« La violence comme but en soi | Accueil | RMS : nouveaux billets »

4 juin 2007

L'approche indirecte face à l'Iran

Au début de 2006 a eu lieu sur ce site une tentative de planification militaire participative en ligne visant à appréhender les contours d'une opération armée contre les projets d'arme nucléaire en Iran ; le temps m'a manqué pour mener cette expérience à son terme, mais il est rapidement apparu qu'une opération coercitive et ouverte multipliait les complications, alors qu'une approche indirecte, utilisant d'autres lignes d'action stratégique que le seul recours à la force armée, semblait davantage adaptée. Si l'on en croit ces informations, c'est bien une telle approche qui a été retenue par les États-Unis, notamment par le biais de sabotages industriels rappelant certains épisodes de la guerre froide :

In January 2007, the head of Iran's Atomic Energy Agency, Vice-President Gholamreza Aghazadeh, said after an explosion at the Natanz nuclear facility (the first Iranian plant to attempt enrichment) that some of the equipment had been "manipulated." The explosion destroyed 50 of the plant's centrifuges.
Other evidence has indicated that sabotage was the reason for some of the technical problems Iran has encountered in its enrichment enterprise. Sources told CBS intelligence agencies have altered technical data, making it "useless."

Dans la pensée stratégique, on recourt à l'approche indirecte lorsqu'une approche directe est trop risquée ou trop coûteuse ; dans ma propre conception stratégique, une action telle que le sabotage industriel s'effectue en mode distant dans le domaine matériel et vise à provoquer un engagement contre-productif des ressources iraniennes. Bien entendu, elle est complétée par d'autres mesures, dont notamment les sanctions économiques et la communication subversive, ainsi que par un recours flagrant aux capacités militaires à des fins dissuasives, mais aussi protectrices (aussi bien envers les alliés des États-Unis qu'envers leur propre stratégie). Ceci dit, l'avantage de l'approche indirecte, pour peu qu'on lui en laisse le temps, est de fournir des résultats probants avec un minimum de risque et de ressources.

Le temps reste donc le facteur déterminant de la lutte en cours.

Publié par Ludovic Monnerat le 4 juin 2007 à 20:29

Commentaires

Au préalable certainement, les USA pratiquent déjà un sabotage économique en exerçant des pressions sur les fonds d'investissements et entrepreneurs pour les éloigner du marché iranien... Ce qui peut déjà avoir un impact sur la vie des iraniens sans pour autant déclencher un trop fort ressentiment haineux.

Publié par Olivier D. alias ze kat le 4 juin 2007 à 20:56

"notamment les sanctions économiques"
la guerre est économique et financière, cf ce que j'en avais déjà "dit" un jour ici
les Européens ne peuvent presque plus continuer à faire des affaires avec les islamistes iraniens (en profitant de l'absence des US) :
Total reporte ses projets d'investissement, Peugeot abandonne les siens en Iran, seuls ces XXXX de Renault continuent... toujours aussi kollabo et communiste la Régie !
le régime des mollahs est au bord du gouffre...
la "guerre des idées" peut être gagnée en Iran, sans l'intervention... des militaires !!!

Publié par JPC le 4 juin 2007 à 22:14

La conclusion est un "point d'attention" qui me semble particulièrement important. Bravo.

Publié par FrédéricLN le 4 juin 2007 à 22:25

"Le temps reste donc le facteur déterminant de la lutte en cours."

Je reste dubitatif. La course contre le temps implique un délai avant un événement; ici, le seul événement futur semble être l'obtention par l'Iran de l'arme atomique. Je n'en vois pas d'autre, plus immédiat, qui arriverait avant et qui empêcherait le régime d'atteindre son objectif ultime. N'en déplaise aux joueurs de violon locaux, le régime de Téhéran n'est absolument pas sur le point de s'effondrer.

Les retards amenés par le sabotage ne m'apparaîssent donc que comme de maigres contretemps dans une trajectoire vers l'inéluctable. J'oserai même dire que certains gouvernements commencent déjà à intégrer un Iran doté de l'arme nucléaire dans leur équation diplomatique, comme un fait accompli.

Question ouverte: si demain, Ahamdinejad annonce que l'Iran a l'arme atomique - vrai ou faux, aucun moyen de le savoir - que va-t-il se passer?

Publié par Stéphane le 4 juin 2007 à 22:36

@ M. Monnerat

- Les Iraniens ne sont pas idiots. Ils lisent comme vous et moi les informations mondiales et naviguent aussi sur Internet. Les manœuvres de déstabilisation contre eux peuvent amener un retour de bâton d'autant plus douloureux que l'Iran est sur place (contrairement aux Etats-Unis) et dispose, à l'intérieur de l'Irak, des sympathies d'une population chiite, qui n'a pas encore commencé à les combattre (ou, du moins, pas encore au niveau de la guérilla sunnite).

