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12 février 2010

La bataille de Novare (1513) : une victoire chevaleresque

La deuxième communication est présentée par le Docteur Olivier Bangerter, membre du comité scientifique du CHPM.

La bataille de Novare n'a pas marqué les esprits comme la bataille de Marignan, mais elle illustre le fonctionnement du système suisse et en montre les limites. Elle se situe à une époque où la France tente de reprendre le contrôle du duché de Milan, avec à ses côtés Venise, alors que seuls les Confédérés appuient le duc. Le siège de la ville n'aboutit pas, la Diète ayant envoyé des renforts.

Le jour de la bataille, le 6 juin 1513, l'armée française compte 10'000 fantassins en état de combattre, soit 5000 lansquenets et 5000 fantassins italiens comme français, ainsi que 1500 cavaliers lourds, 1500 cavaliers légers, 25 canons et entre 400 et 600 arquebuses. Du côté suisse, on compte 8800 fantassins, avec une petite cavalerie milanaise, sans que l'on sache exactement comment l'armée confédérée était organisée ou commandée.

Aux premières lueurs du jour, les soldats suisses sortent de la ville en désordre ; la première attaque est le fait des « enfants perdus » et vise l'artillerie française, mais elle n'aboutit pas. Le gros des Confédérés arrive sous le feu de l'artillerie française : 3000 hommes se lancent dans un assaut frontal, alors que 4000 autres tentent de tourner les positions françaises. L'attaque frontale est repoussée, mais les Français - et notamment la cavalerie lourde, engagée en contre-attaque - subissent des pertes sensibles ; l'attaque de flanc provoque un changement de front de l'infanterie française et de son artillerie ; le choc entre les Confédérés et les lansquenets est très violent, mais aucun adversaire ne cède du terrain. Les arquebuses des lansquenets déclenchent un feu sur les flancs des Suisses qui engendre des pertes énormes, mais les hallebardiers suisses sortent des rangs puis massacrent les arquebusiers allemands. Ceci aboutit à une retraite en désordre des troupes françaises. Les Suisses comptent quelque 1000 morts, contre 5000 à 7000 hommes pour les vaincus, et une bonne partie de leur artillerie.

Novare est une victoire sans appel pour les Confédérés. Pourtant, les forces et faiblesses des deux camps étaient relativement équilibrées. Les Suisses ont pour eux la qualité tactique de leurs fantassins, dans l'effet de choc qu'ils engendrent et dans leur capacité à manœuvrer, y compris sous le feu adverse ; ils ont également un moral plus élevé et ont la conviction de leur supériorité vis-à-vis des lansquenets comme des Français. En revanche, leur commandement n'est pas unifié et peine à influencer la conduite des troupes, alors qu'une véritable mystique du choc frontal, qui s'est développée depuis les guerres de Bourgogne, aboutit à réduire l'importance accordée aux armes à feu. Le manque de cavalerie, enfin, a empêché de pleinement exploiter le succès et donc d'anéantir l'armée adverse.

Les Français avaient une armée équilibrée, a priori capable d'une tactique interarmes entre infanterie, cavalerie et artillerie. Cette dernière est abondante et bien commandée, et le feu de ses canons est responsable de la majorité des pertes subies par les Confédérés. La cavalerie lourde a également gagné le respect des Suisses, grâce à ses contre-attaques sanglantes à travers les rangs pourtant serrés des piquiers helvètes. Enfin, les lansquenets font jeu égal ou presque avec les fantassins suisses, et ils le montreront à Marignan comme à Pavie. Toutefois, le caractère bicéphale du commandement français - qui plus est avec un Français et un Italien - aboutit à une conduite des troupes défaillante, ainsi qu'à une incapacité de prévoir l'attaque des Suisses, par excès de confiance. Les différentes armes, enfin, ne sont pas en mesure de s'appuyer l'une l'autre.

A Novare, le choc - secondé de la manœuvre - l'a emporté sur le feu. Mais ce dernier tue bien davantage qu'avant, en ce début du XVIe siècle, ce qui indique la limite des tactiques confédérées et annonce les déconvenues prochaines.

Publié par Ludovic Monnerat le 12 février 2010 à 14:43