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12 juin 2005

Des fantômes assassins

Voici un mois et demi, j'avais consacré un billet critique à un article du Temps qui reproduisait et prolongeait un rapport de l'International Crisis Group sur l'état de l'islamisme au Sahel. Cette ONG affirmait que le commandement américain en Europe (EUCOM) exagérait la menace dans cette région, voire se livrait même à une manipulation pour justifier l'extension de ses activités. J'avais tenté de montrer les erreurs factuelles de cet article et les fautes de raisonnement qui limitaient l'intérêt de ce rapport. Affirmer que les Etats-Unis pourchassent des fantômes au Sahel en déployant leurs forces spéciales si rares n'avait, il est vrai, pas beaucoup de sens.

Le week-end dernier, une attaque commise sur un cantonnement de l'armée mauritanienne, à la frontière avec l'Algérie, a fait 15 morts, 17 blessés et 2 disparus dans les rangs des quelque 60 soldats présents ; les agresseurs, au nombre de 150, auraient perdu 9 hommes. Cette attaque a été revendiquée par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui relève de la franchiste islamiste d'Al-Qaïda dans la région et continue de commettre des attentats en Algérie. Le motif de cette attaque serait ainsi des représailles contre les arrestations d'islamistes effectuées en Mauritanie depuis mars dernier. Et ceci quelques jours avant que des manoeuvres militaires ne débutent sous la conduite des Etats-Unis.

Ces fantômes assassins, naturellement, ne convainquent pas ceux qui persistent à prêter aux militaires américains des visées irrédentistes qui rendent nécessaire un mensonge permanent. Pour ma part, je suis enclin à croire effectivement que le Sahel constitue une région favorable aux réseaux terroristes, et que l'action d'interdiction menée par l'EUCOM avec les pays concernés possède une justification stratégique solide (sans parler de l'importance de l'Algérie en tant que foyer du terrorisme). Le fait qu'une armée nationale soit durement attaquée suffit à indiquer les risques de déstabilisation issus du désert, indépendamment de l'identité des auteurs de cette action. Et le rapport de l'ICG montre encore plus ses limites, de même que les biais idéologiques qui empêchent l'écrasante majorité des ONG de constituer des interlocuteurs sérieux en matière de sécurité.

COMPLEMENT I (13.6 0850) : On notera que la pratique consistant à reprendre les rapports d'une ONG et à interviewer l'un de ses responsables est aujourd'hui utilisée à nouveau par Le Temps, cette fois-ci au sujet du Zimbabwe. Il ne faut pas perdre de vue les économies que ce type de technique permet de réaliser par rapport au paiement d'un reporter sur place...

Publié par Ludovic Monnerat le 12 juin 2005 à 19:46

Commentaires

Le Sahara noir a toujours été une zone à problèmes et la prédication musulmane fut toujours assez intense face à la pression chrétienne qui ces dernières années s'est intensifié avec les évangélistes. Prétendre que cette zone, le Sahel, est un paradis tranquille relève ou de la bêtise, ou de la mauvaise foi. Il ne fait aucun doute que le mouvement salafiste y est bien implanté et bénéficie de cette toile maraboutique millénaire. Si les Américains envoient des forces spéciales dans ces régions c'est que leur services de renseignements ont reçu suffisamment de preuves pour justifier une telle présence et je pense que certains évangélistes ne font pas que de la prédication...comme au temps de Charles de Foucault.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 13 juin 2005 à 4:33

Idem, mais je rappelle qu'il s'agit surtout d'une zone de trafic. Il s'agit d'un terrorisme qui s'ajoutent à la criminalité ambiante. Un article indique que peut étre les militaires du poste en question demandaient une part du gateau un peu trop grosse pour fermer les yeux.

Publié par Frédéric le 13 juin 2005 à 10:49

Trafic, terrorisme, criminalité, pots de vin, salafisme, prédication, Islam, assassins - encore de ces mauvais amalgames réducteurs qui nous cachent la réalité!

Publié par ajm le 13 juin 2005 à 14:06

La réalité des hommes ou celle des Dieux. Espérons que le ciel ne nous tombe pas sur la tête ;) Il est vrai que cet océan asséché le Sahara comme ceux qui ne le sont pas vit de son trafic et que les nombreux ports ou Oasis si vous préférez, grouillent de terrorisme, criminalité, pots de vin, salafisme, prédication, Islam, assassins et on pourrait grossir la liste en s'inspirant de certaines chansons de Brel. Les Romains l'avaient compris et les Américains redécouvrent ces culs de basse fosse. Le désert c'est l'extase mais les oasis sont bien souvent des lieux de perdition. Alors la parole de Dieu s'installe et prend tout son sens et les impies n'ont qu'à bien se tenir car c'est du désert que les plais s'abattent. Le monde occidentale ne pourra éradiquer la menace que dans la mesure ou il comprend bien que c'est du désert qu'elle provient comme les criquets pèlerins.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 13 juin 2005 à 16:54

Entièrement d'accord avec Senamaud, il s'agit d'une bête histoire de trafic mais il est plus judicieux de parler de terrorisme. Vous avez dit pipeline ????

Publié par Sardonicus le 13 juin 2005 à 20:00

Oui, c'est vraiment très juste: c'est le désert qu'il faut vaincre, sur terre et dans les coeurs.

Publié par ajm le 13 juin 2005 à 20:35

Ça semble confirmer que la qualité des études ne vient pas de l'organisation mais de ceux qui les font. Sur le Kosovo, l'ICG sait de quoi il parle.

Publié par François Guillaumat le 14 juin 2005 à 4:04

L'article ci dessus confirme que la criminalité se nourrit du terrorisme (ou le contraire) :

Les ravisseurs des journalistes roumains auraient été identifiés

14/06/2005 - 12h06

PARIS (Reuters) - Les services secrets roumains ont identifié les kidnappeurs des trois journalistes roumains détenus avec Florence Aubenas ainsi que le groupe spécialisé auquel ils ont été ensuite remis, écrit mardi Le Monde.

L'enlèvement, qui aurait été commandité par un homme d'affaires syrien détenu depuis le 5 avril à Bucarest, aurait été mené à Bagdad par un groupe spécialisé dans le kidnapping des étrangers, précise le quotidien.

Après avoir enlevé les trois journalistes roumains, ce groupe les aurait transférés à l'échelon supérieur d'un réseau spécialisé dans la détention et le marchandage des otages, la brigade de Mouadh Ibn Jabal.

Des agents de "réseaux Ceausescu" auraient été réactivés par Bucarest pour faciliter le contact avec les réseaux irakiens afin d'obtenir la libération des otages roumains, finalement libérés le 22 mai, écrit Le Monde.

En effet, 500.000 étudiants des pays arabes ont transité par les universités roumaines et quelques-uns d'entre eux, liés au Hamas, au Hezbollah ou aux Frères musulmans, avaient été recrutés par la Securitate.

Depuis la libération des journalistes roumains, la police irakienne rechercherait activement Hakim Ziab Hamid Hussein Al-Samataï, surnommé "Abou Sahar", qui aurait servi d'intermédiaire entre les ravisseurs initiaux et le groupe qui détenait les otages depuis le 1er avril.

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Publié par Frédéric le 14 juin 2005 à 14:47