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13 décembre 2006

Le matériel et les hommes

Bonne nouvelle pour l'armée suisse : le Conseil national a accepté aujourd'hui le programme d'armement 2006, qui avec 1,5 milliards de francs d'investissement traduit une hausse très nette en la matière. Certes, la majorité confortable dégagée par les représentants du peuple (115 voix contre 64) doit être pondérée par l'échec de justesse d'une tentative visant à geler les deux tiers des crédits ; malgré cela, le succès politique contraste nettement avec l'échec du programme d'acquisition 2004, et le soutien aux chars du génie recalés 2 ans plus tôt est à souligner. A elle seule, l'augmentation des acquisitions est d'ailleurs un signal très positif pour la modernisation de l'armée, sérieusement ralentie ces dernières années. La capacité de l'armée à mener des opérations de combat de haute intensité avec une conduite numérisée est désormais sur les rails.

Bien entendu, ce vote positif - après celui du Conseil des Etats - n'empêche pas que le refus par le Conseil national de l'étape de développement 08/11 possède un effet suspensif sur l'évolution de l'outil militaire, et notamment sur sa focalisation. On peut comprendre que le Parlement accepte un programme d'armement renforçant avant tout la capacité de défense après avoir refusé une réforme visant à réduire le volume de cette capacité, mais on ne peut pas se contenter de digitaliser ou de mettre à jour des équipements anciens : tôt ou tard, c'est bien une nouvelle armée, apte à répondre aux défis identifiés par un nouveau rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité, qui devra être mise en oeuvre. L'essentiel, soit une orientation stratégique claire, sur laquelle on peut construire et développer, n'est donc pas encore acquis.

Plus important encore : les investissements en hausse acceptés aujourd'hui au niveau du matériel se font en parallèle de diminutions presque ininterrompues, malgré une récente décision d'augmenter les postes des militaires professionnels, au niveau du personnel. Cette prédominance des équipements sur les humains est une constante des armées occidentales, et s'explique largement par les intérêts économiques dans le domaine de la défense, mais il va à l'encontre des besoins opérationnels contemporains : non seulement les utilisateurs de ces équipements doivent avoir les qualités psychologiques, éthiques et cognitives qui permettront de les employer au mieux, mais ces mêmes équipements nécessitent des échelons arrières particulièrement performants. Et les armées ont avant tout économisé dans la logistique ces dernières années.

Le fait que l'armée puisse davantage investir dans un matériel des plus modernes ne peut être une chose positive que si elle choisit d'investir également davantage dans son personnel.

Publié par Ludovic Monnerat le 13 décembre 2006 à 15:39

Commentaires

Le détail du programme d'armement se trouve sur le site du département de la défense :

http://www.vbs-ddps.ch/internet/groupgst/fr/home/generalstab/streitkr/rustungsprogramme/programme.Par.0004.DownloadFile.tmp/Ruestungsprogramm_2006_A5_f%5B1%5D.pdf

Le système d'informations de conduite des Forces Terrestres paraît tout particulièrement retenir l'attention. Il était temps que l'armée se dote d'un tel outil de conduite, même si l'aspect "greffe sur l'existant" risque de provoquer de nombreux problèmes d'optimisation (une spécialité de l'armée suisse : on change par petits bouts, au gré des budgets, en priant pour une sainte rétrocompatibilité). Qu'un budget soit initialement alloué est une excellente chose, par contre la technologie évoluant très vite il faudra bien réalimenter la chose au risque de la voir rapidement dépérir.

Et comme déjà dit, le besoin en hommes qualifiés va se faire encore plus pressant (je me demande si ledit système sera intégré dans ma brigade, où il est déjà difficile de construire un réseau d'une bonne taille en raison du faible effectif).

Publié par Souflette le 13 décembre 2006 à 19:06

La réalité des chiffres tels qu'exposés par exemple dans la dernière étude de l'Institut Constant montre clairement la progression de la socialisation et de la collectivisation de la Suisse. L'égoïsme que vous décrivez en est l'une des conséquences.
En fait, et c'est en cela que je me distingue de la plupart des commentateurs de ce blog : je pense que l'islamisme n'est pas grand chose en lui-même; il est un symptôme, pas une maladie. Notre maladie, c'est la politisation du privé, le nihilisme socialiste dans lequel s'engouffre l'islamisme.

Publié par pan le 14 décembre 2006 à 4:55

@ Souflette,

Entièrement d'accord avec vous, j'espère que ce système sera compatible avec RITM sinon nous risquons de souffrir de pas mal de déboires... Et je constate qu'au niveau trm il est impossible d'engager une br avec ses seuls moyens en la matière, il faut toujours qu'un bat ondi, dépendant unquement des FT, soit engagé en parallèle, ce qui cause toujours d'énormes problèmes dès que l'on veut planifier un ex ou un engagement d'une certaine ampleur..

Publié par Ofrens le 14 décembre 2006 à 9:18

J'ose espérer une compatibilité totale (ou quasi-totale) avec le système RITM, car je vois mal l'armée se rééquiper entièrement avec du matériel adéquat (il faudrait revoir les antennes ondes dirigées, le matériel radio, les commutateurs, les véhicules de commandement et de transmission...). Mais je pense que c'est le cas : le réseau militaire est "OTAN-compatible".

