« Les femmes et la guerre | Accueil | Un lama sur ma route »

5 octobre 2005

Haro sur les hélicoptères

Comme prévu, le Conseil national a refusé l'achat de 20 hélicoptères de transport et d'entraînement pour un prix global de 310 millions de francs. En revanche, et cela vaut la peine d'être souligné, il a accepté le reste du programme d'armement 2005, pour un investissement de tout de même 710 millions de francs. Et cela même alors que tous les autres objets, à commencer par le système d'exploration électronique d'origine israélienne IFASS ou la transformation des Piranha 6x6 en véhicules sanitaires, avaient été contestés en des termes très vifs. Le blocage n'est pas tel que je ne le pressentais.

L'opposition irréductible de la gauche, pour laquelle toute dépense d'armement semble une provocation alors même que la population n'a cessé d'approuver la transformation de l'armée, ne s'est en effet pas reflétée dans les rangs de la droite nationaliste. L'UDC s'est contentée de contester la procédure de sélection de l'hélicoptère, alors que les modèles proposés par Eurocopter et Agusta sont très proches, et non l'acquisition elle-même. Autrement dit, il est fort possible qu'un certain retard soit mis à profit pour clarifier la procédure de sélection, ou mieux communiquer son déroulement, et que le remplacement des Alouette 3 puisse se faire largement dans les délais prévus.

Une fois encore, il convient de constater qu'une acquisition de grande ampleur est mise en péril par ce qui paraît avant tout être une lacune en matière de communication. Il serait donc temps de préparer la lutte des idées et des perceptions sur les grands objets des prochains programmes d'armement, comme les nouveaux avions de combat, la modernisation de la flotte blindée ou les réseaux de commandement digitaux.

COMPLEMENT (6.10 1040) : Les réactions de la presse romande sont particulièrement contrastées ce matin, entre Le Temps qui juge Samuel Schmid victorieux, 24 Heures qui porte un avis proche et la Tribune de Genève qui au contraire annonce son échec. A se demander si l'on assiste au même événement...

COMPLEMENT II (6.10 1100) : Cela m'avait échappé, mais la palme du commentaire le plus surréaliste revient à Antoine Grosjean dans la TdG, qui n'hésite pas à sombrer dans les contre-vérités (le programme d'armement serait menacé par les hélicoptères alors qu'il a été accepté, notamment) pour asséner sa rhétorique antimilitaire. Extrait :

Mais notre commandant en chef national a quand même réussi à faire (en partie) accepter aux bidasses du parlement un tir groupé d'un milliard de francs. Un montant qui, toutes proportions gardées, semble digne de l'Armée rouge en pleine guerre froide!
[...]
Les polémiques sur l'armement cachent un profond malaise. Il est grand temps d'ouvrir un débat de fond sur le rôle de notre armée. La guerre froide, justement, est finie depuis longtemps, n'en déplaise aux marchands de canons.

On notera ici les deux arguments-clefs utilisés pour véhiculer la perception d'un programme d'armement illégitime et scandaleux. En premier lieu, la notion de guerre froide, d'armée surannée, d'achats dépassés. Je me demande bien comment M. Grosjean peut-il bien affirmer que l'achat d'hélicoptères de transport et d'entraînement serait dépassé, alors que la mobilité aérienne gagne sans cesse en importance. De même, il faudrait qu'il explique comment il entend maintenir une capacité de défense sans système d'exploration électronique moderne, sans radios à longue portée ou sans véhicules sanitaires. L'absence de toute compréhension des engagements futurs ruine cette argumentation.

Deuxièmement, le sempiternel appel au grand débat ne parvient pas à masquer l'a priori idéologique de son auteur. Le grand débat sur l'armée a eu lieu pour la dernière fois au printemps 2003, et la population a tranché en approuvant clairement le projet Armée XXI. Si les missions de l'armée doivent être rediscutées sans cesse, alors que ses acquisitions sont prévues pour une durée de vie parfois supérieure à 30 ans, il est impossible de fixer un cap et de s'y tenir. En fait, le pays a certainement besoin d'un nouveau rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité, car celui publié à l'été 1999 est effectivement dépassé. Mais les choix faits par le souverain doivent être concrétisés.

Enfin, le mépris affiché par M. Grosjean - "petits soldats de Schmid", "bidasses du Parlement" - n'est jamais que l'expression d'une frustration qui ne le grandit pas.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 octobre 2005 à 19:39

Commentaires

Nouveaux avions de combat? Modernisation de la flotte blindée? oulà laaa, cela va donner des débats assez vils...

