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7 août 2005

La chasse à l'homme

L'un des aspects frappants des semaines qui ont suivi les attentats de Londres reste la célérité et l'efficacité des forces de sécurité à traquer les responsables encore vivants des attaques, aussi bien en Grande-Bretagne que dans le reste de l'Europe. Les bandes vidéos des caméras de surveillance ont ainsi permis une identification rapide des auteurs des attentats manqués du 21 juillet, de sorte que leur arrestation n'a été qu'une question de jours. Et chaque découverte a abouti à l'obtention de nouvelles pistes, qui ont élargi le champ d'investigation jusqu'à remonter somme toute rapidement à la source. Le compartimentage très strict qui est la règle des réseaux d'espionnage, et qui rendait si difficile leur démantèlement complet durant la guerre froide, semble apparemment être appliqué de façon inégale au sein des réseaux islamistes. Il est vrai que leur survie post-attentat n'est pas nécessairement une priorité!

Cette efficacité dans la chasse à l'homme peut être ainsi considérée comme une incitation à une radicalisation encore accrue des terroristes islamistes, dans la mesure où les chances d'échapper à la capture apparaissent aujourd'hui très faibles (à la différence de celles d'échapper à la condamnation, mais il s'agit là d'un autre débat!). Les périmètres les mieux protégés, ceux dans lesquels la politique du « shoot to kill » sera probablement appliquée, ceux qui sont entièrement couverts par des systèmes de surveillance semi-automatiques, voient de ce fait leurs points d'entrée devenir autant de points de non retour, des caps à partir desquels les terroristes savent que la différence entre le succès et l'échec de leur action est la plus ténue. Dans la logique de ce raisonnement, l'extension de ces périmètres - et la popularité de la vidéosurveillance nous y amène - pourrait donc provoquer une escalade dans l'action terroriste, et notamment dans son caractère aveugle. Un peu comme si trop de sécurité nuisait à la sécurité!

Une logique pareillement paradoxale, qui est la règle en matière de stratégie, souligne avant tout les limites des mesures défensives dans la lutte contre le terrorisme. Poursuivre à outrance le jeu des mesures et contre-mesures aboutit également, par une sorte de processus génétique, à éliminer les cellules et les réseaux les moins performants, et donc à laisser intacts les individus les mieux à même de s'adapter, de survivre et de frapper toujours plus fort. Une forme d'escalade qui peut hélas mener au désastre, c'est-à -dire à l'emploi d'armes de destruction massive au cœur des villes européennes. Et qui rappelle à quel point les mesures offensives, dans le domaine des transferts de fonds, de la circulation des personnes et bien entendu de la diffusion des idées, sont les seules à même d'autoriser un succès durable.

COMPLEMENT I (8.8 1040) : Cet article du Times de Londres rapporte une réunion durant laquelle l'un des leaders islamistes de la capitale britannique exprime sa véritable position par rapport aux attentats. On notera que la question des caméras de surveillance le préoccupe :

Referring to the speed with which police issued closed-circuit television pictures of the suspects in the London attacks, Bakri suggested that they should have covered their faces to conceal their identity from prying CCTV cameras.

Une lecture instructive...

Publié par Ludovic Monnerat le 7 août 2005 à 17:36

Commentaires

Exact Lt Monnerat: on ne gagne pas une guerre en défendant perpétuellement.

Publié par LMAE le 7 août 2005 à 18:34

Une autre conséquence de la traque efficace des terroristes est de réduire le nombre des attentats.
Non?

Publié par François Guillaumat le 7 août 2005 à 19:28

"... Les bandes vidéos des caméras de surveillance ont ainsi permis une identification rapide des auteurs des attentats manqués du 21 juillet... "

Qu'on se rappelle les débats qui ont fait rage dans tous nos pays démocratiques sur la pertinence de l'emploi des caméras de surveillance. Un peu comme en ce moment au sujet de la politique du « shoot to kill ». Nous avons tellement peu confiance dans nos démocraties que nous nous paralysons nous même. Il est temps de débattre sérieusement sur la participation la plus directe que possible de nos citoyens pour établir une confiance et une complicité massive dans nos institutions.

Publié par Yves-Marie SENAMAUDy le 7 août 2005 à 21:23

"... réduire le nombre des attentats... "

Je ne suis pas convaincu que tout ce branle-bas de combat puisse réduire le nombre des attentats même si on l'espère et qu'on le dis. La somme des informations connus permettra d'acculer les Assassins à une défaite honteuse seule garante d'une mobilisation des Musulmans eux même.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 7 août 2005 à 21:32

Je pense également que les suites des attentats de Londres jettent une lumière nouvelle sur l'utilité de la vidéosurveillance, même si mon billet tente de montrer que tout n'est pas entièrement positif dans cette tendance.

