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21 mars 2005

Europe : l'embargo chinois

L'éventuelle levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine occupe ces jours passablement d'esprits. Suite à la loi antisécession votée par Pékin, l'Europe a refroidi les espoirs chinois de voir la reprise rapide de l'exportation d'équipements et de technologies militaires, mais le principe reste acquis - notamment, on le sait, à l'insistance de la France. De son côté, Washington vient de réitérer par l'entremise de Condoleeza Rice son opposition à de telles ventes, en lançant un avertissement plutôt tranché. La situation laisse penser que l'Europe devra choisir entre la Chine et les Etats-Unis - ceux-ci étant largement soutenus en Asie sur cette question.

Sur le continent, les adversaires déclarés de l'Amérique considèrent la levée de l'embargo chinois comme allant de soi - en voyant dans cette décision un renversement stratégique dû à l'essor du nouvel Empire du Milieu qui semble surgir de l'Asie, par opposition à des Etats-Unis jugés voués à un rapide déclin. Cette perspective idéologiquement motivée vise ainsi à faire d'une initiative avant tout économique - l'industrie d'armement européenne a un besoin urgent de nouvelles exportations - le signe d'une réflexion de grande portée, dont les conséquences seraient même révolutionnaires. Les thuriféraires de l'Europe grande puissance ne manquent pas d'air...

Sur le plan militaire, l'éventuelle vente d'armes européennes à la Chine ne changerait que modérément l'équilibre de l'Asie. Les géants de la défense du continent ne manquent pas de produits susceptibles de vivement intéresser Pékin, qui s'efforce de moderniser ses armées pléthoriques pour en tirer une composante projetable à même de rivaliser avec ses ennemis potentiels (Taiwan, Japon, Corée du Sud, Etats-Unis, Inde). Les avions de combat et leurs missiles (l'ensemble Rafale-Mica-Scalp), la défense contre avions et missile (Aster), les sous-marins conventionnels à propulsion anaérobie (Scorpène et autres) ou encore les systèmes de commandement digitaux sont par exemple des produits très performants. Mais le délai séparant leur vente éventuelle de leur mise en service à large échelle serait certainement suffisant pour que d'autres ventes permettent de rétablir l'équilibre.

Quelle que soit la qualité des produits européens, l'industrie de défense américaine reste en effet capable de fournir dans tous les domaines des produits au moins comparables - et les principaux rivaux régionaux de la Chine sont déjà ses clients traditionnels. En d'autres termes, les armées déjà hautement technologiques de Taïwan, de la Corée ou du Japon n'auraient aucune peine à intégrer de nouveaux équipements - surtout aériens et navals - en moins de temps qu'il n'en faudrait à la Chine pour pleinement exploiter ses nouvelles acquisitions. L'équilibre serait ainsi rétabli par la politique volontariste de Washington, mais toute l'Asie verrait l'actuelle course aux armements encore s'accélérer - par la "faute" de l'Europe.

L'affaire prend cependant tout son sens sur le plan moral. Le Figaro a publié aujourd'hui un appel écrit par trois dissidents chinois - qui vivent à Pékin... - et visant à dissuader les Européens de lever l'embargo mis en place au lendemain du massacre de Tiananmen. Ils expliquent que le Gouvernement chinois reste tout aussi tyrannique qu'en 1989, et que leur pays a besoin de démocratie et de liberté - et non d'armes sophistiquées qu'il opposera aux démocraties qui l'entourent. Et ces auteurs courageux ajoutent un paragraphe qui montrent combien les perceptions ont évolué dans le monde ces dernières années :

Nous éprouvons de la peine à l'écrire, mais pour beaucoup de citoyens chinois et d'intellectuels libres, l'Europe et la France, mère des droits de l'homme, sont sur le point d'abandonner leurs principes et leur humanisme pour des gains commerciaux à court terme. Pour nous Chinois, les vrais défenseurs de la démocratie se trouvent aujourd'hui de l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis.

L'Europe ne va donc pas choisir entre Pékin et Washington, entre une puissance montante et une autre déclinante, n'en déplaise aux antiaméricains irréductibles. Elle devra choisir entre la tyrannie et la démocratie, entre le bénéfice pécuniaire et le bénéfice moral, entre le court et le long terme. Pour une fois, elle a la possibilité de montrer que la "puissance douce" peut être appliquée avec un effet politique tangible. Il sera intéressant de suivre la décision qui sera prise ces prochains mois.

Publié par Ludovic Monnerat le 21 mars 2005 à 21:25

Commentaires

Merci pour ces remarques extrêment intéressantes!