Ludovic, peux-tu nous renseigner en quelques lignes sur l'état politque et la nécessité militaire de ces deux questions? (Surtout quant aux avions; je me souviens que j'avais même manifesté devant le palais fédéral pour l'achat des F-18 quand j'avais 14 ans....! C'était ma première manif. Ma deuxième et dernière manif était aussi devant le palais fédéral à Berne, mais cette fois CONTRE des avions, c'est à dire contre le nouveau régime de vols de l'aéroport civil de Zurich - mais ceci est une autre histoire... ;-)) En règle générale, je n'aime pas les manifs)

Publié par Robert le 5 octobre 2005 à 21:28

En matière d'état politique, je suis loin d'être un expert et je ne vais donc pas trop m'avancer. Je pense que la fracture traditionnelle gauche/droite sur les questions d'armement va largement se reproduire. On peut présager une fronde de l'UDC sur ces objets en fonction d'objectifs électoraux à court terme.

Concernant la nécessité militaire, l'acquisition d'un nouvel avion de combat est bien sûr liée au remplacement des F-5 Tiger. Lorsque ces derniers seront retirés du service, la flotte de F/A-18 ne sera pas suffisante pour remplir toutes les missions de surveillance et de défense aérienne, et une petite quantité d'avions supplémentaires est nécessaire. A ce stade, toutes les options sont encore sur la table, y compris celle de moderniser une partie des F-5 ; mais la nécessité de l'interopérabilité (la police de l'air, pour un petit pays comme la Suisse, suppose nécessairement la coopération) incite à un nouvel achat.

Pour la flotte blindée, enfin, il s'agit simplement de maintenir à niveau les capacités actuelles dans le domaine de la défense. Moderniser les chars de combat, compléter les véhicules du génie est indispensable si l'on souhaite conserver une arme blindée opérationnelle.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 octobre 2005 à 22:09

Merci!

Publié par Robert le 6 octobre 2005 à 0:40

et dire que le principal reproche contre ces hélico c'est d'avoir choisi vite....
Décidement l'UDC et la gauche ne sont pas à une contradiction près.

Publié par t-Buster le 6 octobre 2005 à 2:18

La critique est facile et l'art difficile, mais comme vous l'avez signalé, le Département a une fois de plus pêché en raison d'une communication hasardeuse, voire douteuse...

Mais l'objet n'est que repoussé.

Publié par fingers le 6 octobre 2005 à 8:32

Effectivement, dans le contexte actuel, il sera particulièrement difficile de faire passer certaines acquisitions (modernisation de blindés, achats de nouveaux avions).
Pour de nombreux citoyens, la Suisse se trouve au sein d'un système qui semble stable et sûr. D'autre part, notre pays, en raison de sa neutralité, ne doit pas participer à un quelconque effort de défense au niveau international (notamment sur le plan européen). Ainsi, la tentation sera grande de s'opposer à de gros investissements en matière d'armement, tout en désirant conserver une armée (notamment pour l'appui aux autorités nationales/ cantonales - rôle sécuritaire ponctuel - engagements à l'étranger). L'état des finances fédérales pourrait aussi inciter les parlementaires à refuser les programmes d'armements jugés trop dispendieux. Enfin, selon l'évolution intérieure du pays, certains milieux seront tentés de réclamer une réduction supplémentaire des dépenses militaires, afin de réaffecter ces moyens dans d'autres secteurs.
L'armée doit absolument prendre en compte cette évolution pour réaliser ses projets.

On remarque, une fois de plus, que la notion de neutralité représentera un obstacle pour notre armée. Car, d'une part, elle servira d'argument à la droite comme à la gauche pour conter certains projets et imposera des limites à la Suisse, en matière de collaboration internationale.

Alex

Publié par Alex le 6 octobre 2005 à 9:42

Cher ludovic,

Avez vous plus d'infos ou des commentaires sur le refus suisse de vendre 180 M-113 à l'Irak?

lien:
http://63.247.134.60/~pobbs/archives/001923swiss_media_redefines_the_tank.html#trackbacks

Publié par frenchfregoli le 6 octobre 2005 à 11:03

Plus d'information, non (vraiment!). Un commentaire, certainement : la décision des EAU de renoncer à l'achat tombe particulièrement bien pour le Conseil fédéral et lui ôte une grande épine du pied. Ce d'autant plus que ces chars ont de fortes chances de trouver d'autres acquéreurs, dans la mesure où leur état et leur prix en font une bonne affaire pour de nombreuses armées. On notera en passant que la vente de M-113 au Pakistan semble se poursuivre sans difficulté...