Pour LMAE (mis à part une légère erreur dans mon grade... :)), je dirais que le plus important reste bien de comprendre qu'une guerre est en cours, alors que de nombreux esprits pourtant éclairés - comme François Heisbourg - contestent cette notion.

Publié par Ludovic Monnerat le 7 août 2005 à 21:38

"diffusion des idées" c'est le point central!

il faut trouver des illuminés pour qu'ils se fassent sauter en l'air, pas de lavage du cerveau pas de "martyrs"

pas d'amalgames sémantiques du genre "activistes", "salafistes modérés", "militants" au lieu de terroristes, pas de sympatie pour les terroristes

Publié par Mikhaël le 7 août 2005 à 22:10

"e pense également que les suites des attentats de Londres jettent une lumière nouvelle sur l'utilité de la vidéosurveillance"

Je souhaite tout de même rappeler que les kamikazes avaient pris leurs papiers d'identité (et les avaient laissé en vue).

Alors je ne suis pas sûr >>qu'en l'occurrence

"(mis à part une légère erreur dans mon grade... :))"

Au fait, est-ce que ce site à l'assentiment de vos supérieurs, voire du DDPS ? :)

Je n'ai pas trouvé de note à ce sujet.

Publié par X. le 7 août 2005 à 23:36

Du point de vue de l'investigation, sans les cameras vidéo, le véhicule des terroristes aurait quand même été retrouvés rapidement (idem que pour Madrid), puis la police serait remonté par les billets de trains, les dépositions des familles, etc.

D'une certaine manière, en France, j'ai été excédé par les commentaires incessants des médias, des syndicats de policiers qui ont passés leur temps à couvrir d'éloges le système de vidéo surveillance, un peu plus et nous aurions oublié que ce sont bien les terroristes qui ont gagné cette bataille.

Les caméras sont un investissement financier important, un argument efficace pour réduire la présence d'hommes sur le terrain (à vérifier), mais fondamentalement, cela reste un outil d'exploitation (gestion des incendie, accidents, resquillage, etc.) ou judiciaire (une aide pour l'instruction).

Dans le cadre du contre-terrorisme, elle sont utiles après la bataille, et constituent difficilement un outils défensif vu la manière dont elle sont utilisés (la deuxième série de terroriste a été filmée 'live' alors que l'état d'alerte était maximum!)

C'est peut-être pour pointer ces limitations que vous avez mentionné les « systèmes de surveillance semi-automatiques ». Dans le cas de Londres, un enregistreur ne constitue pas un tel système, encore moins un opérateur humain (du fait se ses limitations, un peu comme pour les chiens d'explosifs !).

Les systèmes automatiques susceptibles de détecter les comportements anormaux ne sont pas ma spécialité, mais les logiciels dont j'ai connaissance génèrent de nombreux faux positifs, ont une mauvaise précision, et il est facile pour un attaquant de créer de nouveaux profils inoffensifs.

De tels systèmes automatiques n'étant pas encore déployés, il ne faudrait pas instrumentaliser l'expérience londonienne pour promouvoir la vidéosurveillance et dans le même temps la biométrie ou pire le RFID. Au passage, cela satisfait les industriels, les politiques (qui peuvent afficher « du vent » à la une du SUN) et cela permet de préparer en douceur l'opinion pour le profiling marketing, ou le couplage de la vidéo surveillance avec les nouvelles cartes d'identités électroniques (Paranoïa aigue ou guerre des idées? la frontière est tenue.).

Bref, il me semble qu'il faut relativiser le succès de la vidéo surveillance, garder en mémoire le bilan mitigé du « trop technologique », et appuyer d'autant plus la conclusion du billet :)

Publié par nobody le 8 août 2005 à 0:21

Les caméras ont longtemps, à mon humble avis, été mal utilisées; et c'est encore le cas pour un grand nombre d'entre elles.

La surveillance 'en direct', à l'ancienne, avec un agent pour 25 caméras, 24/7 est un système demandant de gros moyens -techniques et financiers- pour des résultats le plus souvent médiocres.

Les caméras 'autonomes', telles que celles qu'on voit fleurir dans les trains helvétiques, ne sont supervisées par personne, mais elles enregistrent continuellement une boucle de plusieures heures. Avec ça, il est possible après un indicent de stopper l'enregistrement et de lire les dernières heures enregistrées. C'est donc en effet un dispositif auxilliaire, défensif.

En tant que citoyen, cette deuxième catégorie de caméras ne me pose pas de problèmes, fussent-ils éthiques ou financiers; c'est probablement une des concessions à faire en ce moment.

Publié par LolZ le 8 août 2005 à 3:31

Pour X. : je pensais surtout aux attentats du 21 juillet pour évaluer l'utilité des caméras automatiques, dans le sens que précise LolZ ci-dessus.