Quand je pense que c'etait Chirac qui proposait à Davos cet hiver que les pays ayant un secret bancaire payent une sorte de redevance pour alimenter un fonds de soutien au tiers-monde... Je proposerais plutôt une taxe sur les livraisons d'armements français (en Afrique notamment...)! Ce serait plus adéquat. Ensuite, je pense qu'il est totalement absurde de fournir des armes à la Chine, ça ne rime à rien. D'abord ce gouvernement n'a pas changé depuis le massacre des étudiants et la chute du mur de Berlin (le régime n'avait aucune raison de changer...). Ensuite, il s'agit bien d'une puissance grandissante qui entre en conflit à différents endroits avec des intérêts américains (Corée, Japon, Taiwan, et toujours plus aussi en Asie centrale). Est-ce donc VRAIMENT dans l'intérêt de l'Europe de soutenir ce rival important des Etats-unis, qui restent tout de même un allié? C'est cette obsession franco-allemande de vouloir créer une multipolarité artificielle qui motive ces démarches absurdes. Il serait vraiment temps d'évacuer la France du Conseil de Securité...

P.S. Imaginez juste une seconde que c'était Bush, non, mieux: Rumsfeld, qui annoncait que les Etats-unis avaient décidé de livrer des armes (disons des missiles) à la Chine. La gauche solidarisante ne se ferait pas attendre pour protester contre ce nouveau projet "néolibéral" et "militariste".

P.P.S. Quelqu'un sait-il à ce propos si la Suisse a été le seul pays européen à interrompre la coopération militaire avec Israël après "Jénine" en 2002? Ou est-ce que d'autres pays ont/avaient aussi joué à ce jeu de mauvais goût?

Publié par Robert Desax le 21 mars 2005 à 23:18

"L'Europe ... devra choisir entre la tyrannie et la démocratie, entre le bénéfice pécuniaire et le bénéfice moral, entre le court et le long terme."

Ca fait plaisir à nouveau de voir un MILITAIRE se soucier de... démocratie, de iberté et de bénéfice moral

- surtout quand certains politiques semblent s'en soucier si peu !

Désolé encore pour les fleurs, mais je ne peux m'empêcher de vous redire:

Merci encore de redonner à l'art militaire ses vraies lettres de noblesse !

Publié par jc durbant le 22 mars 2005 à 9:04

Ps: Désolé aussi pour ces préjugés d'un autre âge sur les ...MILITAIRES !

Publié par jc durbant le 22 mars 2005 à 9:27

Les mots comme morale, tyranie, démocratie, courageux sont bien choisis. Vous dites que la levée de l'embargo européenne ne change rien de l'équilibre des forces en Asie. Mais alors comment se fait il que ce soit la faute aux Européens s'il y a course aux armements? Il y a contradiction dans votre texte. Je souligne le mot "faute". On cherche à culbabiliser les Européens, c'est une technique connue. Les militaires suisses font de la propagande maintenant?

Publié par Nicolas le 22 mars 2005 à 10:10

Je croyais que mon texte était clair : toute vente d'armes européenne de qualité à la Chine fournirait à celle-ci un avantage potentiel tel qu'il sera aussi compensé par la vente d'armes américaines comparables aux pays voisins, maintenant ainsi l'équilibre des forces, mais pas le volume global des armements. Je ne vois pas de contradiction dans ce raisonnement.

Le fait que mettre le mot "faute" entre guillemets montre bien qu'il faut relativiser le poids de celle-ci. Cela dit, relancer la course aux armements serait, le cas échéant, bel et bien de la responsabilité de l'Europe (on peut évidemment évoquer le rôle d'Israël dans ce processus, avec la vente projetée puis annulée sous pression américaine d'un radar pour avion de surveillance et d'alerte avancée).

Il me semble donc incorrect de voir mes réflexions être assimilées à de la propagande.

Publié par Ludovic Monnerat le 22 mars 2005 à 11:01

Vous savez, j'ai un peu suivi vos textes sur votre site. Il y a un texte qui parle couverture biaisé des journalistes. Lorsque vous relevez la phrase "Pour nous Chinois, les vrais défenseurs de la démocratie se trouvent aujourd'hui de l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis", est-ce que cela traduit la pensée de tout le peuple chinois? Vous faites exactement ce que vous critiquez aux journalistes. Vous parlez de fautes européennes, sans évoquer le plan antimissile des Etats-Unis. Petites remarques: nos alliés américains ne nous font pas de cadeau dans la guerre économique. Ils chantent les louanges du monde libre, à condition que ça soit eux les maîtres du monde. Il ne faut pas s'étonner que leurs alliés cherchent à re-équilibrer les relations.