Publié par Ludovic Monnerat le 6 octobre 2005 à 11:30

« On notera en passant que la vente de M-113 au Pakistan semble se poursuivre sans difficulté... »
Personnellement, je ne serai pas aussi optimiste. Cette vente sera sans doute confrontée aux mêmes difficultés que celles rencontrées précédemment.

Alex

Publié par Alex le 6 octobre 2005 à 11:53

Concernant le remplacement des F-5, s'il s'agit de faire la "police du ciel", un avion d'entrainement avancé supersonique pourrait faire l'affaire et faire d'une pierre 2 coup. Le futur Mako d'EADS qui peut faire aussi de l'appui raproché me semble parfait pour ces missions, mais leur entré en service n'est pas prévue avant 10 ans :(

Publié par Frédéric le 6 octobre 2005 à 12:39

Pour Fred:
Cette option ne serait pas très logique. D'une part, en liquidant ses "Hawk" l'armée a démontré qu'il n'était pas nécessaire de posséder un avion d'entraînement à réaction. D'autre part, le nouveau Pilatus 21 devrait pouvoir couvrir les besoins en matière d'instrction. Ce dernier a aussi l'avantage d'être produit en Suisse.

Alex

Publié par Alex le 6 octobre 2005 à 13:04

Permettez-moi d' exprimer un avis qu' on ne rencontre pas souvent. Celui des soldats (ceux qui sont sur le terrain et qui n' ont pas peur de blesser qui que ce soit).

Cette récente manie d' acheter du matériel aérien, je la réduis à deux choses : 1) L' origine de notre cher chef de l' armée 2) Un obscur lobbyisme industriel.
Et en aucun cas à un quelconque besoin tactique.

En cas de conflit symétrique, toute personne un tant soit peu renseignée sait que nos forces aériennes n' ont pas de quoi tenir plus de quelques minutes face à une armada aérienne moderne telles qu' on les a déjà vues en Iraq (91) et en Serbie (99).
En cas de menace asymétrique, un bon vieux F-5 Tiger fait très bien l' affaire quand il s' agit d' abattre un boeing détourné ou un petit avion agricole rempli d' Anthrax.
Un Puma transporte les troupes aussi bien qu' un hélico de la prochaine génération.

Désolé de vous blesser messieurs les théoriciens mais dans un terrain comme le notre, la reine des batailles c' est l' infanterie, que ce soit pour stopper une poussée mécanisée à coups de Dragon BB-77 ou de garder des ambassades, d' arrêter des terroristes ou de mener un combat retardateur.

Et pendant qu' on discute encore et toujours pour des avions, des hélicos, des aérodromes, les forces terrestres n' ont même pas assez de protection ballistiques, ni même assez de fusils de sniping, ni même assez de missiles anti-aériens alors que, vous serez obligés de l' admettre, exemples récents à l' appui, ces articles peuvent avoir une importance stratégique, pas moins.

Mais c' est vrai qu' en tant que simple chef de section (ou plutôt "de la formation débarquée"), il me manque peut-être une certaine vue d' ensemble, donc j' attends vos commentaires, que j' espère inspirés de la pratique et de l' observation des guerres actuelles, pas de je ne sais quelle théorie entendue au SF OF...

Publié par Arnaud le 6 octobre 2005 à 14:44

« En cas de conflit symétrique, toute personne un tant soit peu renseignée sait que nos forces aériennes n' ont pas de quoi tenir plus de quelques minutes face à une armada aérienne moderne telles qu' on les a déjà vues en Iraq (91) et en Serbie (99) ». (Arnaud)

Voilà un scénario assez peu probable.
Autrefois, les F-5E et autres mirage III avaient surtout pour but de permettre une mobilisation des troupes au sol.
Actuellement, un appareil tel que le F/A-18 constitue un système d'arme polyvalent capable de traiter aussi bien des cibles aériennes que terrestres (bien que la Suisse ait décidé de l'utiliser uniquement en tant que chasseur/intercepteur). D'autre part, le F-18 peut facilement être affecté à des opérations internationales (sous réserve de la notion de la neutralité).
Le radar et l'équipement du F-18 lui permettent de détecter et d'engager des cibles bien plus rapidement que ses prédécesseurs (argument important pour un pays aussi petit que le nôtre).
Autrement dit, le F-18 a tout à fait sa place dans le contexte de défense actuel qui ne doit pas s'arrêter au seul territoire national, mais englober une réalité plus large.

PS1. A noter que la Suisse a déjà abandonné ses compétences en matière d'attaque au sol et dans le domaine de la reconnaissance aérienne (actuellement des pilotes suisses suivent toutefois une formation sur mirage F1, afin d'entretenir un certain niveau de compétence). Dans ce cadre, il est à espérer que la Suisse dispose au moins de moyens de défense aérienne efficace.

