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23 octobre 2009

Les lectures des dirigeants

Intéressante analyse sur le site du New Yorker, sous la plume de George Packer, au sujet des lectures des dirigeants, et notamment de deux livres sur la guerre du Vietnam qui a priori ont la cote dans différents cercles de Washington. Extrait :

It doesn't come as a complete surprise, then, that "Lessons in Disaster" has made its way to President Obama's nightstand, while "A Better War" has been passed around Pentagon circles ever since the surge in Iraq. Obama wants to emulate Kennedy, not Johnson, in Afghanistan--wants to think calmly about the stakes in this war, ask the hard questions that his military advisers perhaps have not, and, if necessary, scale back or reject outright their requests. He doesn't want Afghanistan to do to him what Vietnam did to Johnson--a specter that has haunted the Obama Administration throughout its months in office. On the other hand, there are military officers who believe that the lesson of the surge in Iraq is that the right strategy can save even apparently doomed wars--in Vietnam, in Iraq, and now in Afghanistan; that the only obstacle is a failure of political will.
Richard Perle once told me that no one in Washington reads books. Not true, apparently, and it's good to know that important ones are being read around the Obama Administration. But this competition between reading lists worries me. Back in 1993, Bill Clinton, having campaigned on the need for America to intervene in the Bosnian war, got hold of Robert Kaplan's book "Balkan Ghosts" shortly after taking office and concluded that this was an ancient ethnic blood-feud and no one could do anything about it. That was bad history, and it led to bad policy: Clinton allowed the genocide to go on for over two more years. Books in the hands of Presidents are not necessarily helpful. (According to Karl Rove, George W. Bush read ninety-five books in 2006, the year the Iraq war was nearly lost.)

C'est un aspect à la fois délicat et passionnant des hautes responsabilités qui est ainsi abordé. A travers un livre, la stratégie et les décisions d'un État peuvent être influencées d'une manière concurrentielle aux conseils et évaluations d'une administration ou d'un état-major, et bien entendu opposée aux messages émotionnels ou militants véhiculés le plus souvent par les médias de masse. Mieux : la lecture peut façonner le cadre intellectuel d'un dirigeant, orienter ses réflexions et ainsi influencer ses décisions avant même que lui soient attribuées les responsabilités afférentes. Au risque précisément de croire détenir la vérité, ou de tirer des parallèles inexistants.

Il serait intéressant de savoir quels livres certains dirigeants consultent-ils en parallèle de certains choix difficiles. Y compris à des sujets moins graves que la conduite d'un conflit, comme les soucis actuels de la Suisse le montrent. Est-ce que Hans-Rudolf Merz a lu un ouvrage sur les prises d'otages et les chantages entre États avant d'entreprendre son voyage historique en Libye ? Quelles sont les lectures effectuées par Ueli Maurer sur la transformation des forces armées face aux défis du XXIe siècle, ou même sur la puissance aérienne ? Voilà qui donnerait sûrement à quelques explications passionnantes pour comprendre les points de vue et le processus décisionnel des uns et des autres...

Publié par Ludovic Monnerat le 23 octobre 2009 à 18:26