Par ailleurs, ce site est strictement distinct de mes activités professionnelles, et le DDPS n'a rien à voir avec ce que je peux dire ou écrire. Soyez cependant certain que ma hiérarchie tolère ces activités, et que nombre de militaires suivent ce laboratoire d'idées... :)

Une exception : les billets mis en ligne durant ma mission à Sumatra. Pour des raisons contractuelles et opérationnelles, j'ai fait une demande écrite d'autorisation auprès de l'état-major de conduite de l'armée, demande qui a été immédiatement acceptée.

Publié par Ludovic Monnerat le 8 août 2005 à 8:20

Pour ma part je suis honoré de pouvoir participer à ce laboratoire d'idées. Longue vie à cette activité qui se bonifiera en vieillissant, j'en suis sure.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 août 2005 à 14:34

Bataille des idées... Je me permets de reprendre in extenso le post d'abj66 des forums du monde qui exprime bien mon avis sur la question (après tout, on est en août, mois de grandes vacances!):
l'expérience séculaire montre qu'avec les sectaires, la discussion et la tolérance ne servent strictement à rien, sauf à prendre des risques soi-même ou à en faire prendre à sa population.

Parce que le sectaire, de même d'ailleurs que le fou, est inaccessible aux arguments qui seraient contraires à sa foi ou à sa vision des choses.

La seule façon de guérir un sectaire est de le déconditionner mais cela demande du temps et des spécialistes.

Quand on n'en a pas et que l'on a affaire à des sectaires dangereux qui, manifestement, veulent nuire parce que le gourou le veut, que c'est écrit dans les textes sacrés, et qu'ils sont trop nombreux pour que l'on puisse les déconditionner individuellement, le seul moyen est de leur taper dessus le plus fort possible avec un gros bâton (qui peut être la justice aidée par des lois adaptées) et recommencer à taper encore et encore aussi longtemps que ce sera nécessaire, c'est à dire jusqu'à la disparition des sectaires qui seront soit au trou soit morts, avec discernement certes mais sans état d'âme.

Cette manière de faire à en plus l'avantage de montrer que l'agressé injustement est déterminé à se défendre et à rendre coups pour coups et au delà , à punir sévèrement (*), ce qui peut décourager les zozos qui seraient tentés par l'aventure et a aussi l'immense avantage, lorsque les sectaires appartiennent à une minorité visible, de conforter tous ceux qui désapprouvent les sectaires en secret mais sont obligés de faire profil bas, d'autant plus que les terroristes appartiennent à leur groupe.
Mais les hommes respectent la Force juste et méprisent la justice faible car sa faiblesse la rend injuste. voir Pascal et bien d'autres avant lui :-)

Quand ils sont menacés, les hommes se rallyent toujours à l'autorité quand celle-ci est légitime et qu'elle les protège avec un gros bâton des dangereux illuminés.
L'objectif des terroristes est de rallier les tièdes et les indécis de leur groupe par la peur inspirée en leur montrant que l'Etat légitime est incapable de les protéger et en faisant jouer une certaine solidarité.
Le contre - terrorisme consiste à démontrer que la main qui protège est sure et qu'elle peut frapper encore plus dur que les terroristes tout en restant "juste"

(*)Les terroristes ne doivent bénéficier d'aucune indulgence et leur punition, quand ils n'ont pas été tués, doit être la plus sévère possible. A titre indicatif, Shoko Asahara, de la secte Aoum Shinri Kyo, le gouru barbu et joufflu comme un imam islamiste, vous vous rappelez, le gugusse dont les adeptes avaient répandu du gaz sarin dans le métro de Tokyo histoire de s'amuser, sera pendu.

Publié par al le 9 août 2005 à 17:48

Tout à fait d'accord " al " mais parler de sectarisme pour l'Islam est une erreur ou pire le fruit de la rectitude politique. L'Islam est omnipotent. Comme pour le Japon avec l'empereur Hiro-Hitto représentant de Dieu sur terre, le changement ne viendra que par un choc de grande amplitude ( un très, très gros bâton ) ou je l'espère la réforme du livre, donc de la pensée et des esprits par les Arabes eux même qui pour une fois prendront l'initiative et s'affranchiront de leur soumission.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 9 août 2005 à 21:15

Sectarisme n'est pas de moi. Il se trouve que les musulmans "modérés" ont peu de sources textuelles sur quoi s'appuyer, alors que Ben Laden et consorts peuvent larder ses discours d'autorités scriputuraires authentiques, et non "détournées", qui justifient leurs abominations. Voir le bouquin (grand public) de Robert Spencer, The politically incorrect guide to Islam.

Publié par al le 9 août 2005 à 23:15