PS2 : Face à la menace actuelle, le PAL BB 77 me semble une arme assez peu efficace. Surtout lorsque l'on sait que les nouveaux missiles anti-chars sont du type « fire and forget » (ex. : Javelin).

Alex

Publié par Alex le 6 octobre 2005 à 15:34

"la Suisse a déjà abandonné ses compétences en matière d'attaque au sol". Les F/A 18 suisses ne sont pas équipés d'armes armes-sol ?

Les Mirage F-1 Français ont tiré au canon de 30 et les M-2000 ont largé des bombes de 250 kg sur des positions Talibans en appui de nos forces en Afghanistan. Je ne savais pas l'aviation Helvetique n'avais pas cette capacité.

Sinon, pour Arnaud, il est vrai qu'il faut aussi s'occuper du matériel basique avant d'avant d'envisager des "extras" ;)

Publié par Frédéric le 6 octobre 2005 à 18:17

Pour répondre brièvement à Arnaud, je dirais que lorsque j'étais moi-même chef de section d'infanterie, je n'avais pas nécessairement une compréhension complète de l'emploi des Forces aériennes. Je ne suis certes pas une référence, et cela ne préjuge en rien de votre avis. Cependant, je crois qu'il faut évaluer toute la palette de prestations des FA, en matière de transport, de surveillance, d'exploration, de liaison ou encore de police aérienne pour émettre un jugement d'ensemble sur la chose. Et le fait que le Chef de l'Armée soit un pilote ne change rien aux besoins de l'armée en la matière.

Maintenant, en ce qui concerne plus précisément les hélicoptères de transport et d'entraînement, il faut noter que les Alouette 3 sont depuis des années très sollicitées par les autorités civiles pour des missions de surveillance, notamment des frontières. Lorsque l'on y ajoute les missions militaires, on se rend compte que ces petits hélicoptères, offrant une bien meilleure visibilité aux passagers que les "camionnettes" que sont les Super Puma / Cougar, sont remarquablement utiles. Sans même parler de l'instruction des pilotes d'hélicoptères.

Publié par Ludovic Monnerat le 6 octobre 2005 à 21:46

On se demande pourquoi la gauche a choisi de critiquer l'achat d'un équipement qui se prête le plus à des usages qu'elle-même ne conteste pas, comme les secours en cas de catastrophe, y compris dans son sacrosaint tiers-monde, ou les interventions antiterroristes. Cela rend sa position encore plus intenable, et on se demande bien pourquoi elle ne sombre pas déjà dans le ridicule.

C'est probablement que la droite trahit ses propres valeurs. Parce que si elle les servait vraiment, elle reconnaîtrait que seule la défense nationale peut en fin de compte justifier des dépenses publiques.
Peut-être s'imagine-t-elle que les Alouette III, dont le prototype a volé pour la première fois en octobre! 1960, pourraient servir indéfiniment ?

Heureusement que se développe sur internet ce réseau d'information qui concurrence les MSM à la suisse, lesquels ne semblent pas se soucier de rigueur et d'exactitude davantage qu'ailleurs.

Publié par François Guillaumat le 7 octobre 2005 à 8:03

La dernière Alouette III suisse a été construite à Emmen en 1974
http://www.vbs-ddps.ch/internet/luftwaffe/fr/home/about/assets/helicopter/al

Ça fait trente et un ans.

Publié par Hunden le 7 octobre 2005 à 9:43

Eh bien dans l' ensemble je suis d' accord avec vous. Quelques clarifications toutefois :

Tous les boulots qui incombent aux FA, que vous avez mentionnés, peuvent être très bien faits par ce que nous avons déjà . Nos appareils ne pourront pas être utilisés indéfiniment, mais on a le temps de voir venir.

Et pour ceux qui croient que l' aquisition de moyens aériens n' a rien à voir avec l' origine de notre Chef de l' armée.... en théorie non, mais ça reste de la théorie.

Publié par Arnaud le 7 octobre 2005 à 14:37

Arnaud, si vous avez des preuves permettant de fonder votre affirmation selon laquelle le fait que le Cdt C Keckeis soit pilote influe les acquisitions, rendez-les publiques ; dans le cas contraire, propager des rumeurs ne contribue en rien au débat, et dans le cas présent avoisine la calomnie. Un homme seul, fût-il Chef de l'Armée, ne peut pas ainsi influencer les planifications à long terme d'une armée pour de simples motifs sectoriels.

Publié par Ludovic Monnerat le 7 octobre 2005 à 19:06