Reste l'éternel problème des hommes, d'autant plus sensible que celui-ci touche des niveaux de qualification plus ou moins sophistiqués. La troupe devra être réinstruite, avec un lot de spécialistes nécessaires toujours plus important.
En voilà une solution pour utiliser efficacement la réserve : on leur flanque un caquolet sur le dos et on les reconvertit en 2 semaines en tireurs de lignes et planteurs d'antennes ;)

Publié par Souflette le 14 décembre 2006 à 16:54

Lol, excellente idée ! Mais je ne me fais pas trop de soucis pour l'emploi du nouveau système d'information : la milice regorge de jeunes informaticiens passionnés qui seront d'autant plus motivés s'ils se retrouvent face à un système moderne, même complexe...

Publié par Ofrens le 14 décembre 2006 à 17:01

Encore faut-il que l'armée ait la bonne idée de placer ces jeunes informaticiens au bon endroit. J'ai fait mon ER en 97 comme informaticien et j'ai actuellement j'ai mon diplôme d'ingénieur en informatique. Le hic, c'est que depuis je n'ai quasiment pas refait d'informatique à l'armée, par contre de l'ondi, de la SE-435, les lignes au cacolet comme mentionné ci-dessus (pas un mauvais souvenir d'ailleurs), mais de l'informatique quasi rien. Sauf pendant 2 ans, ou certains avaient eu la bonne idée de nous employer à l'état major de la brigade blindée 2 pour les cours d'état major, à la satisfaction de tous. Mais plus suite à la dissolution de cette brigade.

Là où ça se gate, c'est que mon cas n'est pas isolé. Avec les personne avec qui j'ai effectué mes cours, plusieurs n'étaient pas avec le matériel pour lequel ils étaient formés: ondi dans Stey SE-435 et inversémment. A se demander pour quelle raisons l'armée forme des hommes dans certains domaine pour les mettre sur du matériel qu'ils ne connaissent pas. Et pareil pour les chauffeurs, on a des chauffeurs Puch quand les véhicules sont des Duros.

Bref, tout ça pour dire que plus important que les investissements, l'armée pourrait utiliser intelligement les hommes à disposition. Et ça ne coûterait pas plus cher pour de meilleurs résultats.

Publié par Fred le 14 décembre 2006 à 18:40

@ Fred, vous avez raison, c'est un problème récurrent mais qui est le plus souvent causé par les problèmes d'effectifs au début des cours de répet...

Publié par Ofrens le 14 décembre 2006 à 22:53

Ces problèmes sont également dus aux ratés de PISA 2000 lors de son introduction, hélas en même temps que celle de l'Armée XXI. Les erreurs d'aiguillage ont été nombreuses : un ami me citait encore cette semaine, dans un bataillon du génie, des pilotes de chars de grenadiers envoyés toucher des chars-ponts...

Seule solution : prendre soi-même des initiatives et chercher une place qui convient, notamment en discutant à gauche et à droite. Mon mail est disponible sur cette page !

Publié par Ludovic Monnerat le 15 décembre 2006 à 9:06

En parlant de matériel, la Suisse ne peut louer ses 18 Hawks au Canada, sans que les USA ne donnent leur assentiment sur la transaction!

http://warbirdinformationexchange.org/phpBB2/viewtopic.php?t=10124&sid=c5512b9fa17183af57254f50494516c8

Rogntudju, je peux encore aller m'ouvrir une canette, sans que les étasuniens m'en donnent la permission? ;-)

Un mot encore sur ces Hawk: en 1994, on nous a vendu leur achat, en disant que ces avions allaient pouvoir servir plusieurs décennies dans notre aviation. Je me souviens encore des discours parlant de pièces de rechange pour les 40 prochaines années!

Et voilà ti pas que, moins d'une dizaine d'années après leur mise en service, ces avions prennent la poussière dans les hangars d'Emmen. Tout simplement parce qu'à l'époque de leur acquisation, personne n'avait anticipé, ce qui était pourtant aisément prévisible, qu'un avion d'entraînement avec un cockpit classique serait obsolète quasiment dès sa mise en service (comme les Vampire étaient vraiment à bout de souffle, il aurait été préférable d'acquérir en leasing, pour trois-quatre ans, quelques avions, afin d'attendre qu'arrivent sur le marché des jets d'entraînement équipés d'origine de cockpits modernes).

J'espère donc que ceux qui planifient aujourd'hui ces programmes d'armement sont un peu mieux avisés! (tiens, ça me rappelle aussi la valse des radios de section!)

Publié par fass57 le 15 décembre 2006 à 11:31

Le RITM est en quelque sorte le hardware et donc les canaux par lesquels l information pour la conduite informatisée va passer. Je vois donc pas de problème de compatibilité. Il y a par contre un plus grand risque avec InTaff ( conduite inforatisée de l'artillerie.

En outre en matière de systèmes d'informations il est parfois plus sage d avoir une conduite de projet itératives plutôt que de vouloir developper dès le dèpart en même temps toutes les composantes du système alors que les besoins et les technologies disponibles rendront déjà désuet le projet lors de sa mise en oeuvre.

Le point clé est de reussir à ce que les hommes puissent profiter au maximum de la valeur ajoutée d'un tel système.

Publié par crys le 15 décembre 2006 à 15:23

A ce sujet, je viens de recevoir aujourd'hui à mon domicile une plaquette (fort bien faite au demeurant)éditée par le centre patronal vaudois au profit d'un "Groupe Romand pour le Matériel de Défense et de Sécurité". La plaquette elle-même étant une propagande en faveur de l'acquistion du système de conduite. Un nouveau lobby en faveur de l'armée ? www.grpm.ch

Publié par Ofrens le 15 décembre 2006 à 17:13