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20 mars 2011

Libye : une odyssée sans fin ?

Ainsi donc, la communauté internationale - sous l'impulsion notable de la France, tant politiquement que militairement, mais sous la conduite des États-Unis - a décidé s'opposer par la force au colonel Kadhafi. Ce n'est évidemment pas une nouveauté : non seulement Paris a déjà mis en échec l'irrédentisme du maître de Tripoli lorsque ce dernier jetait ses colonnes vers le Tchad, mais Washington a mené à réitérées reprises des opérations de combat dans l'espace aérien libyen entre 1981 et 1989. On peut du reste relire avec intérêt ces épisodes (cf Joseph Stanik, El Dorado Canyon, Naval Institute Press, 2003) pour mesurer l'évolution des forces en présence depuis trois décennies.

Les activités militaires des premières heures de l'opération « Aube de l'odyssée », pour reprendre la désignation américaine, l'ont démontré : les forces armées loyales au colonel Kadhafi n'ont pu empêcher la prise de contrôle de l'espace aérien libyen et son utilisation pour des frappes qui semblent avoir pris par surprise plusieurs formations mécanisées impliquées dans la poussée vers Benghazi. Le déploiement en cours de forces supplémentaires, du côté de la coalition, ne laisse aucun doute sur sa capacité à maintenir cette zone d'interdiction aérienne qui couvre une grande partie de la Libye. Et à l'exploiter pour d'autres frappes air-sol.

Si les objectifs de l'opération - imposer cette zone de non-survol et empêcher l'écrasement des rebelles - semblent donc à portée de main, il n'en demeure pas moins que cette action limitée, pour reprendre la précision de l'administration Obama, est semblable à toutes les autres actions limitées, réactives et proportionnelles : en visant à contenir un adversaire, elles lui cèdent par avance toute initiative et s'inscrivent nécessairement dans une dimension temporelle particulièrement extensible. Il suffit à Kadhafi d'être patient, de mener sa guerre de l'information, d'exploiter les frappes pour consolider son pouvoir, et ainsi d'user la résolution comme la patience des capitales occidentales.

Certes, celles-ci ont de toute évidence des moyens d'action au sol, destinés à renforcer et à multiplier les capacités de rebelles : des agents des services de renseignement (le Canard Enchaîné révélait ce mercredi que la DGSE livrait des armes lourdes aux insurgés) et probablement quelques détachements de forces spéciales (comme semblent l'indiquer la précision et l'effet des bombardements). Mais procéder à un changement de régime à Tripoli ne fait pas partie des résolutions 1970 et 1973 de l'ONU, même si les Libyens peuvent y parvenir, et utiliser l'insurrection libyenne comme l'Alliance du Nord fin 2001 en Afghanistan ne semble pas exactement l'intention de la coalition.

Est-ce que les forces armées occidentales se sont engagées dans une odyssée sans fin ? Faute de rechercher une victoire militaire, et non de simples succès, c'est déjà la recherche d'une solution politique négociée qui semble la seule manière de l'éviter.

Publié par Ludovic Monnerat le 20 mars 2011 à 18:05