- En 2006, les cinq premiers mois de l'année, l'armée américaine avait eu 293 tués. Pour les cinq mois correspondants de 2007, ces pertes se montent à 476 tués, soit plus de 62 % d'augmentation ! Dans les trois premiers jours de ce mois de juin, l'armée américaine a perdu 17 soldats, ce qui, rap-porté au nombre de jours de juin, nous mettrait sur une pente de 170 tués (alors que le nombre de tués, en mai, était déjà de 128, nombre inégalé depuis novembre 2004 : 137 tués). En suivant la même pente, cela nous amènerait à 1145 tués fin 2007, contre 822 en 2006, soit une augmentation de 39 %. Evidemment, on n'est pas encore au niveau du Vietnam, mais ça risque de changer si les Iraniens prennent au sérieux les manigances américaines. Et je ne parle pas de l'Afghanistan!

- Par ailleurs, les Etats-Unis commencent à avoir des sérieuses contradictions avec leur «cher» allié turc, pays militairement le plus fort du Proche-Orient, allié d'Israël, au sujet du Kurdistan irakien, officiellement protégé par les Etats-Unis. Le 3 juin, une dépêche d'agence nous ap-prend que l'armée turque a pilonné le Kurdistan irakien. Si la Turquie montre de la mauvaise volonté (comme en 2003, lorsqu'elle a refusé le passage aux troupes américaines), les Etats-Unis vont se retrouver en sale posture!

- La description que vous faites de la campagne du duc Léopold de Habsbourg, qui aboutit à la bataille de Morgarten, correspond admirablement! à la situation irakienne d'aujourd'hui ! Remplacez «Confédération helvétique» par al-Qaida et Rodolphe de Habsbourg par George Bush, vous aurez une description saisissante de la réalité! Notamment votre phrase : «A Morgarten, les Helvètes étaient vraisemblablement persuadés qu'ils affrontaient des oppres-seurs mus par le seul appât du gain, alors que les nobles ne cachaient pas leur mépris pour ces «vachers» irrespectueux des usages et ne méritant aucune pitié.»

- Que penser, en effet, d'une armée qui, lors de son entrée à Bagdad, a laissé piller tous les mi-nistères! sauf celui du pétrole ? D'une armée qui a installé ses quartiers dans les anciens palais de Saddam Hussein ? D'un gouvernement qui se fait bâtir une ambassade de proportions pha-raoniques (de la taille du Vatican) ? De soldats qui écrasent (dans tous les sens du mot) du haut de leur supériorité, les naturels du cru ? Remplacez chevaux caparaçonnés par chars, Hummers, Strykers ou avions, le résultat est saisissant : même pas besoin de changer les verbes! Et même l'opprobre des autorités religieuses à l'égard des manants révoltés contre leur seigneur ne peut-il avoir son pendant dans l'opprobre des gouvernements occidentaux, ou l'opprobre des médias dominants à l'égard des islamistes rétifs à la Pax americana ? Votre analyse acérée, pénétrante, impitoyable, nous annonce bien l'issue de cette aventure irakienne!

Publié par Albert le 5 juin 2007 à 1:35

Avant de se prendre à l'Iran, le gouvernement Bush ferait mieux de s'occuper de l'intégrité territoriale et ethnique des USA:

http://www.cdapress.com/articles/2007/06/04/editorials/edit01.txt

(je vous invite à lire les commentaires de l'article qui sont parfaitement éclairants)

Publié par fass57 le 5 juin 2007 à 11:36

@ Albert :

Qu'est-ce qui vous agace le plus ? Que les Américains se construisent une ambassade de la taille du Vatican, ou que des Irakiens meurent "grâce" à l'Iran ?

Publié par Hugo le 5 juin 2007 à 14:23

Exemple d'un soldat américain opprimant des enfants irakiens :

http://www.youtube.com/watch?v=E3sxop1-PkI

Et juste une chose : l'iran soutient déjà activement les terroristes en Irak. Ils envoient des armes, de l'argent et des hommes. Les américains ont trouvé des caches contenant des armes et de l'argent iranien...

La différence avec cette bataille historique, c'est que les américains ont donné le pouvoir au peuple Irakien et qu'ils ne sont là que pour s'assurer qu'il n'y aura pas de guerre civile qui fera venir un autre dictateur au pouvoir.

