'y sont pas trompés et ont mis en exergue le particularisme visuel permettant de reconnaître les Américains.

Publié par Stephane le 23 décembre 2005 à 7:31

En l'occurrence, les Chinooks ont surtout été déployés en premier lieu parce qu'ils étaient présents dans l'est de l'Afghanistan. D'ailleurs, la force de l'OTAN a également envoyé des hélicoptères lourds de type CH-53 (allemands) au Cachemire. Ainsi, je ne pense pas que les Chinooks aient une image spécialement plus marquantes que les Black Hawks ; je dirais même qu'ils offrent un potentiel bien plus grand d'accident, en raison du souffle très puissant dégagé par leur rotor (de tels accidents se sont produits par exemple à Sumatra avec des Chinooks japonais, qui ont soufflé plusieurs constructions affaiblies par le tsunami... un événement un brin délicat à gérer !).

Publié par Ludovic Monnerat le 23 décembre 2005 à 12:29