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14 janvier 2005

Tortionnaires à la Une

Un "Abu Ghraib suisse" : voilà comment la presse suisse dite de boulevard présente une affaire pour le moins trouble, qui voit un soldat autrichien se plaindre de "tortures" subies par des policiers militaires suisses lors d'une séquence d'instruction avant le déploiement d'un contingent SWISSCOY au Kosovo. Basé exclusivement sur un article du Blick publié le jour précédent, sans le moindre indice de vérification des accusations portées, l'article du Matin est complété par un éditorial particulièrement extrême de Peter Rothenbühler, qui accuse les soldats de nuire au pays :

Les actes commis par des soldats suisses sur un appointé autrichien renvoient une image détestable de la Suisse. On apprend que le pays de Dunant torture aussi bien que le pays de Bush. Götzendorf comme Abou Ghraïb. En peu de temps, nos boys de la Swisscoy ont atteint le niveau mondial.
[...]
Par pitié, arrêtons d'envoyer un peu partout quelques malheureux soldats non armés, capables de ficher par terre l'image de notre pays.

Axés sur le premier incident apparemment grave vécu par la SWISSCOY en plus de 5 ans de mission au Kosovo, ces propos ne sont pas crédibles. Au pire, seule l'Autriche est touchée par un tel incident, et les accrochages ou maltraitements entre soldats d'une même mission dans une caserne n'ont de toute manière rien à voir avec des maltraitements exercés sur des détenus en cours de déploiement. Les soldats suisses ont au contraire une excellente réputation à l'étranger, et constituent une image de marque de première qualité.

Mais cet intérêt pour l'image du pays amène également Peter Rothenbühler à critiquer le déploiement du contingent suisse en Indonésie, qu'il juge "un peu ridicule" et que la population suisse à son avis ne soutient pas. Au vu des critiques subies par d'autres nations pour leur engagement insuffisant, notamment en France, on ne peut qu'être surpris par cette affirmation ; quant à connaître l'avis des Suisses, seul un sondage permettrait de fournir quelques indications à ce sujet. Pourquoi Le Matin ne déciderait-il pas de poursuivre l'affaire et de commander un sondage des Suisses ?

On se demande d'ailleurs quelle image la Suisse pourrait avoir en refusant une demande d'appui du HCR pour contribuer à l'aide humanitaire en Asie du Sud. Peter Rothenbühler a la plume leste et critique, mais son goût pour la dénonciation l'a ici emporté sur sa capacité de raisonnement.

COMPLEMENT I : Cet engagement "un peu ridicule" semble en tout cas bienvenu par le HCR, qui vient de localiser des milliers de réfugiés isolés supplémentaires et qui compte sur les 3 Super Puma suisses pour augmenter notablement ses capacités de transport.

Publié par Ludovic Monnerat le 14 janvier 2005 à 12:57

Commentaires

Malheuresement, ce genre de pratique n'a pas l'air de cesser.
Bizutage violent en France, maltraitances sur des appelés en Allemagne...
Les forces spéciales et les pilotes en autres suivent des stages recherche & évasion on les apprend a supporter les tortures mais il semble semble, si cette histoire est confirmé, que le caporal n'était pas volontaire pour de tels tests.

Publié par Frédéric le 14 janvier 2005 à 22:20

Concernant cette affaire, je n'ai aucune information autre que celles répandues dans les médias, et je n'ai fait aucune demande en interne pour en savoir plus. Le tout paraît pour le moins bizarre, et il faudra attendre quelques jours avant de se faire un jugement.

Cela dit, vous avez parfaitement raison : les violences entre soldats sont presque inévitables, et finissent toujours par éclater dans certaines circonstances défavorables (mission obscure ou contradictoire, chefs absents ou incompétents, etc.)

Publié par Ludovic Monnerat le 15 janvier 2005 à 10:29