Publié par Laurent le 5 juin 2007 à 15:39

@ hugo

1. Sur l'ambassade américaine. J'ai voulu dire, précisément, que c'était le genre d'édifice à donner aux Irakiens le sentiment que leur pays est sous l'éteignoir américain. Dans des relations normales, les ambassades occupent de beaux immeubles (palais Beauharnais pour l'Allemagne à Paris, palais Farnèse pour la France à Rome, hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville pour l'Italie en France, etc., pas des «villes dans la ville»). Une telle accumulation de bâtiments n'est pas pour entretenir des relations habituelles d'Etat à Etat mais pour abriter les services d'un proconsul. Je ne m'en agace pas du tout, bien au contraire ! Dans la mesure où cette construction humilie les Irakiens, où elle attise leur colère contre les Américains, donc où elle déstabilise leur pouvoir, j'ai tout lieu, au contraire, de m'en réjouir! C'est vous qui devriez vous en inquiéter !

2. Je ne vois pas, non plus, pourquoi vous diabolisez ainsi l'attitude de l'Iran à l'égard de l'Irak. Après le 11 septembre 2001, le gouvernement iranien a appuyé l'opération américaine en Afghanistan en mobilisant son influence sur la communauté hazara, de confession chiite, et ses liens, complexes mais étroits, avec les communautés tadjike et ouzbèke.

- Par ailleurs, à la veille de la guerre contre l'Irak de 2003, durant les semaines précédant les hostilités, des entretiens directs ont eu lieu, à Genève, entre Américains et Iraniens, d'où il est ressorti que l'Iran verrait avec faveur le renversement de Saddam Hussein, tout en souhaitant que l'occupation du territoire irakien par les forces américaines ne dure pas.

- Puis un accord, théoriquement «secret», sous l'égide de Washington et de Téhéran, est intervenu entre les organisations chiites irakiennes, les unes soutenues par le gouvernement iranien, les autres sous protection américaine, pour l'ouverture d'un corridor entre le territoire iranien et les régions déjà occupées par l'armée américaine et où la communauté chiite était implantée. Par la suite, la République islamique a affiché la plus grande réserve devant le déroulement des opérations, et l'armée iranienne a refoulé sans ménagement le groupe wahhabite qui menait dans le nord de l'Irak une activité politique et religieuse violente, soupçonné par les services américains d'être en relation avec Al-Qaida et qui, devant la prise en main de la région par les milices kurdes, tentait de franchir la frontière.

- Enfin, le gouvernement installé en Irak sous protection américaine est à dominante chiite (comme l'Iran), reflétant en cela la structure majoritaire de la population irakienne(entre 50 et 55 %), les au-tres se partageant entre Arabes sunnites (18 %), Kurdes (22 à 25 %) et Turcomans (2 %). Or, jusqu'à présent, le sud chiite est, sous occupation britannique, resté beaucoup plus tranquille que le Bagdad sunnite.

- En résumé, donc, le régime de Téhéran a (au minimum passivement, sinon activement) aidé les Américains à renverser les talibans, à renverser Saddam Hussein et à ne pas entretenir, dans le sud chiite (ou dans le Bagdad chiite), une guérilla au niveau de la guérilla sunnite (soutenue, directement ou indirectement par les Saoudiens, grands «alliés» des Américains!). Peut-être que le renversement des talibans ou de Saddam Hussein aidait objectivement les Iraniens. Il n'en reste pas moins que ceux-ci (au moins de 2001 à 2004) leur ont donné de fameux coups de pouce. Pourquoi les Américains sont-ils allés leur chercher noise ?

Publié par Albert le 5 juin 2007 à 17:38

Que dire de ces rumeurs persistantes disant que c'est l'Iran qui à "désinformé" le gvt US (qui ne demandaient qu'a y croire) sur l'avancement des programmes d'AMD Irakiens ?

Publié par Frédéric le 6 juin 2007 à 10:23

J'aimerais inviter à (re)lire mes interventions (pas si déplacées que ça, n'est-ce pas?) déjà faites sur ce site au même sujet ici (voir le lien proposé par Ludovic).


Je ne pense pas que des sabotages changeront la situation si on pense aux bombardements alliés sur l'allemagne et les résultats de la gestion Speer ... décentralisation et augmentation dramatique de la production. Il faudrait une opposition interne pouvant en profiter, ce qui n'est pas le cas car opposition interne assez forte n'existe pas.


Il faudrait une volonté politique, qui en dehors des USA et UK (pour combien de temps) n'existe pas. S'agissant de survie, Israël a toute la volonté ... mais le reste des nations contre ...

Il faudrait une Chine et une URSS au moins neutres, ce qui n'est pas le cas. Voir les dernières du csar Putin.

Les opérations clandestines ne pouvant être que des actions d'usure non résolutive ... il ne reste que l'option Kobi Oz ... voir sur youtube sous TEA PACKS "push the button"

Comme dèja dit sur ce même site la solution risque de ne pas être conventionnelle.

Publié par Mikhaël le 6 juin 2007 à 18:32