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7 juin 2008

Les limites de la sous-traitance

L'arrestation présumée d'un dirigeant militaire du Hezbollah en Irak, alors qu'il se chargeait d'entraîner la milice pro-iranienne de Muqtada Al Sadr, est l'un de ces événements qui révèlent tout un pan d'une réalité connue, mais difficile à cerner précisément. Alors que les États-Unis ont subi le mois passé les pertes les plus basses depuis le début de l'opération, et alors que l'Irak n'est plus le pays le plus violent au monde (l'Afrique du Sud ayant repris cette navrante pole-position), l'approche indirecte choisie par Téhéran pour contrer l'offensive américaine au Moyen-Orient montre à la fois ses limites et sa complexité, avec un sous-traitant principal (le Hezbollah) chargé de développer un sous-traitant secondaire (l'Armée du Mahdi). Ce qui, soit dit en passant, est exactement ce que font les États-Unis lorsqu'ils mandatent des sociétés privées pour développer des forces locales.

Utiliser des tiers pour atteindre ses propres objectifs stratégiques, en tant que "proxy" ou prestataires de services, revient en effet toujours à déléguer une partie de sa liberté d'action à l'acteur ainsi mandaté. Avec le risque de perdre la mise, si cet acteur commet une erreur majeure ou prend une dimension trop importante. C'est d'ailleurs ce qui se passe avec le Hezbollah : son coup de force le mois dernier lui a permis d'imposer sa politique au sommet de l'état libanais, et d'avoir ainsi le veto exécutif que lui vaut sa force militaire ; mais ce faisant, il a retourné ses armes contre ses propres concitoyens, alors qu'il les justifiait par la nécessité de la lutte contre Israël, ce qui l'expose bien davantage. Ou comment des gains à court terme peuvent se traduire, à moyen terme, par des pertes significatives. A moins qu'une nouvelle confrontation armée déclenchée contre Isräel lui permette une nouvelle fois de consolider par son propre sang sa légitimité.

Cette approche distincte, stigmatisant un ennemi traditionnel pour mieux régenter l'État en profitant de sa faiblesse, n'a toutefois pas fonctionné en Irak. Pour la simple et bonne raison que les États-Unis ont su, après maints tâtonnements, adopter et démontrer une position de rempart contre le chaos provoqué par les islamistes sunnites, notamment à l'initiative de l'emblématique Al-Zarqawi. Et si Al-Qaïda aujourd'hui se lamente d'avoir perdu l'Irak après y avoir pourtant investi des ressources considérables (ressources qui auraient pu avoir un effet bien plus important sur d'autres théâtres d'opération), l'Iran n'a pas non plus réussi à bénéficier de ces conditions pour placer dans un rôle d'éminence grise ou de faiseur de roi la faction qu'elle porte à bout de bras depuis 2003. Mais l'union contre l'ennemi commun se délite aussitôt que l'ennemi en question disparaît. Et la sous-traitance américaine envers les tribus sunnites, à son tour, est sujette à cette fragilité.

Rien ne remplace une capacité d'action propre, une aptitude à agir à visage découvert. Confier certaines tâches à des tiers est acceptable aussi longtemps que l'on conserve la possibilité de les accomplir soi-même, c'est une condition essentielle de l'indépendance nécessaire à toute stratégie propre. Un aspect à prendre en considération dans toute réflexion sur l'évolution des forces armées et des outils sécuritaires, également chez nous...

Publié par Ludovic Monnerat le 7 juin 2008 à 10:18

Commentaires

Petite question, avez put sauvez les archives de l'ancien blog ?

Publié par Frédéric du Wiki le 9 juin 2008 à 9:44

Les GI’s de retour à la maison en 2011 ? :

http://canadianpress.google.com/article/ALeqM5g2mIEfVr40CB_4y-ss7RhGM2c-Ug

Il est vrai que déja sur le terrain, l’armée irakienne fait preuve d’initiative et commence à savoir à se débrouiller, mais est elle parfaitement au point pour lutter seule contre l’opposition intérieure et intimider les ennemis extérieurs ?

Avez vous des précisions sur cette accord ?

Publié par Frédéric du Wiki le 21 août 2008 à 1:06