Publié par Nicolas le 22 mars 2005 à 13:30

Je salue l'intervention de Nicolas qui amène un nouveau vent dans ce blog. Bien que je ne partage pas ses vues :-)

Je pense qu'il est vrai que les USA ne font pas de cadeaux aux Européens en matière économique. Dans d'autres domaines non plus d'ailleurs... Il n'y aucune raison de se faire des cadeaux en relations internationales. De Gaulle disait avec raison que par opposition à l'homme, une nation ne pouvait jamais avoir d'amis (à ce propos: si seulement Chirac avait un semblant de sagesse comparable à celle de de Gaulle...!). Une nation aura cependant toujous une "Interessenslage", une somme d'intérêts, qu'il convient de respecter et de défendre. C'est justement ce que l'Europe ne fait pas en l'occurence. Je pense que c'est extrêmement "short-sighted" voire dangereux de soutenir la Chine au niveau militaire. C'est contre toutes les règles de l'art et ça risque d'avoir finalement un impact non désiré. Cela ne sert ni les intérêts de l'Europe ni ceux de ses alliés.

Publié par Robert Desax le 22 mars 2005 à 17:55

Concernant la capacité des USA à suivre cette course aux armement entre la RPC et Taiwan, je signale que les prommesses faite en 2001 de livrer de l'armements Higt Tech ne se sont pas encore concrétisé et le Parlement de Taipeh à trouver la facture chére à son gouts, une 2eme présentation du budget pour l'achat de ces armes doit étre présenter aprés des sévéres coupes.
Et les Etats Unis sont actuellement dans l'incapacité matérielle de livrer les 8 SM diésels promit, ils n'en fabrique plus depuis des decennies et les autres constructeurs de SM classiques en Europe et en Asie n'ont pas l'air presser de se froisser avec Pékin qui vas construire cette années encore un dizaine de SM et en recevoir de Russie.

Publié par Frédéric le 22 mars 2005 à 18:03

Alors que l'on parle de plus de plus de vendre des armes à Pékin, je vous soumet ce cas qui donne à réfléchir :

http://www.sinodefence.com/army/transport/hmmwv.asp

Et voici comment l'Armée Populaire de Libération à ses propres Hummers, on copie et on produit sans license.

Je vous conseille aussi cette par le réve Chinois d'étre enfin reconnut comme une grande puissance :

http://www.sozoala.com/chine/default.htm

C'est une page de revue de presse (GUOJI ZHANWANG, COURRIER INTERNATIONAL, ASIA TIMES ONLINE...). Les articles dates en majorité de fin 2004

Je vous propose enfin cette éditorial, on ne parlez pas QUE de Taiwan a l'assemblée Chinoise, mais aussi des réformes (libérales) nécessaire à la prospérité du pays

La Chine n'est pas une démocratie mais elle n'est plus une dictature absolue comme actuellement en Corée du Nord ou anciennement sous Mao :

http://www.chinatradewinds.com/

Spécial session ANP
Un Plenum ambigu, mais fécond

Le X. Plenum de l'ANP (26/2-14/3) a vécu sous deux lumières antagonistes-conflit nécessaire (pour faire coexister réforme et cadre autoritaire), mais fécond en résultats.

En mars 2004, Hu Jintao et son 1er ministre Wen Jiabao se lançaient dans un programme de justice sociale et de consolidation légale. 2005 par contre voyait un raidissement contre toute tolérance.

Cette dualité aboutit le 8/3, lors du Plenum, à une décision qui en éclaire l'enjeu : la démission de Jiang Zemin du poste de patron de l'APL, l'arméee chinoise, mettant terme à de longues années de guerre de succession. Quelles que soient ses sensibilités, le tandem Hu Jintao - Wen Jiabao devait ménager le lobby légué par Jiang, jusqu'à cette échéance!

Aussi à ce Plenum, l'audace des réformes fut proportionnelle au consensus : forte en économie et en droit, diaphane en politique et dans l'administration. En énergie, des actions géantes débutent, telle l'adoption d' une loi des énergies vertes et les prémisses d'un Ministère de l'Énergie, seul apte à endiguer les ambitions des lobbies électriciens.

En agriculture, l'effort de promotion est renforcé (cf. article « taxation »). 1ère fois depuis 1997, la spirale vers le bas est brisée: en 2004, hausse de 9% de la récolte de grain (469,5Mt), des emblavures à 101Mha (+ 2,2M ha), du revenu rural, +6,8% (mais toujours plus basse que l'urbain, +7,7%).

En droits de la personne, la Cour suprême veut établir (sans date!) des chambres d'appel aux peines de mort (5 à 12.000 cas/an, qui baisseront alors de 30%). Le camp de travail sera limité à 1,5 an au lieu de 4, et doté d'un appel. L'avortement sélectif deviendra crime, et le harcèlement sexuel (entre autres), un délit. Une loi d'état d'urgence sera discutée dès 2005.

Indiscutablement, le point focal du Plenum fut le vote d'une loi antisécession de Taiwan, qui prévoit le recours aux moyens non pacifiques, mais dans des termes flous, et assortis d'arguments pour rassurer. Même ainsi, elle comporte un risque pour ses auteurs: celui de les forcer à rétropédaler en 2006 (quand Taiwan modifiera sa constitution), pour éviter alors un conflit international. Avec ses principes durs et ses modalités molles, cette loi semble plutôt destinée à usage interne-faite pour rassurer l'aile dure. Elle trahit les divisions d'un pouvoir bicéphale. Six mois plus tôt, Pékin était moins tranché sur cette question de Taiwan.

Deux priorités s'affrontent : celle de l'APL, et celle de la nation - la paix et la croissance par les échanges. Entre ces options exclusives, le choix reste en suspens!

Publié par Frédéric le 22 mars 2005 à 18:15

A Nicolas : je ne crois pas que citer un article d'opinion puisse être confondu avec l'opinion d'une population entière. J'ai employé ce texte pour montrer que l'argument moral n'est pas du côté de la levée de l'embargo. Difficile de voir un biais dans un raisonnement éthique.

Quant aux Etats-Unis, dont la volonté de défendre leurs propres intérêts me paraît tout à fait normale, il est exact que les projets de boucliers antimissiles contribuent à accélérer la course aux missiles balistiques en cours depuis les années 60 - notamment face à la Chine. Mais le domaine de la dissuasion nucléaire ne peut être comparé aux armements conventionnels, dont le seuil d'emploi est incomparablement plus bas.

Publié par Ludovic Monnerat le 22 mars 2005 à 21:41

Je viens de lire un article de Français DANJOU sur le sit chinequestion.net. Je suis en phase avec l'article sur les ventes d'armes:

"Si on observe les relations franco-chinoises depuis le XVIIIe siècle, quand Voltaire prenait la défense de la Chine contre le Vatican dans la querelle des rites et que le Français Abel Remusat créait la sinologie moderne, on constate qu'elles sont à la fois inconstantes et passionnées. Leur style, souvent emphatique, dominé par des échanges culturels et d'incessants étonnements réciproques, parfois forcés, dépasse le cadre des relations normales entre deux pays aussi éloignés culturellement et géographiquement.

La lune de miel actuelle (selon la presse chinoise elle-même), n'échappe pas à cette règle où le sentiment, parfois la dithyrambe, constituent le fond de tableau des années croisées (que les Chinois ont baptisé « les années culturelles »). C'est dans ce climat idyllique que c'est déroulé il y a un mois, le dernier voyage en Chine du Président de la République qui, depuis son entrée en fonction en 1995, en est déjà à son troisième périple dans le vieil Empire du Milieu.

Après la brouille des années 1989-1994 marquées par l'embargo européen sur les ventes d'armes sanctionnant la répression de Tian An Men à l'initiative de Paris et le camouflet stratégique de la vente des armes à Taiwan par la France, J. Chirac, féru de civilisation chinoise et de sinologie, renouait donc avec une tradition ancienne.

Cette réconciliation, ponctuée par plus d'initiatives françaises que chinoises, a depuis 2000, été jalonnée par la relance du partenariat stratégique initié en 1996, mais dont la substance était restée fort mince. Cette fois Paris a joué une carte maîtresse en proposant à Pékin de peser dans les instances de l'Union européenne pour mettre fin à l'embargo européen sur les ventes d'armes. Dans cette action la France a reçu le soutien de Javier Solana et de Gerardt Schroeder. Comme Jacques Chirac, ces derniers pensent que les sanctions sont anachroniques et que le rêve déjà très hypothétique d'un « monde multipolaire, organisé autour d'un droit international reconnu de tous » aura encore moins de chances de voir le jour avec une Chine ostracisée et frappée de sanctions qui la ravalent au rang du Soudan, de la Birmanie ou du Zimbabwe.

En caracolant ainsi très en avant de ses partenaires européens, et une nouvelle fois en complet désaccord avec Washington, la France espère bien recueillir quelques dividendes. Au plan stratégique d'abord la controverse lui permet à nouveau de jouer ce rôle de pionnier dans les relations internationales qu'elle affectionne. Au XVIIIe siècle, elle avait ouvert le chemin des relations culturelles avec l'Orient Extrême, au XXe siècle le Général de Gaulle avait brisé le tabou de la pensée unique et du « containment » de la Chine, imposé par Washington. C'est dans cette ligne que se place aujourd'hui Jacques Chirac : celle d'une France qui ouvre les portes de la réconciliation pour sortir du cul de sac de la guerre froide, dans lequel une partie de l'Occident continue de vouloir confiner la Chine.

Mais la stratégie du pionnier est aussi celle des affaires. Certains en privé se félicitent en effet de la moisson de 4 milliards d'euros récoltée lors du dernier voyage présidentiel, interprétée comme une première manifestation de la gratitude chinoise. D'autres, plus importants encore, pourraient venir (TGV Pékin - Shanghaï, Centrales nucléaires, Airbus A 380) si l'embargo était levé.

Le pari est cependant risqué car rien n'indique pour l'instant que les 25 Etats membres de l'UE soient sur la même ligne que la France et l'Allemagne. Beaucoup en Europe du Nord et à l'Est sont au contraire calés sur Washington qui répète que les ventes d'armes européennes déstabiliseraient la situation dans le détroit de Taiwan, dont les Américains s'estiment les gardiens, et augmenteraient les risques encourrus par l'US Army en cas de conflit.

Ces blocages qui sont autant d'incertitudes mesurent la fragilité des promesses faites par la France. Celle-ci ayant peut-être imprudemment laissé s'instiller chez les dirigeants chinois, qui comprennent mal le fonctionnement consensuel de l'Europe et évaluent difficilement la capacité de pression de Washington, l'idée que notre influence en Europe était plus forte jadis qu'elle ne l'est en réalité maintenant. Dans ce contexte le risque existe que les frustrations chinoises nées des espoirs déçus incitent Pékin à reconsidérer les contrats avec la France avec plus de distance, le ressentiment en plus.

Enfermée par une relation passionnelle, aujourd'hui portée par une vision stratégique de recomposition de l'ordre mondial qui prend le contrepied des stratégies américaines, l'amitié franco-chinoise, on le voit, gagnerait à plus de constance et de pragmatisme.

Puissance mondiale en devenir, membre permanent du Conseil de sécurité, de plus en plus influent et de plus en plus écouté, la Chine est, par le dynamisme et la puissance parfois désordonnée de sa croissance, placée au centre des grands problèmes, stratégiques, économiques, énergétiques et d'environnement de la planète. Il est probablement illusoire de vouloir construire un ordre mondial équilibré en la tenant à l'écart.

Au-delà de la question technique des sanctions, l'embargo pose donc la question des relations stratégiques des Etats-Unis et de l'Europe avec la Chine et de la place de cette dernière dans l'ordre du monde, dont à ce jour personne n'a sérieusement débattu. 15 ans après la décision d'appliquer les sanctions à la Chine, le moment est peut-être venu d'initier cette réflexion entre les Etats membres de l'UE et Washington."

Publié par Nicolas le 23 mars 2005 à 1:32

Je croyais qu'il n'y avait que la soi-disant "Éducation Nationale" française pour produire des analphabètes.

Publié par François Guillaumat le 23 mars 2005 à 21:12

Bonjour

Sans tomber dans le registre pro chinois ou anti americain sur fond de valeurs morales, cette volonté européene de lever l'embargo ne traduit-elle pas un certain agacement de voir tous les contrats d'armement majeurs (avions de combat surtout) verouillé par les Etats-unis ?

Je pense qu'il s'agit ici d'envoyer un signal aux americains dans le cadre de la feroce competition (guerre) economique qui se joue. En effet l'on ne compte plus les grand appels d'offre remportés par les Etats-unis sur des criteres bien eloigné de la qualité intrinseque des produits.

Vous nous empecher de vendre nos armement strategique, nous allons trouver de nouveaux debouchés ?

PS: Je viens de decouvrir ce site, avide lecteur de checkpoint.online, je tiens a felicité L.Monnerat pour toutes ses analyses qui tranchent avec tous nos medias bien pensant.

Publié par Olivier (FRANCE) le 20 mai 2006 à 0:31